Intervention de Luc Multigner

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 20 octobre 2022 à 15h05
Audition publique sur la chlordécone : conséquences sur la santé humaine et répercussions sociales aux antilles

Luc Multigner, directeur de recherche Inserm à l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) :

J'ai parlé des souris car il existe une dimension observée chez l'animal susceptible d'exister également chez l'homme. Il s'agit de se donner un argument supplémentaire pour les politiques de réduction des expositions.

Par ailleurs, les travaux réalisés sur le cancer de la prostate aux Antilles concernent la population générale. Certes, les travailleurs ont été potentiellement davantage exposés. Dès la fin des années 1990 cependant, nous avions constaté que, même si les travailleurs agricoles de la banane présentaient davantage de chlordécone dans le sang que le reste de la population, l'écart n'était pas aussi important que celui observé entre un agriculteur et un habitant de métropole pour un pesticide lambda.

Nous avons rencontré des difficultés à nous intéresser au cancer du sein pour une série de raisons strictement logistiques, notamment parce que le système de prise en charge est multiple. Des réflexions sont en cours pour mettre en place des études de faisabilité.

La question sur les effets cocktail n'a pas de réponse simple. En revanche, les études n'ont pas dosé que la chlordécone. Les résultats prennent ainsi en compte les effets multiples. En termes de réaction chimique, la molécule de chlordécone présente la particularité d'être incapable de réagir avec une quelconque autre molécule.

Concernant l'infertilité masculine, la situation de la Bretagne n'est pas pire que la situation des autres régions. Il n'existe pas de particularité bretonne.

La chlordécone n'a jamais été appliquée par épandage aérien, c'est une fausse idée. Il s'agit d'une poudre utilisée à la main, souvent par des femmes. L'épandage aérien a concerné d'autres pesticides.

Concernant le devenir de la chlordécone, le sol est un réservoir. S'il ne pleuvait pas, la chlordécone y resterait. Avec la pluie, par un effet de percolation ou de ruissellement, elle se retrouve dans les nappes phréatiques supérieures, les rivières, jusqu'aux côtes. Nous estimions initialement qu'un tiers des surfaces agricoles utiles et un tiers des littoraux marins de la Guadeloupe et de la Martinique avaient été contaminés. Selon le dernier rapport de l'INRAE sur les pesticides et l'environnement, les taux pourraient aller jusqu'à 50 %. Des dizaines de milliers d'hectares sont donc concernés. La dépollution serait extrêmement difficile.

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