Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 janvier 2023 à 9h30
Audition de M. Ali Onaner ambassadeur de turquie en france

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Nous sommes heureux de vous accueillir, Monsieur l'Ambassadeur, devant notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour discuter de tous les sujets d'intérêts qui concernent nos deux pays. Dans un contexte international marqué par plusieurs crises graves, il est plus que jamais nécessaire de développer ce type d'échanges afin de faire progresser nos relations mutuelles et de réduire, autant que possible, nos différends.

Nous partageons votre peine après l'odieux attentat du 13 novembre dernier à Istanbul. Frappés nous-mêmes à maintes reprises par le terrorisme, nous continuerons à faire de la lutte contre cette violence intolérable une priorité.

Le premier de nos sujets de préoccupation est bien sûr la guerre en Ukraine et les souffrances du peuple ukrainien. Ce conflit a aussi de graves conséquences pour l'Europe et les autres pays du monde, que ce soit en matière d'approvisionnement énergétique ou d'alimentation. La Turquie a joué un rôle important, notamment en facilitant l'obtention d'un accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes, un moment suspendu mais rétabli en novembre dernier, c'est essentiel pour l'alimentation des pays d'Afrique en particulier. Votre pays prône un cessez-le-feu, au moins humanitaire dans un premier temps, nous venons de voir à l'occasion nouvel an orthodoxe combien un tel cessez-le-feu était difficile à mettre en oeuvre. Nous aimerions connaître votre point de vue sur les perspectives de ce conflit cette année, et quelle issue vous voyez au conflit, sachant que la Turquie est un interlocuteur de la Russie et de l'Ukraine.

Nous souhaiterions également aborder la question de l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN, qui est aussi une conséquence de cette guerre - il y a un an, personne n'aurait imaginé que ces pays demandent une telle adhésion. Ce renforcement de l'Alliance atlantique est désormais crucial à nos yeux, comme le montre la large majorité obtenue lors du vote sur la ratification de l'adhésion par nos deux assemblées - nous avons été parmi les premières assemblées parlementaires à nous prononcer, au Sénat, et le résultat a été quasi-unanime. Pouvons-nous espérer une ratification par votre pays dans les prochaines semaines, sachant que la Turquie est l'un des deux pays de l'Alliance qui n'a pas encore ratifié ces adhésions ? Ne pensez-vous pas avoir besoin de ce renforcement ?

Deuxième sujet, l'Arménie. Nous constatons que la situation se dégrade autour du corridor de Latchine, dans le Haut-Karabakh, je m'en suis entretenu avec vous. Quelle est la position de la Turquie dans cette crise ? Comment agir pour la résoudre ? Vous dites vouloir empêcher le trafic d'armes vers le Haut-Karabakh, mais la fermeture de ce corridor met en péril la vie d'enfants, de femmes, de malades, il faut aider à résoudre de ce problème.

Par ailleurs, on observe depuis quelque temps un rapprochement de votre pays avec la Syrie. Le ministre de la défense turc, celui de la Syrie et celui de la Russie sont entretenus, mercredi 28 décembre, lors d'une réunion à Moscou et une rencontre des ministres des affaires étrangères de votre pays et de la Syrie est prévue pour janvier. Jusqu'à présent, votre pays luttait contre Bachar El-Assad, que nous considérons comme responsable d'immenses souffrances pour son peuple par des violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire à grande échelle. Quel est, pour vous, l'objectif de ce rapprochement ? La Turquie va-t-elle plaider auprès du régime syrien pour une solution politique conforme aux résolutions des Nations unies ? Comme vous le savez, nous considérons aussi que toute nouvelle offensive turque dans le nord du pays, dans la lignée des bombardements de novembre dernier, serait contreproductive et risquerait de nous empêcher de maintenir la pression sur Daech.

Nous pourrions enfin aborder les questions relatives à la politique intérieure et à l'économie turques. Nous nous félicitons que l'inflation ait diminué récemment mais elle reste élevée et le peuple turc en souffre. Quels sont pour vous les perspectives dans ce domaine ?

Enfin, vous le savez, la France a fait du combat pour l'égalité des hommes et des femmes une des priorités de sa diplomatie. La Turquie a récemment confirmé son retrait de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique : n'est-ce pas un mauvais signal au moment où la plateforme associative turque « We will stop feminicide » a comptabilisé dans votre pays plus de 330 femmes assassinées et 254 morts suspectes en 2022, soit une augmentation de 23 % entre 2020 et 2022 ?

Monsieur l'Ambassadeur, nous connaissons votre franchise et nous l'apprécions. Nous pensons qu'un échange direct est la meilleure façon de faire progresser notre relation et de lever les malentendus. La France et la Turquie sont des partenaires de longue date, nous avons été alliés pendant de longues périodes et nous le sommes à nouveau dans l'OTAN. Nous saluons également le fait que la Turquie accueille sur son territoire quelque 4 millions de réfugiés, dans des conditions très humaines, comme nous avons pu le constater. C'est pour tous ces points que nous avons voulu poursuivre aujourd'hui notre dialogue avec vous.

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