Intervention de Henri Cabanel

Réunion du 2 mars 2023 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale suite

Photo de Henri CabanelHenri Cabanel :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, était-il urgent de faire cette réforme des retraites ? Alors que la rue s’échauffe, alors que les sondages marquent l’opposition des Français à ce texte, alors que l’inflation, la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie, la crise économique créent un climat anxiogène, après une crise sanitaire mondiale, fallait-il en rajouter ?

Si je suis le premier à dire, dans mes interventions, qu’il faut prévoir à long terme et que nous souffrons, en France, d’une absence de culture d’anticipation, est-il raisonnable de faire passer cette réforme en force ? N’est-ce pas jouer avec le feu ? Je redoute les conséquences politiques de cette réforme, car la colère entraîne souvent des votes extrêmes. C’est le risque que vous prenez…

Il y a, encore une fois, un problème de méthode, car tous les récents présidents de la République – M. Sarkozy, M. Hollande et, désormais, M. Macron – ont réformé notre système en peu de temps. Ne peut-il pas y avoir des prévisions à long terme qui déboucheraient sur une réforme qui soit, elle aussi, à long terme ? Les Français ne comprennent plus.

Posons les enjeux.

Le premier est de sécuriser le système de retraite

L’équilibre financier de notre système de retraite est surtout un enjeu pour le régime de base de la sécurité sociale.

Depuis la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, chaque PLFSS contient un article liminaire sur l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’exercice en cours et pour l’année à venir. Tout le monde s’accorde à reconnaître que l’on n’est pas à l’équilibre.

Le Conseil d’orientation des retraites, chaque année, prévoit l’évolution du déficit du système : celui-ci s’établirait entre 12 % et 14 % à l’horizon 2070. Il faut donc entrevoir des sources de financement.

Votre option est d’augmenter l’âge de départ, la France affichant l’un des plus bas en Europe.

Mais toutes les solutions ont-elles été envisagées, étudiées ? Quelle évaluation a-t-elle été menée ?

Un autre enjeu est de trouver le régime le plus efficient.

Les pensions sont financées directement par les cotisations des actifs – c’est le principe de notre système par répartition.

Cela nous impose d’anticiper. Mais là encore, avons-nous examiné toutes les réponses possibles aux enjeux ?

Le président Macron avait imaginé, lors du quinquennat précédent, une autre réforme pour remplacer les 42 régimes de retraite existants par un système unique à points. Cela avait suscité une mobilisation sociale forte, mais pas plus forte que celle d’aujourd’hui. La crise sanitaire a effacé d’un revers de manche cette option, qui offrait pourtant le même calcul pour tous.

Les questions qui se posent à présent sont les mêmes qu’alors : quelle évaluation ? quel bilan ? quels scénarios de solutions différentes ?

À cet égard, je salue l’introduction, à l’Assemblée nationale, de l’article 1er bis, où il est demandé « un rapport sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite faisant converger les différents régimes et intégrant les paramètres de la réforme prévue dans la présente loi ». Le groupe du RDSE appelle depuis longtemps de ses vœux une réforme systémique qui pourrait aboutir à la mise en place d’un tel système.

Rien – ni les enjeux ni les solutions – n’a été véritablement expliqué aux Français. Ce manque de sensibilisation laisse la place à toutes les suppositions, à tous les fantasmes, mais, surtout, à toutes les oppositions. Cela provoque, in fine, un climat de défiance. Nous sommes en plein dedans.

De fait, les Français se sont pris en pleine figure une réforme qui leur paraît non justifiée et surtout injuste, car non adaptée aux carrières découpées des femmes, à celles des seniors, aux métiers pénibles et, enfin, aux carrières longues.

Pour susciter l’adhésion, vous le savez, il faut donner les clefs de la compréhension.

Prenons les 43 années de cotisations : peu de Français savent que cela a été déjà voté, en 2014, sous la présidence de M. François Hollande, et que cette disposition est entrée en vigueur en 2020 ! La durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein devait augmenter d’un trimestre tous les trois ans de façon progressive en fonction des générations, l’objectif étant d’atteindre 172 trimestres en 2035, soit 43 années pour les Français nés en 1973.

Votre gouvernement n’a donc prévu qu’une anticipation de l’application de la loi Touraine, dès 2027.

Ce seul changement n’aurait pas dû enflammer la sphère politique, qui, avec raison et conscience, a toujours pris ses responsabilités. Certains parlementaires qui s’acharnent d’une même voix à critiquer, à invectiver, voire à vociférer, ont oublié de dire et de redire que les 43 années ont été votées dans le cadre de la loi Touraine, et que, de fait, on a déjà reculé l’âge de départ permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein…

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