Intervention de Laurent Somon

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 novembre 2022 à 8h30
Proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée — Procédure de législation en commission - examen du rapport et du texte de la commission deuxième lecture

Photo de Laurent SomonLaurent Somon, rapporteur :

Nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, dans le cadre de la procédure de législation en commission, la proposition de loi de M. Jean-Noël Cardoux visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Je tiens en premier lieu à remercier à nouveau Jean-Noël Cardoux pour son travail sur cette proposition de loi. Ce texte, très complet, qui s'attaque au fléau de l'engrillagement des espaces naturels, a reçu l'approbation unanime du Sénat, le 10 janvier 2022, et de l'Assemblée nationale, le 6 octobre dernier. C'est suffisamment rare pour être souligné.

Je tiens aussi à remercier le député Richard Ramos, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qui a cherché le consensus autour de ce texte transmis par le Sénat, en étant à l'écoute des différentes sensibilités de l'Assemblée nationale et en approfondissant les dispositions du texte. Les modifications adoptées par l'Assemblée sont significatives, mais correspondent à l'esprit de nos travaux et maintiennent l'équilibre voulu par le Sénat.

Je voudrais enfin vous remercier, madame la ministre, ainsi que vos services, pour votre écoute et votre disponibilité à améliorer cette proposition parlementaire.

Afin de vous éclairer pour cette deuxième lecture, je vais vous présenter les principaux apports de l'Assemblée nationale qui n'appellent qu'un seul amendement de ma part, à l'article 5.

L'Assemblée nationale a ajouté deux articles le 1er ter A et le 5. Un article, le 1er quater, a été adopté conforme et la suppression de l'article 3 a été confirmée. Neuf articles sont donc à examiner aujourd'hui dont deux pour la première fois.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié la nouvelle norme des clôtures adoptée par le Sénat en première lecture : hauteur limitée à 1,20 mètre, libre passage de 30 centimètres au-dessus du sol, ne constituant pas un piège ou un danger pour la faune et composées de matériaux naturels.

Mais l'Assemblée a adopté quatre modifications importantes.

Tout d'abord, le Sénat avait retenu que la loi s'appliquerait dans les trames vertes dans l'esprit de provoquer son extension à toutes les zones naturelles. L'Assemblée nationale a concrétisé l'intention en prévoyant que la loi s'appliquera dans toutes les zones naturelles ou forestières telles que répertoriées par les plans locaux d'urbanismes (PLU).

Ensuite, l'Assemblée nationale a étendu la rétroactivité de la loi à trente ans, soit à compter de 1993, retenant la prescription trentenaire, là où le Sénat avait retenu 2005 et mis en place les mécanismes devant engendrer et accompagner un désengrillagement plus large. La prescription trentenaire est une référence juridique solide qui correspond bien à l'intention de parvenir à un démontage effectif du plus grand nombre de grillages.

De plus, l'Assemblée nationale a réduit le délai de mise en conformité de sept à quatre ans, ce qui paraît suffisant notamment pour réguler les animaux qui pourraient être relâchés.

Enfin, l'Assemblée a étendu et précisé juridiquement les exceptions, ce qui est logique compte tenu des extensions précédemment énumérées.

Un article 1er ter A a été inséré, sur proposition de M. François Cormier-Bouligeon, afin de soumettre à une obligation de déclaration toute opération d'effacement de clôtures qui pourrait donner lieu à des dégradations environnementales.

À l'article 1er sexies, l'Assemblée nationale a confirmé et accru l'extension des pouvoirs de contrôle des agents de développement assermentés des fédérations de chasse en supprimant le droit d'opposition des propriétaires. C'était une demande très forte de la Fédération nationale des chasseurs qui déplorait que, depuis la loi de 2019, des chasseurs puissent se soustraire à la police de la chasse de proximité.

À l'article 2, le Sénat avait retenu une contravention de 5e classe pour toute pénétration non autorisée dans une propriété. L'Assemblée a retenu la 4e classe correspondant à une sanction forfaitaire d'un montant de 750 euros. Elle sera encourue dès lors que les limites de la propriété seront matérialisées par un panneau, une clôture ou une haie, évitant toute infraction involontaire. Cette solution permet de maintenir un équilibre entre abaissement des clôtures et protection de la propriété privée et évitera le passage devant le tribunal de police.

À l'article 4, l'Assemblée nationale a prolongé les dispositions que nous avions adoptées en conditionnant l'utilisation du fonds biodiversité à l'implantation de haies bénéfiques à la biodiversité locale pour le remplacement des clôtures.

Enfin a été créé un article 5 interdisant l'agrainage et l'affouragement dans les espaces clos définis à l'article 1er de la proposition de loi, à l'exception des enclos scientifiques. À mon sens, cette interdiction générale est illogique puisqu'elle s'appliquerait aussi bien aux espaces clos de manière étanche qu'à ceux ouverts à la faune. Ces derniers doivent être soumis au droit commun de la chasse comme le reste des espaces complètement ouverts pour éviter les dégâts aux cultures. Je vous propose donc un amendement modifiant cet article afin d'interdire ces pratiques uniquement dans les espaces hermétiquement clos, laissant à la ministre chargée de l'environnement le soin de préciser les possibles exceptions.

En conclusion, je souhaite que notre vote d'aujourd'hui permette à cette proposition d'aboutir très rapidement à l'Assemblée nationale dès le début de l'année prochaine afin de mettre un terme à « l'emprisonnement de la nature » auquel nous avons assisté et contre lequel Jean-Noël Cardoux et plusieurs autres parlementaires, mais aussi des associations et des citoyens, se sont engagés depuis de nombreuses années. Ils voient aujourd'hui leurs efforts récompensés.

Je suis heureux que ce soit un chasseur qui en soit à l'origine montrant le caractère étymologiquement écologique de cette pratique lorsqu'elle est vécue avec éthique et amour de la nature. Je suis également heureux que le Sénat ait pu en être le creuset illustrant à nouveau son souci des territoires, sa capacité à travailler de manière collégiale et transpartisane, y compris avec les députés et le Gouvernement, et sa volonté de trouver des compromis constructifs dans l'intérêt général et la magie romantique de nos forêts.

Permettez-moi pour l'illustrer de terminer par quelques vers de jeunesse de l'un de nos illustres prédécesseurs au Palais du Luxembourg, François-René de Chateaubriand, qui dans son poème « Forêt » issu ses Tableaux de la nature écrivait :

« Forêt silencieuse, aimable solitude,

Que j'aime à parcourir votre ombrage ignoré !

Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,

J'éprouve un sentiment libre d'inquiétude ! (...)

Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts !

À quel amant jamais serez-vous aussi chères ?

D'autres vous rediront des amours étrangères ;

Moi de vos charmes seuls j'entretiens vos déserts. »

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