Intervention de Angèle Préville

Réunion du 1er mars 2023 à 15h00
Lutte contre les violences pornographiques — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, perversion partout, respect nulle part ! L’industrie pornographique organise un monde parallèle où le spectacle de violences, de sévices et de viols est la norme.

La pornographie s’est infiltrée partout dans notre société et installe dans les esprits une vision sordide de la sexualité. C’est une activité économique extrêmement lucrative, autrement dit une machine à cash, générant dans le monde des milliards d’euros chaque année.

Les taux d’exposition des mineurs à des images pornographiques sont plus qu’alarmants. Ils sont massifs et proprement hallucinants. Avant 13 ans, bien plus du tiers des garçons et plus du quart des filles sont concernés. Avant 18 ans – les chiffres donnent le vertige –, ce sont la quasi-totalité des garçons, 95 %, et une très large majorité des filles, 86 %.

Rappelons-le, la loi interdit l’accès des mineurs aux contenus pornographiques. Par conséquent, nous sommes très loin du compte s’agissant du respect de la loi.

Les effets dévastateurs sur les comportements des enfants sont d’ores et déjà constatés, qu’il s’agisse de la multiplication des attouchements et harcèlements sexuels dans les collèges et les lycées, ou des visionnages forcés de vidéos pornographiques, les filles constituant bien évidemment la majorité des victimes. Tout cela se passe dans l’ignorance quasi totale des parents. Si un témoignage ou une affaire sont révélés, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : n’oublions pas que quasiment tous les enfants ont vu des vidéos pornographiques avant 18 ans.

Les effets du porno sont absolument toxiques sur les esprits, a fortiori sur les plus jeunes. Chez les adolescents, la rencontre avec la brutalité du porno précède la construction de l’imaginaire sexuel. L’enfant peut être profondément choqué et dans l’incapacité d’analyser ce qu’il a vu. Tous les possibles des rapports amoureux peuvent ainsi être balayés : rencontre, attirance et séduction.

Il s’agit – je le dis avec force, parce que c’est grave – d’une violence psychique qui constitue une blessure à vie pour les enfants auxquels on l’inflige en ne les protégeant pas. Les conséquences sont délétères, donnant lieu à de nombreux troubles et traumatismes et œuvrant surtout comme un apprentissage au non-consentement.

Il faut ajouter que les contenus sont de plus en plus violents. Il semble ne pas y avoir de limites, qu’il s’agisse de l’apologie du viol et de l’inceste ou de la déclinaison de tout un panel de déviances sexuelles.

Un nombre non négligeable de consommateurs développent une addiction entraînant une accoutumance à ces contenus de plus en en plus violents qui érigent la domination masculine en modèle dans une escalade sans fin : 90 % des scènes pornographiques sont violentes, voire ultraviolentes. Elles peuvent être qualifiées d’actes de torture et de barbarie impliquant la traite d’êtres humains.

De nombreuses femmes recrutées sont trompées et abusées : elles seront filmées alors qu’elles sont violentées, blessées et violées. La réalité, c’est qu’elles ont été piégées, n’ayant aucune idée de la violence inouïe des actes sexuels qu’elles allaient subir.

La rapide évolution de l’industrie pornographique, tirée par le développement d’internet, a créé des opportunités pour des acteurs sans scrupule qui ont bâti des fortunes alors que les pouvoirs publics restaient aveugles et sourds. Des empires se sont créés, insaisissables et tirant parti de l’absence de réglementation, de cadre et de surveillance, avec pour résultat l’instauration d’une réalité parallèle où prospère l’esclavage sexuel, dont la valeur marchande constitue une forme de barbarie contemporaine.

Ce monde semble échapper à toute poursuite et à toute sanction. Et les femmes victimes se trouvent dans la quasi-impossibilité de demander justice pour ce qu’elles ont subi. Si quelques affaires ont été révélées, dévoilant l’ampleur du phénomène, le constat des chiffres auxquels nous devons faire face est effrayant : 19 millions de visiteurs par mois en France, dont 17 millions d’adultes et 2 millions d’adolescents.

Le marché est colossal et crée un appel d’air qui favorise l’arrivée de nouvelles vidéos sur les plateformes pour répondre à la demande. Il connaît de plus une dérive sans précédent qui crée une passerelle vers une forme de proxénétisme très particulier, celui du viol sur commande d’une femme croyant participer au tournage d’une vidéo pornographique.

La lutte est vraiment inégale devant l’accélération du phénomène. Quelle société résultera demain de notre inaction et du manque de protection des enfants ?

Le constat du rapport est sans appel. Il faut agir sans tarder avec volontarisme et efficacité, en élargissant d’une part les prérogatives de l’Arcom pour sanctionner les sites qui ne respectent pas la loi et l’interdiction d’accès aux mineurs, en généralisant d’autre part le champ de la plateforme Pharos aux violences sexuelles. Pour cela, il faut engager des moyens humains substantiels.

La lutte contre la marchandisation du corps des femmes doit être une priorité absolue de politique publique. Alors que les violences exercées par les hommes sur les femmes ne diminuent pas dans notre pays, on peut légitimement se questionner, voire s’inquiéter, du rôle que joue la consommation massive de pornographie.

Je remercie très sincèrement la délégation aux droits des femmes pour ce travail ô combien nécessaire et courageux sur ce qu’elle a très justement appelé « l’enfer du décor ».

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de résolution.

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