Si vous confirmez ma nomination, j'entrerai au Conseil supérieur de la magistrature avec une référence : la Constitution.
Le Conseil supérieur de la magistrature, qui a déjà beaucoup évolué dans ses pratiques, ne s'est pas interdit de donner son opinion et ses avis sur de possibles réformes futures. Je participerai donc avec intérêt à ce genre de réflexion, mais il appartiendra évidemment à la représentation nationale de décider ou non d'engager des réformes.
Il est important que le CSM, sans empiéter sur les prérogatives du Parlement, continue à produire des avis et à communiquer sur ses activités. Cet organe si essentiel au bon fonctionnement de nos institutions n'est pas suffisamment connu, en particulier en ce qui concerne le droit de saisine des citoyens. Notre justice est de plus en plus décriée, comme d'ailleurs toutes les institutions de la République, alors même que l'on fait appel à elle de plus en plus souvent. La judiciarisation de la vie publique, à certains égards préoccupante, montre que, tout en décriant la justice, nos concitoyens font appel à elle. La pédagogie sur la justice et son fonctionnement ainsi que la participation des citoyens à nos tribunaux sont des éléments importants. L'exemple des cours d'assises est éclairant à ce titre.
La réforme constitutionnelle bloquée depuis maintenant presque vingt-quatre ans est un abcès de fixation préjudiciable. J'espère qu'elle pourra être mise en place.
Monsieur Marc, vous avez raison, ce genre d'épisodes fâcheux ne grandit pas la justice... J'espère que chacun en aura tiré les leçons. Les magistrats, même lorsqu'ils n'exercent pas leur magistrature, sont soumis, selon les règles de déontologie, à un devoir de réserve et à l'impératif de dignité, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie privée. Ils sont également soumis à d'autres vertus importantes, qui fondent l'indépendance de la justice, l'impartialité, la confiance des citoyens et l'intégrité. Je me réjouis donc que la déontologie soit devenue une part importante de l'activité du CSM. La déontologie, c'est de la prévention : le cas échéant, il est nécessaire de sanctionner avec la plus grande rigueur, mais la déontologie est là pour éviter que des fautes relevant de sanctions disciplinaires ne soient commises. Je me félicite que le recueil des obligations déontologiques ait évolué au fur et à mesure des changements de la société. J'espère, si vous confirmez ma nomination, pouvoir y contribuer.
Monsieur le président, vous avez évoqué l'avis donné par le CSM, à la demande du Président de la République, sur la responsabilité des magistrats. C'est un texte évidemment très important, qui rappelle d'abord que les magistrats ne bénéficient d'aucune impunité. Sont-ils toujours irréprochables dans leur attitude ? Car il faut distinguer l'impartialité et l'image de l'impartialité, notamment à l'audience. Or cette image est tout aussi importante pour la confiance des citoyens en la justice, laquelle a tendance à s'éroder gravement à en croire les enquêtes. Pourtant la confiance dans la justice est un des piliers de notre État de droit. Nous devons donc essayer de la restaurer.
Toutes nos institutions sont actuellement mises à mal, sous l'influence en particulier des réseaux sociaux. Elles sont également affaiblies par la primauté de l'individualisme et la perte du sens collectif. Or sans règle de droit, au niveau national, européen ou international, il n'y a plus d'État de droit, c'est-à-dire plus de possibilité de vivre en commun. On observe malheureusement au niveau international une grande vague de contestation du multilatéralisme qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la Charte des Nations unies, fondait l'État de droit international. On l'a vu pour le Capitole aux États-Unis, qui a inspiré certainement les partisans de M. Bolsonaro. On le voit également au sein de l'Union européenne, je pense à la Pologne ou à la Hongrie. Il est impératif, selon moi, de réagir.
Que peut faire le Conseil supérieur de la magistrature ? Il importe d'abord que les magistrats soient exemplaires. Lorsqu'ils ont des attitudes qui ne relèvent pas de sanctions disciplinaires, mais qui peuvent être jugées offensantes par des justiciables, il convient de les rappeler à l'ordre. Le CSM a d'ailleurs avancé quelques propositions en ce sens, notamment en suggérant d'inscrire certains avertissements dans les dossiers pendant non plus trois ans, mais cinq ans. Il a également insisté sur le fait que les justiciables pouvaient non seulement saisir le CSM, mais également écrire aux chefs de cour et de juridiction, lesquels ont la possibilité d'avertir immédiatement les magistrats qui ne seraient pas suffisamment attentifs.
J'ajoute que l'augmentation bénéfique des moyens devra s'accompagner d'une modification des méthodes de travail. Il faut former les chefs de cour et de juridiction à la gestion d'une équipe. Il ne suffit pas d'être un très bon juriste ou un très bon magistrat pour savoir mobiliser une équipe et la faire travailler. Le Conseil supérieur de la magistrature réclame d'ailleurs depuis longtemps qu'on évalue les chefs de cour, les chefs de juridiction et les conseillers à la Cour de cassation.
L'avis du CSM insiste beaucoup sur la déontologie, avec le souci de mieux faire comprendre ce qu'est le métier de magistrat. Nous avons tous intérêt à respecter l'indépendance de la magistrature et à lui donner les moyens d'être impartial. En retour, c'est comme cela que seront respectées les prérogatives du Parlement.