Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 2 mars 2023 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Question préalable

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Or le Gouvernement avait alors qualifié cette réforme de « prématurée ».

Que la majorité sénatoriale utilise, depuis des années, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et non, comme vous le faites, un projet de loi de financement rectificative, pour avancer ses propositions d’allongement de la durée du travail est compréhensible.

Les débats au Sénat ont beau être feutrés, les propositions qui y sont faites sont socialement très dures, et nous les combattons naturellement.

Toutefois, que le Gouvernement, qui a la maîtrise de l’ordre du jour du Parlement, refuse la présentation d’un texte de loi ordinaire, qu’il corsète et limite les possibilités du débat n’est pas acceptable pour quiconque défend un véritable parlementarisme.

Le Conseil d’État et le président du Conseil constitutionnel ont alerté le Gouvernement : les articles non financiers relatifs à l’index des seniors ou à la modification des critères de pénibilité devraient être supprimés pour raison d’inconstitutionnalité. Vous avez d’ailleurs choisi, monsieur le ministre, de ne pas rendre public l’avis du Conseil d’État.

En augmentant le risque d’inconstitutionnalité de plusieurs de ses articles, ce texte se verrait amputé des rares mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme. Cela renforcerait encore son déséquilibre en défaveur du monde du travail et porterait atteinte à la sincérité des débats.

Notre interpellation s’adresse donc également à la majorité sénatoriale, pour lui rappeler le nécessaire respect du pluralisme, garant de la qualité de nos travaux et des débats de notre assemblée.

Nous devrions partager ici l’exigence d’un véritable texte dédié aux évolutions du travail et à la gestion des retraites, au lieu de subir un passage en force par l’usage d’un simple texte rectificatif.

Messieurs les ministres, pour éviter le blocage du pays, il existe un moyen simple : bloquer cette réforme injuste, injustifiée et mal présentée.

Mes chers collègues, en votant cette motion tendant à opposer la question préalable, nous redonnerons du temps au débat avec les partenaires sociaux.

Toute l’histoire du travail est faite de conquêtes successives de gains de productivité, essentiellement au service de l’amélioration des conditions de vie et de la diminution du temps de travail, de la libération du temps pour les humains.

Cette loi fait l’inverse. Entendons les millions de manifestants et l’immense majorité du pays ! Répondons à l’inquiétude des gens qui refusent cette réforme et redoutent de se faire voler, oui, mes chers collègues, les deux plus belles années de leur vie à la retraite.

« Combien de temps… Combien de temps encore, des années, des jours, des heures, combien ? Quand j’y pense, mon cœur bat si fort… Mon pays c’est la vie. Combien de temps… Combien ? », chantait Serge Reggiani.

Combien sont-elles ? Combien sont-ils aujourd’hui, face à votre réforme, à se poser cette question : combien de temps me restera-t-il, comme le dit la chanson, pour « rire, courir, pleurer, parler, et voir et croire et boire, danser » ?

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