Ce point focalise la colère, alors même qu’il est acté. Il ne devrait pas y avoir de débat, à mon avis, sur ce sujet : les 43 années sont gravées dans le marbre de la loi.
Je pense donc que vous avez commis une erreur de communication sur ce texte : au-delà de l’erreur de timing, il y a un manque évident de préparation, de sensibilisation et d’explication.
Mener une telle réforme sans l’accord d’aucun syndicat est déjà un échec. Or les syndicats rejettent tout recul de l’âge légal, qui va pénaliser les plus modestes, en premier lieu les Français ayant des carrières longues, puisque certains vont devoir travailler plus de quarante-trois ans, ce qui n’est pas équitable. Avec un recul progressif de l’âge légal à 64 ans, cette injustice concerne potentiellement toutes les personnes qui ont commencé à travailler avant 21 ans.
C’est donc pour les carrières longues que l’obligation de cinq trimestres pose problème : l’organisation par tranche d’âge – avant 16 ans, avant 18 ans, avant 20 ans – les fait cumuler plus de 43 années si ces personnes n’ont pas les cinq trimestres demandés, alors que, très souvent, ce sont elles qui ont assumé les travaux les plus pénibles – même si nous ne sommes pas dupes du fait qu’il s’agit avant tout d’un problème financier et d’un problème de solidarité du système.
Je salue, en revanche, votre souhait de créer une autre tranche pour les moins de 21 ans.
Vous avez affirmé que la surcote avant 67 ans visait à soutenir les femmes. Mais quelle a été l’évaluation de cette proposition ? Combien de femmes en bénéficieront ?
Heureusement, votre gouvernement vient d’annoncer une nouvelle mesure, destinée à favoriser la situation des femmes, notamment via des bonifications. Nous l’étudierons avec grand intérêt.
Concernant la pénibilité, le report à 64 ans de l’âge légal de départ d’ici à 2030 va automatiquement reculer l’âge de départ possible pour les personnes concernées.
Il faut donc préciser les critères et, surtout, favoriser des retraites anticipées. Nos débats, nous l’espérons, permettront d’améliorer le texte, car l’article 9 n’a pas pu être examiné à l’Assemblée nationale. L’enjeu est primordial.
Concernant les seniors, l’article 2 met en place un index et crée un objectif d’amélioration de leur embauche et du maintien dans leur emploi.
Je soutiens l’idée d’un bonus-malus qui aurait de vrais effets de stimulation de l’emploi des seniors et poserait de véritables objectifs. En effet, un index sans pénalités ne servira à rien, mais je connais votre volonté de faire des propositions concrètes à ce sujet.
Les critères de qualité de vie au travail sont des indicateurs fiables – je pense, par exemple, au taux d’arrêt maladie ou encore au turnover –, mais ils ne sont efficients que s’ils sont accompagnés de contrôles et de mesures coercitives.
Mon groupe, le RDSE, est très attaché à la valeur travail. Le bien-être au travail doit être au centre de nos débats, car il n’y a pas de volonté de s’arrêter tôt lorsque les paramètres sont réunis pour une qualité de vie professionnelle. C’est pourquoi la visite médicale permettant de dresser un bilan de l’usure au travail est primordiale.
L’équilibre de notre système passe par une solution de maintien des seniors dans l’emploi. Il faut donc lutter contre les ruptures conventionnelles abusives.
De plus, il faut absolument faire évoluer les mesures de retraite progressive et penser au bien-être du futur retraité tout autant qu’à la nécessité de transmission pour les nouveaux recrutés ; je salue l’ouverture de ce système à la fonction publique. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à imposer la motivation des refus des entreprises. Il faut les inciter à accepter cette progressivité de la sortie de l’emploi.
Messieurs les ministres, vous l’avez compris, pénibilité, carrières longues, retraite des femmes et des seniors nous semblent des sujets très importants ; les sénateurs de mon groupe défendront donc des amendements tendant à mieux les prendre en compte.
Enfin, je veux faire un aparté, qui n’engage strictement que moi.
Je suis choqué que nous amorcions ce débat sur les retraites, qui intègre la question de la suppression des régimes spéciaux, sans remettre en question notre propre système, celui des sénateurs.
On me répond, à juste titre, que nous avons un système autonome et que nous finançons nous-mêmes notre régime. Certes, mais à partir de budgets publics, donc de deniers publics ! En effet, notre pension est financée à la fois par un prélèvement sur notre indemnité – autant que je sache, celle-ci provient bien des derniers publics –, par une cotisation employeur du Sénat et par un prélèvement sur les actifs financiers dont dispose le Sénat.
L’Assemblée nationale a aligné son régime sur celui de la fonction publique en 2018. Pourquoi pas nous ? On me rétorquera que les députés n’avaient pas le même système… C’est vrai, mais quand on veut, on peut !
Après six ans de mandat, nous bénéficions d’une pension que ne touchent pas la très grande majorité des Français à l’issue d’une carrière complète. Peut-être est-ce normal à vos yeux ; pour ma part, je trouve cela choquant.
Monsieur le président, je salue votre volonté sur ce sujet. Ce matin encore, vous avez indiqué, sur une chaîne publique, qu’il faudrait réformer notre système rapidement.
Bien évidemment, je suis favorable à une réforme qui s’applique rapidement ; ne jamais la prévoir que pour les autres est trop facile !
Messieurs les ministres, beaucoup de points restent à éclaircir. Vous le savez, débattre est dans l’ADN du groupe du RDSE. Nous souhaitons donc aller au bout de ce projet de loi, dans un climat apaisé – je ne doute point qu’il en sera ainsi –, pour construire un texte qui répondra aux enjeux, mais également aux interrogations des Français.
Tous les regards sont tournés vers le Sénat, qui, une fois encore, endossera sa mission avec sagesse et raison, pour faire évoluer ce texte.
Nous n’avons pas choisi cette réforme.
Notre responsabilité, en tant que parlementaires, est de débattre, quelles que soient nos convictions.