Intervention de Monique Lubin

Réunion du 2 mars 2023 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale suite

Photo de Monique LubinMonique Lubin :

Si le report de l’âge de départ à la retraite prévu par cette réforme est inacceptable, les mesures qui l’accompagnent ne sont pas non plus satisfaisantes.

L’enjeu des régimes spéciaux, d’abord : il n’y a ni besoin ni urgence à les supprimer de la sorte. Nous retrouvons ici les vieilles lunes de la droite, que vous reprenez à votre compte, monsieur Dussopt.

Certains régimes auxquels vous voulez mettre fin sont d’ailleurs des régimes autonomes qui ne demandent rien à l’État. Quant à la suppression du régime spécial de la RATP, c’est un contrat que nous allons rompre – nous y reviendrons plus tard.

La suppression de ces régimes est une pure diversion politique.

La question de la pénibilité et de l’espérance de vie au travail est traitée ici de manière tout aussi problématique.

En 2017, par ordonnance, l’exécutif a supprimé le compte personnel de prévention de la pénibilité au profit du compte professionnel de prévention. À cette occasion, il a supprimé la notion de pénibilité au travail : il n’est donc plus question d’une gestion par l’employeur de cette pénibilité. Elle n’est pas réintroduite ici.

Le fonds d’investissement proposé dans le présent texte mentionne bien certains des critères de pénibilité supprimés en 2017, mais pas tous ; les agents chimiques dangereux en sont notamment absents.

Concernant les carrières longues, l’enjeu de la pénibilité au travail, ou encore la question des inaptitudes au travail, le Gouvernement prétend donner de nouvelles tâches aux médecins pour faire exister ces dispositifs.

Nous nous interrogeons donc : alors que la France est en train de devenir un gigantesque désert médical, l’exécutif aurait-il sous le coude des praticiens mobilisables pour ces nouvelles tâches ?

Après avoir mené de nombreuses auditions sur le présent texte et entendu toutes les parties prenantes, il nous paraît évident que cette réforme n’est pas une réforme des retraites.

C’est bien plutôt une réforme qui concerne les finances de l’État, puisqu’elle doit faire baisser les déficits dans le cadre de la politique du Gouvernement, qui aura eu pour constante de baisser les impôts de production, de favoriser les plus riches et de désocialiser les salaires.

Après le « quoi qu’il en coûte » payé par la protection sociale, nous voici face au sacrifice du système de retraite sur l’autel du déficit de l’État. Ce n’est pas un hasard si cette réforme brutale fait peser l’effort sur les travailleurs et seulement sur eux.

C’est aussi une réforme témoin qui doit servir de gage à nos partenaires au sein de l’Union européenne, puisque le Gouvernement a jugé pertinent de l’inclure dans le programme de stabilité qu’il a transmis aux institutions européennes.

Faute d’être capable de proposer un véritable dessein en matière de finances publiques dans un projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 susceptible d’être amendé, puis adopté, le Gouvernement procède par coups de force successifs. Il se ménage un chemin budgétaire par des coupes répétées dans notre protection sociale.

Cette réforme est aussi une réforme masquée du marché du travail – nous y reviendrons au cours de nos débats.

Dans une réforme des retraites, la question des recettes ne devrait pas être un tabou ; des solutions financières non douloureuses sont identifiables.

Nous signalons par exemple l’intérêt de revenir sur les exonérations inutiles et coûteuses de cotisations patronales auxquelles a procédé ce gouvernement. Le coût total de ces exonérations est en effet de 80 milliards d’euros par an.

Une réforme des retraites est par ailleurs inconcevable si elle n’est pas précédée, par exemple, de politiques volontaristes d’encouragement de l’emploi des seniors et de lutte contre les inégalités de salaires entre femmes et hommes. Elle ne saurait pas non plus se faire indépendamment d’une convention nationale sur les salaires, que nous appelons de nos vœux.

Le Gouvernement devrait avoir le courage de renoncer à son bricolage contre-productif pour travailler en profondeur, avec les partenaires sociaux et les parlementaires, sur ce que nous voulons comme modèle de société, comme partage des richesses, comme modèle social et comme progrès social.

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