Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’assurance vie est actuellement le placement préféré des Français : quelque 45 % des ménages ont souscrit un contrat en assurance vie, ce qui représente presque 50 millions de contrats individuels pour un total de près de 2 000 milliards d’euros d’encours.
La durée moyenne de détention d’un contrat en assurance vie est de douze ans, ce qui permet aux gestionnaires du secteur bancaire et assurantiel d’accompagner la dette des États et le développement des entreprises sur le long terme.
Toutefois, la chute des taux d’intérêt a eu de lourdes conséquences sur la rémunération des fonds euro, passée de 5, 3 % en 2000 à 0, 8 % en 2022, poussant les gestionnaires à orienter les épargnants vers les unités de compte, dont la rémunération est plus attractive, mais aussi plus risquée.
Ces unités de compte sont des investissements confiés à des gestionnaires de fonds portant des orientations ciblées sur les actions ou les obligations nationales, européennes ou internationales, comme les fonds verts, par exemple. La rémunération des épargnants est donc aujourd’hui plus aléatoire, moins sûre et moins linéaire, car plus risquée, mais plus favorable sur le temps long.
De même, s’il apparaît plus éthique d’investir sur de la valeur d’entreprise que sur la dette des États, les frais de gestion peuvent amoindrir sérieusement les rémunérations.
La proposition de loi de mes collègues Husson et de Montgolfier met en évidence une opacité des frais qui pénalise les épargnants. Un premier rapport, publié en 2021, a permis certaines avancées de la part des gestionnaires et de l’AMF sur la transparence des frais, notamment la mise en place de nouvelles obligations au 1er janvier 2026. Nous en prenons acte.
En sus de l’encadrement des frais, prévu au chapitre I, la proposition de loi vise à instaurer une plus grande transparence de la performance des produits, condition clef pour assurer aux épargnants un choix éclairé et pour stimuler la concurrence.
Les quatre premiers articles sont ainsi particulièrement dirigés vers les épargnants afin de leur garantir une information claire et transparente et guider au mieux leur choix.
Je m’interroge cependant sur l’ensemble des obligations imposées aux gestionnaires dans les lettres annuelles. Je reste convaincu qu’on ne remplacera pas le conseil et la confiance par des obligations et des devoirs qui rendent l’information trop lourde et de moins en moins lisible pour les épargnants.
L’article de cette proposition de loi qui m’apparaît le plus important et dont la mise en place pose question à l’ensemble des acteurs est sans aucun doute l’article 7. Il a pour objet de permettre une véritable transférabilité interne et externe des contrats d’assurance vie au-delà de huit ans.
La transférabilité externe est impossible pour le moment. Les épargnants doivent racheter leur contrat, au risque de perdre l’avantage fiscal acquis au-delà de huit ans. La transférabilité interne est également compliquée en ce qu’elle dépend du bon vouloir du gestionnaire. En cas de refus, l’épargnant rachète trop souvent son contrat sans replacer les sommes sur son assurance vie, pourtant censée le suivre tout au long de son existence.
Prenons l’exemple d’une personne ayant souscrit un contrat d’assurance vie voilà huit ans chez un gestionnaire de patrimoine, lequel a placé dans une compagnie. Le gestionnaire de patrimoine n’est plus en activité et la compagnie a été rachetée par une autre, qui ne souhaite plus avoir de réseau physique. La situation du souscripteur change et ce dernier souhaite faire le point, mais ne trouve plus d’interlocuteur. Il s’adresse donc à un nouveau conseiller, qui lui avise de renforcer ses versements sur l’assurance vie, pour préparer les prochaines étapes de son existence, à l’intérieur du contrat existant, qui bénéficie de l’antériorité fiscale de huit ans.
Cette obligation, voulue par l’Autorité de contrôle et le législateur, entrave dorénavant le choix des épargnants. Certes, le législateur a souhaité rendre répréhensibles des actes commerciaux qui désavantagent des clients, mais faisons attention aux limites de ces dispositions.
L’absence de transférabilité empêche l’épargnant de faire les bons choix et d’opter pour les conditions qui correspondent le mieux à sa situation personnelle et à ses objectifs. C’est pourquoi je suis favorable à la transférabilité, à la condition que la durée minimum de huit ans soit respectée.
J’entends cependant la crainte des gestionnaires, qui s’inquiètent du nombre de rachats comme de l’obligation de garder une réserve pour répondre à ces demandes. J’entends aussi leurs réticences quant à la part d’épargne qu’ils ne pourront plus placer pour répondre aux demandes de rachat.