Intervention de Monique de Marco

Réunion du 1er mars 2023 à 15h00
Lutte contre les violences pornographiques — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quoi bon éduquer les enfants à la notion de consentement si des contenus pornographiques mettant en scène des adultes qui en sont privés leur servent de « lieu d’apprentissage de la sexualité par défaut », selon les termes de cette proposition de résolution ?

Contrairement aux fantasmes véhiculés par ces contenus, les faits judiciaires à l’origine de cette initiative sont bien réels. Dès 2020, plusieurs plaintes pour viols, viols aggravés, traite d’êtres humains et actes de torture, liées à des faits commis sur des plateaux de tournage et hors de ces plateaux, ont été déposées. Elles sont toujours en cours d’instruction.

Le Sénat s’est saisi de la question, ce qui a donné lieu à la publication d’un rapport d’information en septembre dernier, et je tiens à saluer l’initiative de mes quatre collègues.

Au moment de la publication du rapport, des représentants du secteur et des travailleurs du sexe avaient déjà mis en avant la possibilité d’une régulation alternative et la nécessité de distinguer la pornographie de la violence.

Bien que de jeunes productions offrent des contenus destinés à un public plus large et désormais féminin moins marqués par les rapports de domination, la marginalisation du secteur ne permet pas de garantir une protection satisfaisante pour les personnes engagées par ces productions. Il est donc urgent de s’assurer que le droit existant soit correctement appliqué au regard surtout de l’influence de ces contenus sur les mineurs.

Il est vrai que les images véhiculant les rapports de domination ne relèvent pas des seuls contenus pornographiques, mais ce secteur doit, comme les autres prendre, sa part de responsabilité, alors que deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 12 ans ont déjà eu accès à de tels contenus.

On observe en outre un net retour des perceptions sexistes parmi les jeunes générations. Selon le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 23 % des jeunes âgés de 25 ans à 35 ans estiment qu’il faut parfois être violent pour être respecté en tant qu’homme et l’image des femmes véhiculée par la pornographie est jugée problématique par seulement la moitié d’entre eux.

Par ailleurs, les travaux de la délégation au droit des femmes ont permis de constater les faibles moyens d’action de l’Arcom.

Lors de son audition par la commission de la culture, au mois de septembre dernier, j’avais interrogé le président de cette autorité de régulation sur les capacités de cette dernière à mettre en place un écran noir en l’absence de vérification de majorité de ses utilisateurs par le site et sur la possibilité de disposer d’agents assermentés pour constater les infractions. La question est restée sans réponse : le président de l’Arcom a mis en avant des campagnes de communication et le recours à la signalétique. Celles-ci me paraissent totalement insuffisantes.

C’est pourquoi, avec d’autres collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, j’ai signé cette proposition de résolution.

Il s’agit également de poursuivre la réflexion législative qui s’est ouverte depuis plusieurs années sur l’existence de violences sexuelles et sexistes structurelles dans notre société et sur les moyens à mettre en place pour empêcher leur répétition générationnelle.

Sans verser dans le prohibitisme, trois pistes devraient être examinées en priorité.

Premièrement, il importe de s’assurer que les contenus soient produits dans des conditions légales, respectueuses du droit du travail, de ceux des personnes et de la dignité humaine, et que les manquements donnent lieu à des sanctions adaptées, ainsi qu’à un accompagnement des victimes. Une réflexion pourrait s’ouvrir également sur le soutien aux productions plus respectueuses des droits des personnes, dans l’esprit des travaux législatifs conduits sur la prostitution.

Deuxièmement, il importe de garantir que les contenus pour adultes soient réservés aux adultes. Autrefois, le filtre était assuré par un contrôle physique des distributeurs de films, à l’entrée des salles de cinéma et dans les vidéoclubs. L’époque a changé. La digitalisation nécessite d’adapter les outils de régulation, dans le respect de la protection des données personnelles. J’espère que le Gouvernement parviendra rapidement à un dispositif efficace, en s’inspirant par exemple du modèle de la Louisiane.

Troisièmement, il faut impérativement renforcer l’éducation à la sexualité, qui nécessite d’importants moyens humains et matériels : c’est là le rôle de l’éducation nationale.

Il me semble important de rappeler que la consommation de pornographie n’est qu’un aspect de la liberté sexuelle, n’est qu’un des moyens de vivre ses fantasmes et qu’il existe des sexualités heureuses sans y avoir recours. Dans Totem et Tabou, Freud écrit : « Le besoin sexuel, loin d’unir les hommes, les divise. » J’espère que nous parviendrons à dépasser ces divisions pour aboutir à une régulation de la pornographie respectueuse de toutes les sexualités et de toutes les dignités.

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