Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Retailleau a évoqué les travaux de la Cnav. Les données sur lesquelles je vais m’appuyer ici concernant les territoires d’outre-mer proviennent également de la Cnav. J’imagine donc, mon cher collègue, que vous avez vu ce dont je vais parler.
Cette réforme injuste et injustifiée aura des effets néfastes pour l’ensemble des populations des territoires d’outre-mer. Comment expliquer qu’aucune étude préalable n’ait été menée pour prendre en compte la réalité de ces territoires dans ce projet de loi ?
Les conséquences de vos choix, monsieur le ministre, seront irréversibles dans un contexte de chômage des jeunes, d’inflation, de vie chère et de déséquilibre démographique.
Par idéologie, et en s’appuyant sur des éléments de langage infondés, le Gouvernement a décidé d’imposer son projet machiavélique en limitant à dix jours la durée des débats parlementaires au Sénat ! C’est tout à fait regrettable.
Une application différenciée de la réforme est pourtant indispensable, compte tenu des conditions de vie précaires des retraités ultramarins, particulièrement des femmes. J’ai déjà soulevé ce problème récemment lors d’une séance de questions au Gouvernement.
Cette réforme causera une véritable catastrophe humaine, sociale, économique et systémique. Ses conséquences seront graves pour les futurs retraités, bien sûr, mais aussi pour les collectivités locales.
En Guadeloupe, les acteurs de terrain tels que les centres communaux d’action sociale (CCAS) ou la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) servent aujourd’hui de remparts face aux inégalités qui caractérisent le marché du travail, donc les retraites, et aux conséquences de la pénibilité, de l’exposition au chlordécone, ou encore de la vie chère.
Les disparités entre l’outre-mer et l’Hexagone sont pourtant connues. Les défauts de déclaration et la maltraitance institutionnelle contribuent énormément au non-recours aux droits dans ces territoires.
En raison de l’étroitesse du marché du travail, les salariés des outre-mer ont trois fois plus de trous de carrière que la moyenne nationale. Ils ont des carrières particulièrement hachées et sont déjà contraints de partir plus tardivement à la retraite : à l’âge de 65 ans en moyenne en Guadeloupe, contre 62, 7 ans à l’échelon national.
Allonger de deux ans la durée de cotisation, c’est condamner mécaniquement les salariés des outre-mer à partir encore plus tardivement à la retraite, avec des problèmes de santé – je pense notamment au cancer de la prostate pour les hommes et au cancer du sein pour les femmes – et dans des situations de grande pauvreté.
En effet, les niveaux de pension dans ces territoires sont inférieurs de 10 % à 17 % à ceux de l’Hexagone. Dans un contexte d’inflation permanente, entre 9 % et 15 % des retraités des outre-mer sont considérés comme étant en grande pauvreté, contre 1 % en moyenne à l’échelon national. En Martinique, 24 % des pensionnés sont bénéficiaires du minimum contributif, dont 18 % du Mico majoré.
Les travailleurs indépendants, les agriculteurs et surtout les femmes sont de plus en plus nombreux à solliciter l’Aspa, l’ancien minimum vieillesse. Le nombre d’allocataires a augmenté, entre 2017 et 2022, de plus de 40 % en Guadeloupe. Des questions restent en suspens concernant la déconjugalisation de la prestation et le montant du seuil de recouvrement sur l’actif successoral.
Enfin, une concertation avec les syndicats et les employeurs publics est nécessaire afin que les différentes primes soient véritablement prises en compte dans le calcul de la retraite des fonctionnaires en outre-mer.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous le constatez, la réforme des retraites en outre-mer soulève des questions très nombreuses et très spécifiques, qui devraient appeler plus de concertation et de différenciation. La chambre des territoires, le Sénat, doit écouter et entendre les Français !