Intervention de Faustine Fleuret

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er mars 2023 à 9h30
Innovation et régulation dans le domaine des crypto-actifs — Audition de mmes marie-anne barbat-layani présidente de l'autorité des marchés financiers faustine fleuret présidente de l'association pour le développement des actifs numériques et de Mm. Nicolas Louvet président-directeur général de coinhouse et bertrand peyret secrétaire général adjoint de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Faustine Fleuret, présidente de l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan) :

Je vais concentrer mon propos sur l'équilibre nécessaire entre le développement de l'innovation et la régulation. Cet équilibre est présent en France et notre association professionnelle a pour objectif de le renforcer.

L'Adan représente 200 entreprises évoluant dans le secteur du web décentralisé (Web3). Nous portons la voix de nos adhérents car nous sommes convaincus du potentiel en emploi de ces entreprises et de leur contribution à la souveraineté numérique et à la compétitivité de la France et de l'Europe. Parmi nos axes de travail, nous avons beaucoup oeuvré en faveur d'une réglementation protectrice de l'utilisateur, car la réglementation favorise un développement sain des marchés, sous réserve qu'elle soit proportionnée et adaptée. Ces travaux sont menés de façon constructive avec les autorités, au niveau national comme européen.

Nous avons mené l'an dernier une étude sur cette industrie et sur l'état de l'adoption des crypto-actifs et du Web3 en France. L'industrie française est réputée pour son dynamisme au sein de l'Union européenne et même dans le monde. La France compte dans l'économie du Web3 deux licornes, qui entraînent un large écosystème d'entreprises petites et moyennes développant les cas d'usage ; nous comptons 600 projets en France dans ces domaines. Cette industrie est génératrice d'emplois et nos membres sont implantés sur l'ensemble du territoire. Presque toutes les entreprises cherchent à recruter, majoritairement en France. Enfin, du fait des travaux règlementaires avancés en France et en Europe, l'industrie française est réputée parmi les plus sérieuses et les plus crédibles dans l'Union européenne et dans le monde.

Quels cas d'usage trouve-t-on derrière les technologies des blockchains et des crypto-actifs ? Cette innovation technologique ruisselle dans de nombreux secteurs économiques, au-delà du secteur financier. L'assurance et la banque y recourent pour rendre leurs services traditionnels plus efficients, par exemple pour les paiements. Dans le secteur non financier, le jeu vidéo, le sport ou encore l'énergie utilisent ces technologies. Cette innovation transversale touche donc l'ensemble de nos concitoyens dans leur quotidien.

L'approche de la France à l'égard des crypto-actifs et du Web3 a favorisé le développement de l'innovation, dans un environnement sûr pour les utilisateurs. C'est ce qui explique que 8 % des Français ont déjà adopté cette innovation et que 30 % envisagent d'acquérir des crypto-actifs. Dans ce contexte, il importe que le public français puisse se tourner vers des champions français ou européens pour souscrire à ces services ou acquérir ces actifs plutôt que vers des acteurs étrangers, qui seront moins sûrs. On peut par exemple regretter que des acteurs comme FTX aient pu être accessibles à des investisseurs français.

Cela étant, seulement 9 % des Français ayant investi dans les crypto-actifs connaissent la réglementation française. Celle-ci est nécessaire pour la protection de l'épargnant ou pour la lutte contre la criminalité financière, mais l'industrie doit être compétitive pour que nos entreprises soient choisies par nos concitoyens.

Quel est l'avancement de la réglementation dans le domaine ? J'aurai des messages positifs à cet égard. La France a le cadre réglementaire le plus abouti en Europe et même dans le monde pour ce qui concerne les marchés de crypto-actifs. Alors que cette innovation est jeune, elle remonte à 2008 ou 2009, la réglementation est bien aboutie. La loi Pacte fournit un cadre pour les intermédiaires des marchés de crypto-actifs - marchés primaire et secondaire -, avec le visa ICO, l'enregistrement obligatoire et l'agrément optionnel des PSAN, mais nous avons aussi beaucoup oeuvré pour certains ajustements de la fiscalité et pour l'éligibilité de ces actifs à certains fonds professionnels. L'année 2023 sera charnière à ce stade, nous attendons encore beaucoup d'évolutions.

Le régime PSAN, déjà renforcé à deux reprises, le sera encore cette année au 1er juillet 2023 ; cela soulève des questions et nous travaillons avec les autorités pour fluidifier cette transition pour les acteurs. Par ailleurs, certains pans de l'innovation ne sont pas traités par la réglementation, comme le recours aux jetons non fongibles, ou NFT (non-fungible tokens).

Sur la communication et la promotion des crypto-actifs, des travaux sont en cours : il y a la proposition de loi visant à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l'influence sur internet, mais aussi nos travaux avec l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui doivent déboucher sur de meilleures pratiques. La question de l'impact environnemental suscite également de nombreuses questions. Enfin, sur la fiscalité, de nombreuses clarifications demeurent nécessaires.

J'en viens au positionnement de la France du point de vue de sa réglementation et de la maturité de son écosystème. Cette industrie est principalement composée de nouveaux entrants, mais notre marché est dynamique et développé, et notre réglementation inspire d'autres pays, en Union européenne ou aux États-Unis. Nous plaidons pour notre part en faveur d'une réglementation harmonisée à l'échelle internationale, car cette technologie est transfrontalière. Il faut que les bonnes pratiques et les standards que nous promouvons à l'échelon européen soient étendus pour protéger l'épargnant.

L'Union européenne s'est également saisie du sujet de la réglementation des marchés de crypto-actifs. Il convient de souligner le rôle moteur de la France, qui a voulu étendre ses règles à l'ensemble de l'espace européen. Parmi les textes aboutis, notons le règlement MiCa, qui s'inspire de l'agrément français et qui va entrer en vigueur ce semestre pour une application à compter de 2024. C'est une bonne nouvelle pour nos entreprises, car cela va harmoniser les conditions de concurrence en Union européenne, mais il ne faut pas oublier que nous avons également besoin d'une supervision efficace et opérationnelle. Le règlement européen sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la blockchain entre en vigueur ce mois-ci.

Notons aussi les travaux sur la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, pour répondre aux reproches adressés aux crypto-actifs dans ce domaine Nous avons oeuvré pour que la réglementation soit adaptée à ces acteurs et à ce marché.

Pour ce qui concerne l'avenir, nous attendons de nombreux textes et les acteurs doivent s'y préparer. La France est motrice pour la définition de certaines règles. Des réflexions de plus long terme doivent être menées sur les innovations les plus récentes, avec des enjeux tels que l'environnement, la fiscalité, etc. L'industrie doit être impliquée dans la définition de la réglementation pour que celle-ci soit efficace.

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