Je partage beaucoup des propos de la présidente de l'AMF. J'axerai mon propos sur la maîtrise des risques et le contrôle.
Nous ne parlons pas de cryptomonnaies, mais de crypto-actifs. La France a fait le choix précoce d'encadrer le marché des crypto-actifs, en partenariat avec l'industrie, parce que tout le monde y avait un intérêt. La loi Pacte a confié un rôle de supervision à l'ACPR, notamment pour les PSAN.
L'encadrement des risques est revenu sur le devant de la scène en raison de faillites récentes d'un certain nombre d'intermédiaires. Pour que ces actifs se développent durablement, il faut une réglementation adaptée. Les usagers sont nombreux en France : un ménage sur dix et 8 % des Français. Les études menées par la Banque centrale européenne (BCE) montrent que les populations intéressées par ces actifs forment une courbe en U : ce sont soit les moins fortunés, soit les plus fortunés. À l'instar de notre rôle en matière de protection des déposants dans le cadre de la supervision bancaire, nous sommes bien entendu sensibles au risque qu'encourent les déposants et les investisseurs dans le domaine des cryptoactifs.
Nous intervenons dans deux domaines.
Le premier est la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), notamment pour les services de conversion de crypto-actifs en monnaie fiat, c'est-à-dire en devises comme l'euro ou le dollar Nous intervenons également pour compléter l'analyse que fait l'AMF de la qualité des dirigeants et des actionnaires principaux. La lutte contre le blanchiment et le gel des avoirs procèdent d'abord d'un examen sur pièces à partir de la documentation fournie par les PSAN sur la gouvernance du risque, des profils de clients et des schémas possibles de blanchiment, au moyen d'outils transactionnels, c'est-à-dire qui observent les transactions pour détecter ces éléments. Si nous nous concentrons sur la lutte contre le blanchiment, c'est parce que nous avons considéré en France, tout comme le Groupe d'action financière (GAFI), que l'espace de transaction offert par les plateformes sur les cryptoactifs était une source de risque très importante en termes de blanchiment. Cela ne veut pas dire que toutes les opérations effectuées sur ces plateformes ont cette vocation, mais que ces plateformes sont susceptibles d'être utilisées à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme.
Les crypto-actifs sont utilisés sur le dark web et sur le deep web ; ils servent souvent de support de règlement dans le cadre de demandes de rançon par des rançongiciels. La blockchain permet des transferts de fonds très rapides et laissant beaucoup moins de traces qu'un système bancaire traditionnel. Enfin, les crypto-actifs eux-mêmes ne sont pas à l'abri d'actes de malveillance ou de vols.
Second type d'intervention : le contrôle sur place. Sur les trois que nous avons menés en 2022, deux ont conduit à une radiation des PSAN : Bykep et Emmanuel Management. Nous avons publié nos priorités d'action pour 2023, parmi lesquelles figure le contrôle des PSAN ; la bonne foi se présume, mais la confiance n'exclut pas le contrôle...
Comme le GAFI et le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Colb), nous avons identifié cette activité sur cryptoactifs comme une source potentielle de risque de financement du terrorisme et de blanchiment, avec de plus des plateformes susceptibles d'être la cible de cyberattaques.
Nous participons à la mise en oeuvre de MiCa, car nous avons un intérêt à la bonne régulation du marché. Nous le faisons avec l'Adan, chacun dans son rôle. Nous sommes ravis de l'équilibre auquel le Parlement est arrivé sur le renforcement de l'enregistrement. L'ACPR était plutôt en faveur d'un passage à l'agrément, qui aurait permis d'avoir un dispositif plus large et complet de protection des acteurs, mais un enregistrement renforcé, notamment pour la cybersécurité, permet de faire un pas important dans la protection des déposants et des investisseurs. Ce pas n'empêchera pas ce qui a été un facteur permissif pour FTX, celui d'utiliser les actifs de ses déposants pour ses propres opérations, qui est l'un des éléments à l'origine de sa faillite.