Intervention de Samantha Cazebonne

Réunion du 1er mars 2023 à 15h00
Lutte contre les violences pornographiques — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Samantha CazebonneSamantha Cazebonne :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France est marquant : 48 % des hommes entre 15 ans et 34 ans considèrent que l’image des femmes véhiculée par les contenus pornographiques est problématique. Ce chiffre monte à 79 % des hommes âgés de 65 ans et plus, soit trente points d’écart.

Ce constat est alarmant, surtout quand on le regarde à l’aune d’un autre chiffre : 90 % des scènes pornographiques comportent de la violence.

Comment se fait-il que des images de violence choquent moins les jeunes ? Comment agir contre le sexisme en France dans toutes les sphères où ce dernier existe ? Comment protéger mieux les femmes aujourd’hui ?

Dans ce contexte, la délégation aux droits des femmes a rendu un rapport d’information sur les pratiques de l’industrie pornographique. C’est la première fois qu’un tel travail est réalisé, et nous ne pouvons que nous féliciter de son existence. Car pour endiguer un phénomène de violence, pour protéger les femmes qui en sont victimes et pour encadrer une industrie qui représente 25 % du trafic web des vidéos dans le monde, il faut comprendre quels en sont les acteurs, les enjeux, les limites et les risques.

Ce travail parlementaire nous permet d’avoir une vision plus claire des mesures à prendre pour avancer vers une meilleure protection des femmes et des mineurs face aux violences pornographiques existantes. C’est tout l’objet de la proposition de résolution qui nous est soumise et que j’ai souhaité cosigner avec plusieurs de mes collègues.

Dans une ère où les vidéos se diffusent en quelques secondes aux quatre coins du monde, où les régulations d’accès sont rendues difficiles par des contenus disponibles en quelques clics, des mesures protectrices sont souhaitées par nombre d’entre nous.

C’est ainsi que, l’année dernière, la loi issue d’une proposition de notre collègue député Bruno Studer visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet a été promulguée. Elle rend obligatoire la préinstallation d’un dispositif de contrôle parental sur les appareils connectés vendus en France. L’activation de ce dispositif devra être proposée gratuitement à l’utilisateur lors de la première mise en service de l’équipement.

Le Gouvernement s’est également engagé sur le sujet avec pour objectif, notamment, de mieux protéger les mineurs face à ces contenus. C’est ainsi qu’une campagne gouvernementale pour promouvoir le site jeprotegemonenfant.gouv.fr et les dispositifs de contrôle parental a été lancée voilà quelques semaines. Cette plateforme d’information, de prévention et de protection des mineurs contre l’exposition aux contenus pornographiques en ligne propose des outils, des conseils et des ressources pratiques pour mieux informer les parents, afin qu’ils protègent leurs enfants.

De plus, le rapport commandé par le Gouvernement concernant l’éducation à la sexualité a été publié en 2021 et permet d’avoir un état des lieux de la mise en œuvre de cette politique publique. Il préconise notamment d’inscrire des notions d’éducation à la sexualité dans les programmes de certaines disciplines appartenant au domaine des sciences humaines, économiques et sociales et liées au sujet.

Enfin, un travail commun est actuellement mené par Jean-Noël Barrot et Charlotte Caubel sur la vérification de l’âge par le biais de l’attestation numérique. Ainsi le lancement au mois de mars prochain d’une expérimentation visant à trouver une solution de vérification de l’âge des internautes en double anonymat a-t-il été annoncé. Cette annonce intervient à la suite d’un avis de la Cnil sur le sujet. Il s’agira donc de s’assurer de la mise en œuvre d’un outil protecteur non seulement pour les mineurs, mais également pour la vie privée et les données personnelles de chacun.

Tout travail sur ces enjeux centraux implique d’aboutir à un équilibre. Il me semble que tel est l’objet de cette proposition de résolution : protéger avec justesse.

Le texte prévoit tout d’abord d’inciter à une prise de conscience collective de la réalité des pratiques de l’industrie pornographique et de leurs conséquences. C’est un objectif essentiel.

Il vise également à faire de la lutte contre les violences que cette industrie génère et véhicule une priorité de politique publique et pénale ; à mieux informer, accueillir et protéger les victimes de violences commises dans un contexte de pornographie, en particulier en formant les forces de l’ordre et les intervenants du numéro national 3919 ; à recommander la création d’une catégorie « violences sexuelles » sur la plateforme Pharos, afin de faciliter et de mieux comptabiliser les signalements ; à protéger la jeunesse en bloquant tout site ou réseau proposant des contenus pornographiques sans exiger une preuve de majorité des utilisateurs ; à plaider pour une généralisation des dispositifs de contrôle parental et de navigation sécurisée, qui pourraient être activés par défaut dès lors qu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur ; enfin, à alerter sur la nécessité d’appliquer la recommandation de trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle, au cours desquelles devront être abordés les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie.

Cette proposition de résolution vise ainsi à aller au-delà d’un mot connu de tous : la « pornographie ». Ce dernier est trop souvent utilisé par des mineurs qui ont accès à ces contenus avant même parfois de savoir ce que recouvrent les notions de consentement et de sexualité, et de connaître les problématiques liées à ces sujets.

Le texte, en s’attachant à trouver une réponse exhaustive tant sur l’information que sur le contrôle, la formation et la protection des plus fragiles, nous apparaît d’importance.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de résolution.

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