Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Protection des épargnants — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois la période budgétaire passée, la commission des finances retrouve du temps pour se pencher sur des sujets plus spécifiques. C’est le cas avec cette proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants.

Alors que l’inflation a fait son grand retour dans l’actualité économique, atteignant environ 6 % en 2022, après des années d’inflation faible, voire nulle, l’épargne des Français est entrée dans une nouvelle zone de risque. L’inflation, conjuguée à l’évolution parfois erratique des valeurs boursières et à des taux d’intérêt encore bas, malgré la nette remontée amorcée voilà un an, tend à éroder la valeur des fonds placés en produits d’épargne.

Rappelons que le taux d’épargne moyen des Français est l’un des plus élevés des pays développés. Est-ce le signe d’une inquiétude collective face à l’avenir, du pessimisme que l’on attribue souvent à notre peuple, ou simplement d’une plus grande prévoyance, ancrée dans la culture nationale ? Toujours est-il que nos concitoyens sont loin d’avoir le comportement de cigale qu’on leur prête souvent…

Voilà encore un peu plus d’un siècle, la France était considérée comme le banquier du monde. Grâce à une population encore majoritairement rurale, habituée à économiser, l’État, qui n’avait plus fait défaut sur sa dette depuis la Révolution, jouissait d’une puissance financière exceptionnelle – malgré quelques déconvenues historiques, comme l’affaire des emprunts russes pendant la Première Guerre mondiale ou les nombreux scandales financiers qui ont émaillé l’histoire de la IIIe République…

Revenons au présent : en 2021, le taux d’épargne des ménages français était égal à 18, 7 % du revenu disponible brut, après avoir bondi en 2020 du fait de l’épargne contrainte induite par les restrictions sanitaires. Sur longue période, il est d’une assez grande stabilité, autour de 15 %. En comparaison, le taux d’épargne sur le long terme est de 6 % seulement aux États-Unis et de 10 % environ en Allemagne. Seule la Suisse affiche un taux d’épargne supérieur à la France.

Au-delà de la conjoncture, les auteurs de la proposition de loi considèrent que le marché français de l’épargne souffre de défauts structurels, dont pâtissent les épargnants. La majorité de l’épargne des Français est placée sur des comptes bancaires ou sur des livrets réglementés, dont l’archétype est le livret A, dont le taux remonte actuellement.

Or si ces placements sont peu risqués, ils sont également assez peu rémunérateurs, bien que peu ou pas imposés. Faut-il pour autant se diriger vers une gestion de l’épargne à l’américaine avec les risques que celle-ci comporte ? Gageons que ce n’est pas l’objectif des auteurs de cette proposition de loi.

Par ailleurs, les différents frais liés à la gestion de l’épargne représentent des montants non négligeables pour les épargnants et sont souvent assez mal connus. Je reprendrai les propos de mon collègue Christian Bilhac, en commission, la semaine dernière : les clients doivent se voir proposer une information claire et surtout personnalisée et adaptée à leurs besoins. Ainsi, ils doivent être informés sur la valeur nette et non brute des placements, de même que sur les frais potentiels et non sur les seules plus-values.

Pour autant, je m’étonne du chiffre avancé par les auteurs de la proposition de loi, selon lesquels un particulier faisant le choix de commencer à épargner très tôt pour sa retraite pourrait voir la performance de ses placements à 40 ans captée à plus de 55 % par les frais. Confirmez-vous ce chiffre ? Comment s’explique-t-il ?

Les chapitres consacrés à l’encadrement des frais et aux conditions d’une meilleure transparence comportent de bonnes mesures, applicables à des opérations dont l’épargnant n’a souvent même pas connaissance.

Toutefois, je m’interroge sur le bien-fondé de l’article 5 bis qui assouplit l’éligibilité en PEA des fonds de placement à risque.

De même, j’émets des réserves sur l’article 16, introduit en commission, qui supprime le délit d’entrave aux enquêtes et contrôles de l’Autorité des marchés financiers au profit d’une simple sanction administrative.

Prolongeant une mesure de la loi Pacte, l’article 7 assure une transférabilité complète de l’assurance vie. Son adoption constituerait un réel progrès en ce qu’elle offrirait à l’épargnant une liberté bien supérieure dans la gestion de ses placements.

Les membres du RDSE saluent la qualité du travail accompli par les auteurs de ce texte et se prononceront, à moins que des modifications importantes ne soient apportées au cours de la séance, pour son adoption.

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