Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 2 mars 2023 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Gabriel Attal :

Mais je suis lucide : si l’Assemblée nationale a été la chambre des divergences brutales, je ne crois pas que le Sénat sera pour autant celle des convergences miraculeuses. §Car un compromis se construit à certaines conditions : la discussion dans laquelle nous nous engageons, la capacité à faire évoluer notre projet, nous la démontrons, mais le compromis se construit aussi par la cohérence que les Français attendent de nous tous.

Je rappelle que, si les parlementaires qui soutiennent depuis des années une réforme des retraites par le recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite répondent à l’appel que nous lançons, alors voter une réforme serait non seulement possible, mais aussi logique !

En matière de retraite, la majorité sénatoriale a en effet incontestablement le mérite de la constance. Je ne doute pas qu’elle aura aussi celui de la cohérence. Puisqu’elle vote chaque année en PLFSS des mesures visant à assurer l’équilibre de la branche vieillesse, le projet du Gouvernement et celui que cette majorité sénatoriale défend de longue date sont proches.

Je pense, notamment, au report de l’âge légal de départ à 64 ans et à l’accélération de l’allongement de la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein, autant de mesures contenues dans l’article 7 de ce PLFRSS.

Je tiens d’ailleurs à saluer cet esprit de responsabilité dans un jeu politique où, malheureusement, de trop nombreux responsables choisissent parfois d’ignorer le danger qui pèse sur nos finances publiques.

En bref, je crois à un compromis possible au Sénat. J’y crois et je l’appelle de mes vœux, car ce serait œuvrer démocratiquement à l’intérêt général. Je le dis, la force du compromis vaut toujours mieux que le fait accompli.

L’intérêt général, je l’ai souligné, c’est de payer sereinement les pensions de bientôt 20 millions de retraités. Pour cela, l’équilibre financier est indispensable et n’est donc pas négociable. Le menacer n’est pas une option. Je dis bien que cet équilibre est indispensable, car ce n’est pas une variable d’ajustement de la réforme : l’équilibre financier n’est pas secondaire, c’est le moteur de cette réforme puisqu’il s’agit de pouvoir continuer à payer chaque mois les pensions de bientôt 20 millions de retraités dans notre pays.

Parlons donc équilibre financier quelques instants, mesdames, messieurs les sénateurs. Ma responsabilité de ministre des comptes publics, c’est de dire la vérité sur les chiffres et, donc, sur le potentiel impact budgétaire des mesures votées par le Parlement.

Le texte venant de l’Assemblée nationale qui vous a été transmis – au sens textuel du terme – est à l’équilibre. Un certain nombre de mesures, discutées et votées en commission, auront un coût pour notre système de retraite. Je sais que nous recherchons tous l’équilibre du système et que nous ne souhaitons pas alourdir davantage les déficits. Il faut que nous puissions en discuter de façon approfondie et sereine au cours de nos débats.

Je pense d’abord à l’amendement visant à permettre aux assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants et justifiant d’une carrière complète à 63 ans de s’ouvrir des droits à surcote sans devoir attendre d’atteindre l’âge de 64 ans. Nous aurons évidemment ce débat, mais la Première ministre a rappelé notre ouverture par rapport à des mesures de bonification pour les femmes et qui contribueraient à gommer les écarts dans le niveau des pensions. Les évaluations sont en train d’être affinées, mais le coût d’une telle mesure est évidemment très important.

S’agissant de la proposition de maintenir à 60 ans l’âge minimum de départ à la retraite anticipée pour incapacité permanente, elle représente, combinée aux ajustements permettant à davantage d’assurés d’être éligibles à ce dispositif présentés dans le texte initial, un surcoût de plus de 250 millions d’euros à l’horizon de 2030, dont 100 millions d’euros pour le système de retraite.

Je pense aussi à l’amendement prévoyant le maintien de l’âge d’éligibilité à la retraite progressive à 60 ans, au lieu de son report à 62 ans, qui coûte un peu plus de 100 millions d’euros en 2030.

S’agissant des mesures visant à favoriser le recrutement des seniors, la commission des affaires sociales a proposé la création d’un « contrat de fin de carrière ». Ouvert aux salariés d’au moins 60 ans, ce contrat à durée indéterminée serait exonéré de cotisations famille.

Par ailleurs, le dispositif prévoit la possibilité pour l’employeur de mettre à la retraite le salarié si ce dernier remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. L’idée est d’inciter l’employeur à recruter des seniors et à les maintenir dans l’entreprise jusqu’à ce que ces derniers puissent liquider leur pension.

Là encore, si je comprends l’intention des rapporteurs, je souhaite alerter sur le coût considérable d’une telle mesure, qui pourrait avoisiner les 800 millions d’euros selon une première estimation provisoire – nous aurons l’occasion d’en débattre. Il faut par ailleurs noter qu’il existe un risque d’effet de seuil.

Si j’additionne les coûts de chacune de ces mesures, en ne retenant que celles dont les conséquences financières sont les plus importantes, l’équilibre de notre système à l’horizon de 2030 s’éloigne indubitablement. Je le dis très clairement : nous souhaitons pouvoir respecter cet équilibre. Soyons clairs, parler de dépenses supplémentaires n’a jamais été un tabou, mais si nous perdons de vue l’équilibre financier du régime de retraite une réforme serait non seulement vaine, mais surtout contre-productive.

L’équilibre financier n’est évidemment pas une fin en soi, …

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