Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur le contenu du traité de Prüm, qui a été présenté par notre excellent collègue M. Robert del Picchia. Si la délégation pour l'Union européenne a souhaité s'exprimer dans ce débat, ce n'est pas tant sur le fond que sur la méthode.
À l'image des premiers accords de Schengen, ce traité représente, en effet, une forme de coopération intergouvernementale, négociée en dehors du cadre de l'Union européenne, mais ouverte à la participation de tous les États membres et ayant vocation à être intégrée dans l'Union européenne.
L'Allemagne a d'ailleurs fait de l'intégration de ce traité l'une des priorités de sa présidence, et, lors du dernier conseil « justice et affaires intérieures », le 15 février, cette idée a fait l'objet d'un accord de l'ensemble des États membres.
Nous devrions donc être saisis prochainement d'un projet de texte européen visant à intégrer tout ou partie du traité de Prüm dans le cadre juridique de l'Union européenne.
Comme l'illustre l'exemple des accords de Schengen, l'expérience montre que, lorsqu'une coopération intergouvernementale a réussi, elle a ensuite été élargie à d'autres États membres et intégrée dans le cadre des traités.
En réalité, comme le soulignait M. Hubert Haenel dans un rapport d'information adopté récemment par la délégation pour l'Union européenne, seul le recours à des « coopérations renforcées », dans le cadre du traité ou en dehors, peut permettre, dans les circonstances actuelles, de réaliser de véritables avancées dans l'« espace de liberté, de sécurité et de justice ».
En donnant aux États membres qui le souhaitent les moyens d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, le recours à cette formule permet, en effet, de surmonter l'obstacle de l'unanimité pour les aspects normatifs et de développer des formes de coopération souples pour les aspects opérationnels.
D'ores et déjà, cette avancée majeure de la construction européenne qu'a été la création de la monnaie unique n'a été possible que par le recours à la différenciation.
Dans une Europe à vingt-sept États membres aujourd'hui, trente demain, comment imaginer que l'Europe pourra progresser sans accepter une différenciation au moins temporaire ?
Les ministres de l'intérieur des cinq pays les plus peuplés, rejoints récemment par la Pologne, ont pris l'habitude de se réunir dans le cadre d'un « G6 » pour évoquer les questions concrètes relatives aux contrôles aux frontières, à l'immigration et à la coopération policière.
Dans le domaine de la coopération judiciaire, la France et l'Allemagne, rejointes par l'Espagne et la Belgique, ont engagé un projet d'interconnexion de leurs casiers judiciaires respectifs, afin de permettre la transmission immédiate, à chacun des États participants, des avis de condamnations concernant leurs ressortissants.
N'est-ce pas par cette voie que l'on pourrait imaginer un jour la création d'un Parquet européen collégial, compétent pour lutter contre certaines formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme, le trafic de drogue ou la traite des êtres humains ?
Renforcer la coopération opérationnelle pour les questions de justice et de sécurité est une impérieuse nécessité pour la crédibilité de l'Europe.
Au moment où l'Europe doit se rapprocher davantage des citoyens, c'est par des solutions pragmatiques telles que celle-ci que l'on pourra dépasser les blocages actuels et réaliser des avancées concrètes pour répondre aux préoccupations des citoyens.