Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 1er mars 2023 à 15h00
Lutte contre les violences pornographiques — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution contre les violences pornographiques que nous examinons aujourd’hui est effectivement une priorité publique.

Avec le développement d’internet, les contenus pornographiques sont devenus quasiment libres d’accès via un ordinateur ou un téléphone. Or, comme le démontre le remarquable travail de nos collègues de la délégation aux droits des femmes, ces contenus comportent des images souvent dégradantes, reposant sur des maltraitances, des viols ou de la prostitution, y compris de mineurs.

On assiste à une banalisation de la diffusion de ce type de contenus, pour le plus grand profit d’une industrie qui, elle, prospère. Comme l’a expliqué notre collègue Loïc Hervé, le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de résolution visant à susciter une prise de conscience dans notre pays : il s’agit d’améliorer le soutien aux victimes, de renforcer la réponse pénale contre ces violences, d’empêcher la diffusion de ces contenus illicites et de protéger notre jeunesse.

Du côté de la réponse pénale, nous avons déjà un outil exemplaire et unique en Europe : la plateforme Pharos. Regroupant policiers et gendarmes, celle-ci effectue une veille sur internet et dispose des moyens juridiques et techniques pour retirer les contenus illicites ou en bloquer l’accès sur le fondement de signalements, tout cela sous le contrôle d’une personnalité qualifiée, Laurence Pécaut-Rivolier, membre de l’Arcom.

J’ai pu échanger avec les responsables de cette plateforme : leurs témoignages sont atterrants – et même à la limite du supportable, quand il s’agit d’enfants, voire de nourrissons – et leur travail exemplaire.

La création d’une catégorie « violences sexuelles » serait bienvenue, mais il serait aussi souhaitable que les moyens de Pharos soient à la hauteur de cette ambition. En particulier, il faudrait songer à la personnalité qualifiée, qui mériterait d’être remplacée par une structure collégiale, tant son travail est éprouvant.

Aujourd’hui, la régulation sur internet dépend aussi et principalement de la législation européenne. Le Digital Services Act, récemment voté, prévoit que les autorités des États membres peuvent demander aux fournisseurs d’agir contre les contenus illicites.

Je regrette toutefois, et je l’ai dit maintes fois, que la responsabilité des fournisseurs de services d’hébergement, dont on connaît le modèle économique particulièrement toxique, demeure limitée pour ce qui est de ce type de contenus. N’oublions pas que Frances Haugen, la lanceuse d’alerte, nous avertissait ici que Facebook préférerait toujours le profit à la sécurité des enfants.

Aussi, dans la proposition de résolution européenne relative à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants, qui a été adoptée par notre commission des affaires européennes le 15 février dernier, nous avons proposé, avec mes collègues Ludovic Haye et André Reichardt, que la Commission européenne puisse indiquer au public quels fournisseurs ne respectent pas leurs obligations, tout cela dans une logique de name and shame, afin que le risque réputationnel les incite à respecter scrupuleusement la réglementation.

Je remercie les auteurs de la proposition de résolution de leurs mesures visant à mieux protéger notre jeunesse, notamment au travers de la mise en place de dispositifs de contrôle parental, à activer par défaut sur les appareils, ou de l’écran noir qui serait imposé aux sites ne vérifiant pas l’âge de leurs utilisateurs. Ces recommandations confortent celles que nous avions faites avec mes corapporteurs pour mieux lutter contre la pédopornographie.

Une telle lutte nécessite des efforts redoublés à l’échelon tant national qu’européen, car la pornographie constitue une délinquance de masse, multiforme, qui prolifère. Ainsi, en 2021, l’agence policière européenne Europol, que j’ai pu visiter il y a une quinzaine de jours, démantelait le réseau Boystown, qui comptait alors 400 000 utilisateurs sur le dark web. On peut aussi mentionner l’enquête ouverte contre TikTok l’an dernier pour non-signalement de contenus pédopornographiques.

L’Union européenne détient – hélas ! – un triste record : celui du premier hébergeur de contenus à caractère pédopornographique au monde. En France, sur les 150 000 contenus litigieux qu’a examinés Mme Pécaut-Rivolier en 2021, environ 70 % étaient à caractère pédopornographique, en majorité publiés et détenus par des hommes, tous âges et toutes catégories socioprofessionnelles confondus.

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