Intervention de Janmari Flower

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 20 octobre 2022 à 15h05
Audition publique sur la chlordécone : conséquences sur la santé humaine et répercussions sociales aux antilles

Janmari Flower, vice-président de l'association Vivre :

Beaucoup de pièces du puzzle ont été évoquées. Je souhaite les relier entre elles. La première d'entre elles, en réalité, n'a pas été citée, mais soulevée par notre avocat dans l'action collective conjointe que nous menons pour la reconnaissance du préjudice d'anxiété. Depuis les années 1970, il y a eu un décrochage de l'évolution de l'espérance de vie dans les départements de Martinique et de Guadeloupe par rapport à l'évolution en métropole. Bizarrement, au moment de l'utilisation de la chlordécone et d'autres biocides et perturbateurs endocriniens, nous constatons ce décrochage. Nous observons également une prévalence de plus en plus importante des maladies métaboliques, au point qu'aujourd'hui, un tiers des décès sont par exemple liés à des insuffisances cardiaques. Il se trouve que l'un de nos membres, le docteur Mona Hédreville, cardiologue, a trouvé une publication scientifique qui établit la cardiotoxicité de la chlordécone, fait qui n'a, pour le moment, pas reçu d'attention particulière en termes de recherche scientifique. Il peut s'agir d'un élément supplémentaire venant s'ajouter à ceux décrits pour expliquer le déni d'une partie des populations, le fatalisme d'une autre partie des populations, la colère de certaines personnes, concernant la pollution.

Il est certain que, désormais, nous devons vivre avec ce pesticide, alors que nous ne savons pas précisément où il se trouve dans nos sols et dans nos eaux. La cartographie des sols n'est en effet pas achevée. De surcroît, elle est organisée de telle sorte qu'elle ne peut que donner une vision floue de la situation, en l'absence notamment d'un nombre suffisant de prélèvements par hectare qui permettrait d'aboutir à une vision fine. L'effet cocktail sanitaire a été évoqué mais il faut aussi mentionner l'effet cocktail environnemental. L'usage du glyphosate a favorisé l'érosion de sols qui étaient contaminés par la chlordécone et donc son transfert du milieu terrestre au milieu aquatique.

L'ensemble des éléments précédents militent, de notre point de vue, pour une augmentation considérable des moyens alloués au plan chlordécone IV. Il faudrait peut-être d'ailleurs le rebaptiser plan perturbateurs endocriniens, car la chlordécone n'est pas le seul produit en cause. Aussi longtemps que l'État, dans toutes ses composantes, ne se sera pas mis en cohérence pour reconnaître la responsabilité au plus haut niveau et cumulée dans le temps de tous les acteurs, sa parole sera toujours accueillie avec une défiance d'autant plus dommageable que nous avons grand besoin actuellement, face à l'accélération du dérèglement climatique et à l'effondrement de la biosphère, d'une action de planification publique.

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