Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande, par cette motion tendant à opposer la question préalable, que ce projet de loi soit rejeté et que le Gouvernement soit renvoyé à la nécessité de reprendre le dialogue avec les organisations syndicales – ne vous en déplaise, chers collègues !
Ce serait un message fort adressé à nos concitoyens, qui sont massivement opposés à cette réforme : le témoignage que nous écoutons leurs aspirations et leurs colères.
En effet, en repoussant de deux ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite, ce texte n’a ni plus ni moins pour objet que de faire peser l’équilibre du système de retraite sur le dos des travailleurs, plutôt que sur le capital.
Cette réforme, présentée initialement comme une réforme de justice, malmènera en fait nos concitoyens : d’abord, et même principalement, les femmes ; ensuite, celles et ceux qui souffrent au travail, celles et ceux dont le corps est un outil, celles et ceux dont les gestes répétitifs abîment les épaules et le dos, mais aussi celles et ceux qui vivent dans la tension permanente du résultat, sans toujours percevoir le sens de leur travail.
Les Françaises et les Français nous parlent de leur vie. Le Gouvernement leur répond comptabilité…
Au fond, cette réforme comptable et financière avait déjà été annoncée dans cet hémicycle par Bruno Le Maire, à l’occasion de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) : non pour équilibrer le régime des retraites, puisque le système actuel n’est pas en danger – les dépenses ne dérapent pas, et des recettes sont possibles, à condition de se pencher sur le problème –, mais bien pour faire baisser les dépenses publiques et respecter les objectifs du pacte de stabilité et de croissance (PSC).
Ce qui dérape, c’est la dette publique, et cela parce que vous multipliez les baisses d’impôts pour les entreprises du CAC 40, dont les bénéfices battent pourtant tous les records.
Avec 59, 8 milliards d’euros de dividendes versés, la France détient le record d’Europe. La seule suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) représente quasiment la totalité des économies visées par cette réforme ; des économies que vous faites payer cash aux salariés en prenant deux ans de leur vie.
Cette vision comptable, dans un petit texte rectificatif, fait l’impasse sur la question essentielle, celle du partage de la richesse produite et de l’accumulation de richesses pour quelques-uns.
Elle fait également l’impasse sur l’immense apport non monétarisé des jeunes retraités à la société, au travers des associations, de la garde des petits-enfants, des conseils municipaux, de l’aide aux parents en fin de vie et de tant d’autres activités.
Par cette motion, nous nous opposons à un projet de loi qui, contrairement aux annonces de l’exécutif, ne permettra ni d’équilibrer financièrement le système ni de garantir une retraite minimum de 1 200 euros. Cette annonce des 1 200 euros pour tous – on ne peut pas vivre dignement avec moins ! – avait suscité de l’espoir. Voilà un débat pour une République solidaire !
Nous ne refusons pas la discussion : nous revendiquons un débat parlementaire portant sur une réforme du travail et des retraites.
Ouvrons un débat sur le travail, sur les questions de sens et sur l’équilibre entre travail et vie personnelle, comme le font plusieurs pays d’Europe en expérimentant à grande échelle la semaine de quatre jours.
Ouvrons le débat sur la possibilité pour les salariés d’être associés aux choix stratégiques des entreprises et sur la façon de conserver l’expertise des seniors dans l’entreprise, plutôt que de les mettre au chômage.
Ouvrons même le débat sur cette volonté folle de produire et de consommer toujours plus, alors même que ce productivisme nous conduit dans des impasses dangereuses pour la planète et que le dérèglement climatique bouleverse même les conditions d’exercice du travail.
Ouvrons ces débats avec les partenaires sociaux, et plus largement avec nos concitoyens. Ils ont des idées, et même des propositions à faire valoir.
Nous appelons ces débats de nos vœux, mais on ne saurait les avoir à l’occasion de l’examen d’un simple texte rectificatif du budget de la sécurité sociale.
Messieurs les ministres, votre réforme malmène la démocratie !
Elle affecte tout d’abord la démocratie sociale. Aucune réforme ne s’est jamais faite contre l’ensemble des organisations syndicales. Ce simple fait disqualifie ce texte. La démocratie contre l’immense majorité des Français, la démocratie contre les partenaires sociaux, ce n’est déjà plus la démocratie.
Elle constitue en outre un choix très dangereux lorsque le Rassemblement national est aux portes du pouvoir.