Intervention de Catherine Procaccia

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 20 octobre 2022 à 15h05
Audition publique sur la chlordécone : conséquences sur la santé humaine et répercussions sociales aux antilles

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia, vice-présidente de l'Office, rapporteur :

sénateur, vice-présidente de l'Office, rapporteur. - Je vous remercie et passe la parole à André Edouard.

André édouard, représentant du collectif Lyannaj pou deployé Matinik. - Le collectif que je représente, Lyannaj pou dépolyé Matinik, regroupe des associations, des syndicats, des partis et des individus qui militent pour la protection de l'environnement et contre toutes les pollutions dont est victime notre territoire. Le combat contre les conséquences de l'empoisonnement par la chlordécone est un de nos combats.

Cet empoisonnement des populations des Antilles est de mieux en mieux connu. Les populations sont passées du fatalisme à la prise de conscience active, puis à la défiance envers l'État, du fait des conséquences sur notre mode de vie et sur notre relation avec les auteurs de cet empoisonnement.

Quand, après 15 ans d'instruction des plaintes contre l'État, un juge parisien a fait planer la menace d'un non-lieu, plus de 10 000 personnes sont descendues dans les rues pour protester contre le risque d'impunité des coupables. Si l'État, par la voix du Président de la République lui-même, a fini par reconnaître une part de responsabilité, il n'a pas désigné les autres responsables, à savoir les fabricants, les importateurs et les vendeurs de ce poison, que chacun, pourtant, connaît. Cette situation est vécue, par la population, comme une complicité de fait. Quand notre mouvement a rencontré le préfet de la Martinique, il a parlé de la seule responsabilité morale des acteurs économiques locaux. L'État ne s'est jamais prononcé sur cet aspect. Comment dès lors continuer à faire confiance à nos gouvernants ?

Les plans successifs élaborés depuis 2008 n'ont jamais bénéficié des financements nécessaires pour faire face à l'ampleur de la tâche. Les promesses telles que la traçabilité des aliments, source d'anxiété, ou la cartographie des terres polluées restent, à ce jour, inachevées. La population vit une anxiété permanente devant son assiette. Elle doit inventer une nouvelle vie professionnelle et une nouvelle vie personnelle, avec des règlements européens non adaptés à cette situation particulière. Les marins-pêcheurs sont par exemple interdits de pêche côtière, sans disposer des moyens adaptés à la pêche au grand large ou à leur reconversion. Les agriculteurs subissent les pires difficultés pour accéder aux terres non polluées. Les maraîchers souffrent, comme les agriculteurs, d'une situation schizophrénique, puisque la population est incitée à manger des produits locaux dont elle se méfie, faute de traçabilité. Les éleveurs endurent des difficultés identiques. Le résultat est une fracture nette entre l'État et ses colonies, entre la population et les acteurs économiques.

La prolongation de l'utilisation du glyphosate, le report des décisions européennes sur l'utilisation des pesticides minent davantage encore les relations entre la population et les décideurs. Le scandale local de l'utilisation de l'éthéphon pour accélérer le murissement de certaines catégories de bananes incite même les plus sceptiques à évoquer un moyen de diversion pour faire oublier le scandale de la chlordécone.

Jusqu'à quand l'État continuera-t-il à « jouer la montre » ?

sénateur, vice-présidente de l'Office, rapporteur. - Je vous remercie. Grâce à vos interventions, je comprends mieux l'anxiété des populations et les raisons pour lesquelles les mesures mises en place, même avec lenteur, n'ont pas fonctionné comme attendu. Je note cependant une meilleure implication de vos points de vue dans l'élaboration du plan chlordécone IV. Je donne la parole à mes collègues.

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