Depuis plusieurs années, il est devenu de coutume que le projet de loi de financement de la sécurité sociale soit l’occasion d’un débat particulier. En 2008, nous avons ainsi discuté de l’hôpital. Compte tenu de l’intérêt des Françaises et des Français mais aussi des sénatrices et des sénateurs pour ce sujet, je vous propose de consacrer le débat à venir à la question des dépassements d’honoraires et de laisser les parlementaires, qui ont fait preuve durant nos travaux de beaucoup d’imagination, libres d’agir par voie d’amendements.
Vous pouvez compter sur les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG pour défendre une nouvelle fois les amendements qui leur sont chers, comme ceux qui sont relatifs au testing, à l’inversion de la charge de la preuve et à l’interdiction d’installation des professionnels en secteur 2 dans les zones sous-denses, toutes mesures qui, selon nous, sont nécessaires et urgentes.
Par ailleurs, je tiens à rappeler, en accord avec mon amie Isabelle Pasquet, l’opposition du groupe CRC-SPG à la suppression des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, et à leur remplacement par une procédure d’appels à projets. Ce mécanisme, inspiré du secteur privé commercial, nous semble totalement contraire à l’histoire du mouvement médico-social qui fait sa force aujourd’hui. Comme nous l’avons dit au cours de nos débats, nous ne sommes pas opposés à une certaine forme de décentralisation, mais nous souhaitons que cette dernière soit plus solidaire. Nous voulons faire vivre une véritable démocratie sanitaire, renforcée par rapport à la situation actuelle.
La suppression de la consultation des CROSMS sur les schémas départementaux revient en réalité à se priver de compétences, de savoir-faire, d’analyses diverses et complémentaires, alors même que ces schémas, arrêtés tous les cinq ans, revêtent une grande importance pour les personnes en situation de dépendance et de handicap et pour leurs familles. Nous regrettons d’autant plus cette mesure que la consultation des CROSMS aurait permis de confronter les différents schémas départementaux au niveau régional, considéré dans le projet de loi comme pertinent, dans un souci de solidarité et d’équité territoriale.
Nous craignons également, d’une part, que cette suppression ne se traduise par la création d’une concurrence entre les établissements et, d’autre part, que ce choix ne privilégie la plupart du temps le « moins-disant » économique au détriment du « mieux-disant » social. Cela reviendrait en effet à ouvrir un boulevard aux établissements privés.
Comme les associations concernées, je crains que la réponse à un cahier des charges préétabli, en privilégiant un processus uniforme du haut vers le bas par rapport à un processus partant du terrain, ne favorise les grands opérateurs et des projets trop « formatés » au détriment des projets innovants. Or c’est bien d’innovation, puisée dans sa longue expérience, que le secteur médico-social fait preuve depuis cinquante ans ! Comment peut-on le déposséder ainsi de sa capacité à inventer au plus près des besoins des personnes handicapées ? Ce n’est pas la mise en place d’un cahier des charges allégé pour les projets à caractère expérimental ou innovant qui va leur rendre l’initiative, surtout lorsqu’il n’y a plus de secrétaire d’État chargé des personnes handicapées ! Dans tous les cas, il s’agira avant tout de garantir une mise en concurrence qui sera, à n’en pas douter, contraire aux intérêts des personnes concernées. Croyez-moi, le reste à charge sera d’autant plus important pour les familles !
Avant de conclure cette longue intervention, qui témoigne de la richesse de nos travaux et de l’ampleur des différences qui nous opposent, j’aborderai deux dispositions qui nous inquiètent.
Tout d’abord, avec mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, j’entends réaffirmer l’opposition du groupe CRC-SPG à la suppression du statut particulier de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP. Cette suppression témoigne, là encore, de la volonté de reprendre en main l’organisation hospitalière dans son ensemble ; elle aura pour conséquence de mettre à mal l’unicité de l’AP-HP, qui faisait pourtant la spécificité de cette dernière et a permis jusqu’à aujourd’hui une prise en charge des populations les plus diverses vivant en région parisienne, tout en permettant à l’hôpital public, au travers des hôpitaux de la région parisienne, d’être à la pointe de la recherche médicale mondiale. Ce démantèlement inquiète les personnels de l’AP-HP, y compris les directeurs de service, réunis voilà peu en assemblée générale à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Ils nous ont fait part de leurs inquiétudes : ils craignent la casse d’un outil formidable composé de trente-sept établissements, actuellement au service des populations.
Je ne perds pas de vue que, dans des territoires désertés par la médecine de ville pour cause de rentabilité insuffisante, l’offre publique est la seule structure à accueillir les patients. Je tiens à dire aux personnels de l’AP-HP que nous sommes à leurs côtés et qu’ils pourront compter sur nous pour défendre partout le modèle public, seul garant du droit de tous à accéder, sans distinction de ressources, d’origines ou de pathologies, à des soins de grande qualité.
Enfin, je veux dénoncer ici l’amendement adopté en commission mixte paritaire supprimant la disposition, introduite à l’unanimité par le Sénat, instituant l’accès direct aux gynécologues médicaux sans pénalité financière. C’est un mauvais signal envoyé aux femmes de notre pays, particulièrement aux plus jeunes d’entre elles qui pourraient ne plus recourir à cette spécialité. Cette décision est d’autant plus importante qu’elle s’inscrit dans un contexte de pénurie grandissante des gynécologues obstétriciens, qui constitue un véritable risque pour la santé des femmes.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie pour votre écoute attentive. En l’état actuel de ce projet de loi, particulièrement après son passage en commission mixte paritaire, le groupe CRC-SPG votera résolument contre.