Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution de nos collègues Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, que je salue, appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique, que nous sommes nombreux à avoir cosignée.
La pornographie est partout et accessible d’un seul clic, tel un produit de consommation courante.
Le marché est si peu régulé qu’il suffit de répondre à une question simplissime – Avez-vous plus de 18 ans ? – pour accéder à des contenus sensibles, que l’on soit mineur ou majeur.
Une réponse positive permet d’entrer dans l’univers sordide des vidéos pornos tournées avec des actrices parfois vulnérables, qui n’auraient jamais consenti à l’acte sexuel si elles avaient été informées des conditions de tournage et des pratiques que ce milieu, ignorant de la dignité humaine, leur impose.
Qu’importe le respect dû à la femme et à son intégrité physique. Devenue de la chair à canon pour des pornocrates sans scrupule, elle doit contribuer à leur fortune personnelle et à leur gloire !
Certains, fatalistes, banaliseront la pornographie en affirmant qu’elle n’est finalement qu’une version modernisée de la sexualité… Et c’est là que le bât blesse ! Car la pornographie, aussi répandue soit-elle, ne peut pas être assimilée à la sexualité, qui est une découverte partagée mettant en scène une intimité complice.
Plusieurs chercheurs auditionnés par notre délégation nous ont confirmé que ces vidéos ont une influence certaine sur les pratiques des adolescents, à travers les normes corporelles et les diktats qu’elles imposent. Pis, elles véhiculent la culture du viol dans un contexte où l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire est quasi inexistante.
Dans certains cas, la consommation de contenus pornographiques peut entraîner des traumatismes psychologiques et physiques graves, auxquels concourent également les réseaux sociaux numériques, comme Instagram et Snapchat, où l’image des corps dénudés est banalisée, et le revenge porn, une pratique courante.
De mon point de vue, la réponse à ce phénomène doit être double : il faut éduquer pour mieux protéger et réprimer pour mieux réguler. Protéger nos jeunes contre les contenus inappropriés par la prévention et l’éducation est en effet la première réponse à apporter, face au fléau de la pornographie en libre accès.
Le rôle des parents est décisif ; je pense en particulier à la mise en œuvre du contrôle parental pour les plus jeunes, qui possèdent souvent un smartphone dès l’âge de 10 ans. Celui de la communauté éducative et des associations est également très important, non seulement pour encadrer les bonnes pratiques informatiques, mais également pour délivrer à nos adolescents une information pertinente sur la sexualité et ses pratiques.
Si les enjeux de prévention sont majeurs, ils ne sont cependant pas traités aujourd’hui avec suffisamment de détermination et de moyens humains dans notre pays.
Une seconde réponse peut consister en la mise en œuvre d’une politique coercitive beaucoup plus forte à l’égard des éditeurs de contenus.
Agir sur le terrain juridique et renforcer les outils techniques sont certainement les meilleurs moyens de réguler l’accès à la pornographie.
À cet égard, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a constitué une étape importante en matière de lutte contre les contenus pornographiques. Je tiens ici à saluer l’engagement ferme et constant de notre collègue Marie Mercier sur le sujet essentiel de la protection de l’enfance.
C’est à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qu’incombe désormais la responsabilité de faire respecter l’interdiction de l’accès des mineurs aux sites pornographiques. Elle s’y est récemment employée en mettant en demeure plusieurs plateformes de rendre leurs contenus inaccessibles, puis en saisissant le président du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le blocage de l’accès aux sites et leur déréférencement.
Les éditeurs concernés se sont lancés depuis dans une bataille juridique acharnée, afin de protéger leur activité et leurs revenus. L’indécence n’a décidément pas de limite !
Il faudra sans aucun doute, comme le propose la délégation aux droits des femmes, renforcer les pouvoirs de l’Arcom, par exemple en assermentant ses agents, afin de leur permettre de constater eux-mêmes les infractions des éditeurs de contenus sensibles. Il devrait également être parfaitement envisageable de prononcer à leur encontre des sanctions administratives d’un montant dissuasif.
Dans ce contexte, je me réjouis de l’annonce récente par le Gouvernement du test prochain d’un dispositif technique reposant sur le principe du double anonymat, destiné à vérifier l’âge des internautes. Une telle solution, plus performante que celles qui sont actuellement proposées par les éditeurs de contenus, serait de nature à répondre aux recommandations de notre délégation.
Enfin, nous devons avoir conscience du rôle pivot de l’éducation nationale et de la nécessité d’aborder, dans le cadre des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective, les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie. De même serait-il judicieux de recruter plus de professionnels formés en matière d’éducation à la santé dans les établissements scolaires.
C’est à ces conditions que nous pourrons faire échec aux violences pornographiques et que nous permettrons à nos enfants et adolescents de vivre sereinement le passage progressif vers l’âge adulte.
Compte tenu de l’importance des enjeux et de la nécessité d’agir sans délai contre ces violences, je voterai la proposition de résolution qui nous est soumise.