Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd’hui vise à renforcer la voix des élus locaux au sein du Siaap.
Cette demande fait notamment suite à plusieurs incidents survenus à la station d’épuration de Seine aval. Le dernier – une fuite de 4 tonnes de biogaz de l’usine d’épuration d’Achères – est particulièrement grave et montre un dysfonctionnement avéré du Siaap en matière de gestion de crise.
La sécurité des stations est un sujet important et l’on ne peut que déplorer « l’absence d’un circuit efficace d’information à l’égard des élus locaux », comme vous le formulez, chère Marta de Cidrac.
Votre proposition de loi vise à remédier à ces difficultés en associant à la gouvernance du Siaap les élus des communes situées à proximité des stations d’épuration. Bien que la réponse apportée soit discutable en termes de gouvernance des syndicats, elle nous semble légitime au regard de la situation réelle.
Les propositions de la rapporteure Catherine Belrhiti concernant le critère lié aux risques plutôt qu’à la géographie et le maintien des équilibres de gouvernance nous paraissaient nécessaires.
Le groupe GEST est favorable à une meilleure représentativité des collectivités territoriales, notamment des communes directement touchées par les installations d’assainissement. Il est normal que les élus, qui sont en première ligne auprès des populations concernées par les dommages et les nuisances de ces stations, disposent d’une voix délibérative.
Toutefois, s’en tenir au seul sujet de gouvernance me laisserait dire comme Cyrano : « C’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Oh ! Dieu !… Bien des choses en somme. »
La gestion du risque, davantage que la gouvernance, est en réalité le cœur du sujet.
Le Siaap a été sommé de modifier ses process de sécurité et de formation du personnel à la suite de l’incendie de 2019. Mais qui porte véritablement la responsabilité de l’ensemble des risques liés à la présence de la plus grande station d’épuration d’Europe, qui traite les eaux usées de neuf millions d’habitants ?
Cette usine est classée Seveso seuil haut, ce qui impose à la fois des normes drastiques de sécurité et des contrôles réguliers de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (Drieat).
Le sujet est d’actualité. La semaine dernière, une barge appartenant à un des fournisseurs du Siaap et naviguant sur la Seine a heurté la pile d’un pont de Triel-sur-Seine, laissant s’échapper 70 mètres cubes à 80 mètres cubes de nitrate de calcium dans la Seine. La communication s’est améliorée et les élus ont été informés. Dans la presse locale, le maire s’est voulu rassurant : « Les habitants n’ont pas à s’inquiéter. […] Évidemment, ce n’est pas bon pour les poissons. » Évidemment ! Je le confirme, c’est même très mauvais pour l’ensemble de l’environnement et pour la biodiversité.
En 2019, l’incendie de l’usine avait provoqué la mort de 3 tonnes de poissons. Un bras entier de la Seine montrait ce spectacle de désolation, aspect le plus visible de la catastrophe, et les odeurs étaient pestilentielles.
Depuis lors, le fonctionnement de la station en mode dégradé laisse s’évacuer, toujours dans la Seine, des eaux non traitées en cas de fortes pluies.
Je veux également évoquer l’épandage des boues sur les terres agricoles du parc naturel du Vexin, qui permet de recycler les boues résiduaires de la station d’épuration d’Achères et qui est impropre à la culture.
Dans un compte rendu d’un comité de suivi du 8 mai 2021, le sous-préfet indiquait que la France n’avait pas la culture de la gestion du risque. En effet, la conclusion des documents d’analyse de Santé publique France révèle des concentrations de plomb comprises entre 138 milligrammes et 176 milligrammes par kilogramme de terre, alors que le seuil définissant une pollution due à l’activité humaine est fixé à 53 milligrammes. La présence de plomb dans le sol rend impossible d’exclure un effet sanitaire qui lui serait lié pour les enfants âgés de 0 an à 6 ans.
La France n’a donc pas la culture de la gestion du risque, mais elle a la culture du silence sur ces sujets ! Alors, qui est responsable ?
L’agence régionale de santé (ARS), à qui nous demandons de lancer un dépistage de saturnisme pour les enfants âgés de moins de 7 ans résidant dans les plaines des Yvelines et du Val-d’Oise ?
L’État, qui glane, madame la ministre, des informations dans tous les comités de suivi avec le Siaap, mais sans réelle garantie de résultats à ce jour ni d’exigence peut-être suffisante ?
Le Siaap lui-même, qui doit mieux assumer les conséquences directes et indirectes de ses activités, très utiles aux populations, aux effets parfois dramatiques sur le vivant et la biodiversité ? Il doit mieux informer et donc intégrer les représentants des collectivités dans sa gouvernance, ce qui aura pour effet – nous l’espérons – de mieux protéger et d’anticiper les retombées dans les territoires touchés.
Les élus concernés doivent avoir voix au chapitre. Pour toutes ces raisons – malgré des interrogations profondes –, le GEST votera en faveur de cette proposition de loi.