Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Bruno Le Maire a dit, la semaine dernière, qu’il ne croyait pas aux prévisions des économistes, qui estiment qu’il faut s’attendre à un « mois de mars rouge » et à une inflation qui dépasserait les 10 % sur les produits alimentaires. Il a dit : « Ce n’est pas la réalité. »
J’aimerais vous rappeler ce qu’est de plus en plus la réalité quotidienne de nos concitoyens depuis près d’un an.
Les prix à la consommation ont augmenté de 6 %. À cause de l’inflation, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté de 10 % en 2022. Les retraités et les étudiants sont touchés, mais aussi les personnes qui ont un emploi.
Les prix de l’énergie ont augmenté de 16 %, malgré le bouclier tarifaire et la « remise à la pompe ».
Dans les outre-mer, l’inflation et la forte dépendance de ces territoires aux importations, via l’aviation et le fret maritime, se répercutent particulièrement sur le prix des produits alimentaires. Dans ces mêmes territoires, les mêmes mécanismes entraînent les mêmes conséquences sur les populations les plus précaires. Ils renforcent le sentiment prégnant d’une « vie encore plus chère », en raison d’un coût de la vie déjà supérieur à celui de la métropole. C’est aussi cela la réalité !
Cette hausse globale des dépenses contraintes a un impact direct sur la capacité des plus modestes à se loger. Le nombre de ménages en retard de paiement de loyer de plus de trois mois a augmenté de plus de 10 % en deux ans.
La précarité dans le logement, c’est aussi la précarité énergétique : 5, 6 millions de Français sont dans cette situation, et le chiffre ne baisse pas. Avec la loi Climat et résilience, le Gouvernement s’est fixé pour objectif d’éradiquer les logements énergivores d’ici à 2028.
Or, avec 37 % des passoires thermiques occupées par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, avec un reste à charge extrêmement important pour les familles modestes, avec une réelle difficulté d’accès aux droits et aux aides auxquelles elles peuvent prétendre, faute d’un accompagnement adéquat, comment réussir à atteindre un tel objectif ?
Nous formulons inlassablement des propositions dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances successifs ou en déposant des textes législatifs, madame la ministre. Ainsi, mon collègue Rémi Cardon et moi-même avons récemment déposé une proposition de loi visant à recentrer l’effort budgétaire du pays sur l’éradication des passoires thermiques, à mettre en place un reste à charge zéro pour les personnes les plus précaires et à assurer un égal accès aux dispositifs d’accompagnement sur tous les territoires, y compris dans les zones peu denses.
Si les mesures que vous avez prises contiennent l’inflation et limitent les hausses des prix de l’énergie, elles ne sont ni pérennes ni structurelles et ne ciblent pas les classes moyennes et populaires, qui sont les plus en difficulté. Elles n’apportent pas une réponse sur le long terme.
Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y aura pas de mars rouge : les Français sont déjà dans le rouge ! Pour lutter contre les conséquences de l’inflation, il faut de la cohérence et une véritable justice sociale.
Le forfait charges des APL doit être réévalué. De même, le chèque énergie doit atteindre sa cible : les personnes chauffées en collectif, les locataires du parc social, les copropriétaires et les personnes hébergées en foyers ou résidences sociales ne peuvent pas y recourir pour payer leurs factures. Toutes ces personnes ne peuvent pas utiliser le chèque énergie alors qu’elles y sont éligibles. Comment expliquez-vous cette inégalité ?
On demande aux 5, 6 millions de ménages en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire les plus exposés aux aléas climatiques et à la hausse du prix de l’énergie, d’agir pour la sobriété énergétique dans le cadre de la transition écologique. Comment leur reprocher d’éprouver un fort sentiment d’injustice ? Alors qu’ils sont les moins favorisés, ils sont les premiers à payer la facture. Et il en faut peu, madame la ministre, pour que ce sentiment ne se transforme en colère !