Intervention de Didier Holleaux

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er décembre 2023 à 9h00
Énergie climat transports — « le marché de l'électricité dans l'union européenne : quelle réforme ? » - audition

Didier Holleaux, président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas) :

Je rappelle que, parmi les énergies nouvelles et renouvelables, il en existe une parfaitement stockable, le biométhane ou le biogaz. Son potentiel est loin d'être négligeable. On estime qu'en France, cela représentera 40 TWh en 2030, et de l'ordre de 150 TWh en 2050. En Europe, les chiffres sont équivalents. L'European biogas association (EBA) annonce 41 milliards de m3, soit environ 450 TWh en 2030 et 151 milliards de m3, soit 1 700 TWh en 2050.

Une des priorités de la crise actuelle doit être d'accélérer le développement de la production de biométhane en créant des conditions favorables, qui figurent en partie dans le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables. On peut aussi le faire en ajustant les tarifs, l'inflation touchant aussi la construction des installations de biométhane, afin de permettre que la dynamique se prolonge.

S'agissant des difficultés à long terme dans l'approvisionnement en gaz, qui ont un impact sur le marché de l'électricité, je rappelle que l'une d'entre elles résulte du fait que, avec la création du marché européen, plus personne n'était en charge de la sécurité de cet approvisionnement. Il se trouve qu'en France, par tradition, les principes de sécurité d'approvisionnement, donc de diversification des sources, ont été préservés - en partie d'ailleurs parce que les acteurs étaient plus concentrés.

Même si EDF s'y est joint, on comptait également historiquement Engie et Total. En Allemagne, du fait de la diversité des opérateurs et de la dilution des responsabilités, ce souci de diversification s'est perdu et est à l'origine de la crise.

Aujourd'hui, on pourrait à nouveau proposer des contrats à long terme ayant d'autres origines que la Russie - on pense en particulier aux États-Unis, au Qatar, plus marginalement au gazoduc avec le Turkménistan ou quelques autres pays, éventuellement l'Algérie, l'Est méditerranéen, le Mozambique, etc. Ce qui manque aujourd'hui, c'est la capacité pour les opérateurs d'établir des contrats à long terme indexés sur autre chose que sur le prix à court terme du marché du gaz européen.

Si les contrats à long terme sont indexés sur le Title Transfert Facility (TTF), qui régit le prix du gaz sur le marché spot aux Pays-Bas, cela ne couvre pas le problème d'exposition au risque. En revanche, si on diversifie ses approvisionnements en prenant du gaz américain indexé sur le prix directeur américain, du gaz qatari indexé sur le prix du pétrole et une partie de TTF ou sur d'autres indices, on introduit un nouveau principe de diversification : on n'achète jamais au moins cher des prix marginaux, mais jamais au plus cher non plus.

Aujourd'hui, le cadre n'est pas propice. Pourquoi, malgré la guerre en Ukraine, très peu de nouveaux contrats à long terme sont-ils signés par des entreprises européennes ? Cela s'explique par le fait que les Américains voudraient signer sur leur propre base et les Qataris sur la base du brent et que les acteurs du gaz européen ont intérêt à refléter dans nos contrats d'approvisionnement le prix du marché de gros européen et de tout faire porter sur le même indice TTF, qui présente un risque élevé de volatilité. Cela a évidemment un impact à long terme sur le prix de l'électricité, mais créer les conditions pour qu'un mix de prix diversifiés du gaz serve au moins à fournir l'électricité marginale produite à partir du gaz en Europe permettrait de trouver des solutions qui nous préserveraient d'un certain nombre de pics de prix et d'effets négatifs dus à la volatilité.

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