Intervention de Christophe Bouillon

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 2 février 2023 à 9h05
Audition de M. Christophe Bouillon président de l'agence nationale de cohésion des territoires

Christophe Bouillon, président de l'Agence nationale de cohésion des territoires :

Il y a deux façons d'entendre votre mot « filature ». Moi qui suis originaire d'une région d'industrie textile, je le comprends non pas comme un exercice de police, mais plutôt comme un acte de transformation de matière...

C'est en tant que maire que j'exerce la présidence de l'ANCT, au sein d'un conseil d'administration où siègent des représentants de différentes associations et collectivités - Association des maires ruraux de France, association des intercommunalités, départements, régions, etc. -, étant moi-même président de l'Association des petites villes de France. En somme, tous les acteurs directement concernés par les dispositifs et actions menées dans leur direction de l'Agence nationale de la cohésion des territoires sont représentés.

Il me semble important de rappeler trois points essentiels : le texte, le contexte, le prétexte.

Les textes sont importants. Vous l'avez souligné, l'acte de naissance de l'ANCT s'est écrit ici même au Sénat. La proposition de loi de Jean-Claude Requier - nous nous en souvenons - a représenté la première mouture de cet acte de naissance, définissant la raison d'être de l'Agence. En relisant l'exposé des motifs de cette loi du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, nous voyons que l'une des premières missions qui lui a été attribuée est l'ingénierie.

Le décret du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires est venu compléter ce texte, précisant l'organisation de l'Agence en respectant l'esprit de la loi.

Il est essentiel de commencer par parler des textes, car la vocation de l'Agence est présente dans son intitulé même. J'insisterai sur celui de « cohésion ». En effet, la loi précise que « son action cible prioritairement, d'une part, les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d'accès aux services publics, avec une attention particulière accordée aux zones mentionnées à l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, d'autre part, les projets innovants ».

D'autres cibles ont été définies par voie d'amendement. Je pense à l'enjeu démographique, qui a fait l'objet d'une attention particulière de la part de Loïc Hervé ; en effet, certains sénateurs ici présents le vivent dans la circonscription qu'ils représentent, des phénomènes de dépopulation frappent certains territoires.

Je rappelle que la première mission de l'Agence est de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets.

Une feuille de route, en 2020, et un contrat d'objectifs et de performance (COP) avec la direction générale des collectivités locales (DGCL) ont été établis. Le contrat d'objectifs et de performance répond à la question sous-jacente de savoir si l'ANCT est une agence ou une direction, en établissant une relation avec la tutelle qu'est la DGCL et en précisant et encadrant le rôle et les missions de l'Agence.

À cela s'ajoute à une instruction du 15 mai 2020 à l'intention des préfets, qui sont les délégués territoriaux de l'agence. Ils sont d'ailleurs aussi délégués territoriaux de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), ce qui permet d'avoir un vrai maillage du territoire et de profiter de leur expérience acquise dans ces missions.

Le contexte est quand même important, puisque l'acte de naissance de l'Agence intervient en pleine période de covid, alors que l'obsession première des préfets et des collectivités territoriales est de gérer la crise sanitaire. Cette pandémie a absorbé beaucoup d'énergie et de concentration des services de l'État.

Par ailleurs, au même moment, se sont déroulées les élections municipales, avec un renouvellement de 40 % des maires. Des élus ayant peu d'expérience se sont donc retrouvés aux prises avec un phénomène d'ampleur inédite dans notre pays.

Rappelez-vous, on a beaucoup évoqué le couple maire-préfet. C'est peu de dire que ce tandem a été très sollicité durant cette période. Les budgets des communes ont, pour la plupart, été votés au mois de juillet 2020, mais les projets de mandat ont souvent dû être décalés à cause de la crise sanitaire.

Ce contexte a bien évidemment pesé sur les premiers pas de l'ANCT.

J'ajoute un élément évoqué dans votre rapport. L'ANCT résulte de la fusion de trois entités, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca) et l'Agence du numérique (Anum), elles-mêmes issues de fusions. Il a fallu construire une culture commune, ce que ne favorise pas le télétravail.

Malgré ce contexte défavorable, l'Agence a lancé le 1er octobre 2020 le programme Petites Villes de demain et elle a assuré le déploiement d'un certain nombre de programmes.

J'en viens au prétexte, ou plutôt une opportunité de développer l'Agence, qui, ne l'oublions pas, est très jeune, comparée à l'Ademe ou au Cerema, sans parler de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui date de 1816. Cette filiation est exigeante et bienveillante.

Nous sommes liés par cinq conventions avec la Banque des territoires, l'Anah, l'Anru, l'Ademe et le Cerema. En 2023, elles seront toutes renouvelées. Avec le retour d'expérience, ce sera l'occasion de nous donner une nouvelle feuille de route renforcée.

Il s'agit aussi de poursuivre la réflexion, déjà entamée, sur l'ingénierie. Monsieur Guené, avec votre collègue Josiane Costes, vous avez commis en juillet 2020 un rapport d'information intitulé Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires. Vous y évoquez une forme de nostalgie de l'ingénierie d'antan, aux grandes heures des directions départementales de l'équipement (DDE).

Le rapport est aussi l'occasion de passer en revue tous les besoins exprimés par les collectivités en matière d'ingénierie. Il s'agit d'un enjeu d'importance pour l'ANCT. C'est aussi un prétexte à poursuivre un travail sur l'État déconcentré. Un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) de 2022 insiste sur la nécessité de réarmer l'État local, notamment au travers de sous-préfectures, comme l'ont aussi souligné les deux rapporteurs.

Ce rapport évoque même le concept d'État-plateforme. Je trouve l'expression très intéressante. Il s'agit d'offrir aux élus locaux le meilleur niveau d'ingénierie.

Il ne faut tout de même pas oublier ce qu'a fait l'Agence depuis qu'elle a été portée sur les fonts baptismaux dans un contexte, je le rappelle, extrêmement difficile. Je ne veux pas vous abreuver de chiffres, mais ils permettent quand même de rappeler notre niveau d'intervention : 2 538 maisons France Services ; 1 600 territoires Petites Villes de demain ; 149 Territoires d'industrie, 229 programmes Action coeur de ville ; 4 000 conseillers numériques répartis sur l'ensemble du territoire, 1 514 quartiers prioritaires de la ville, etc. Cela traduit l'empreinte territoriale qui est aujourd'hui celle de l'Agence. Il est trop tôt pour faire un bilan, mais l'activité est déjà considérable.

Il nous faut renforcer sa visibilité, mais ne confondons pas notoriété et popularité. Selon les chiffres récoltés par la plateforme du Sénat, 74 % des personnes ayant répondu au questionnaire n'ont pas bénéficié des services de l'ANCT. Néanmoins, quand cela est le cas, ils sont satisfaits à 95 %.

Mon objectif est de donner plus de poids aux élus pour faire vivre l'ANCT. J'entame à cet égard un tour de France des collectivités qui commencera le 1er mars à Évreux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion