Monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaiterais vous interroger sur la question des laissez-passer consulaires. Le sujet de l'immigration ne concerne pas seulement la France, mais la France et les pays d'origine. À cet égard, le Sénat avait regardé avec une certaine satisfaction notre pays mener une politique de réduction du nombre de visas accordés aux pays peu coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Cette politique de réduction a été abandonnée. Cependant, lors de nos visites dans les préfectures, nous n'avons pas constaté de grande amélioration en matière d'obtention de laissez-passer consulaires, ou peut-être très à la marge dans le cas de l'Algérie.
J'aimerais savoir si nous vous rendrions service en proposant un amendement qui conduirait le Parlement à donner une orientation en matière de nombre de visas et de titres de séjour qui pourraient être délivrés chaque année dans notre pays.
Monsieur le ministre Dussopt, on ne peut pas échapper à l'article 3 et nous avons un peu de mal à comprendre votre objectif. Si vous voulez régulariser la situation de gens qui travaillent depuis longtemps dans notre pays et sont en situation d'illégalité ou de clandestinité, on peut comprendre votre souhait de voir la société française regarder les réalités en face et de régulariser. Cependant, si tel est le cas, quel est l'intérêt des mesures successives que vous proposez pour sanctionner les employeurs ? En effet, si un employeur régularise ses salariés, on lui garantit un contrôle, il écopera probablement d'une sanction pénale et d'une amende, et on lui épargnera éventuellement la fermeture administrative. Il y a contradiction. S'il doit y avoir régularisation, il faut l'assumer et prévoir une amnistie pour l'employeur. En l'état actuel du texte, il y aura sans doute peu de demandes d'application de cet article 3.
En revanche, si je ne suis pas convaincu par la nécessité de la régularisation et si je pense que vous faites courir un risque à notre pays en créant un appel d'air, il faut limiter le nombre annuel. Les demandes ne seront pas nombreuses et il ne sera pas difficile de fixer un objectif. Par ailleurs, il y n'aurait pas de problème d'inconstitutionnalité car nous sommes dans le champ de l'immigration professionnelle. Que pensez-vous de cette hypothèse traitant le problème par le nombre ?
Il serait également possible de réduire le délai. En effet, l'article 3 présente une curiosité puisque les dispositions sont applicables jusqu'au 31 décembre 2026. Si j'étais passeur, je pourrais faire un calcul simple : le texte permettant de demander la régularisation après trois ans passés sur le territoire, en me dépêchant de faire venir mes « clients » de tel ou tel pays d'ici le 31 décembre 2023, ils seraient dans les temps pour demander leur régularisation. Comment éviter ce risque d'« appel d'air » ?
Enfin, certains craignent plutôt un effet de « trappe à bas salaires » - ce qui est mon cas. À cet égard, deux éléments nous mettent vraiment mal à l'aise dans l'article 3. En premier lieu, vous demandez à traiter la question économique des métiers en tension par la disposition régalienne que constitue ce texte en matière d'immigration. Il manque l'articulation de la négociation collective. Si nous souhaitons que nos concitoyens se dirigent vers des emplois qu'ils n'ont pas envie d'occuper aujourd'hui et qu'il y ait moins d'étrangers pour exercer ces métiers, il faudra résoudre des problèmes de formation et de rémunération. Je serais plus à l'aise si l'article 3 mentionnait le lien avec la négociation collective et la responsabilité conjointe des employeurs, des salariés et de la société.
En second lieu, pour ceux qui craignent cette trappe à bas salaires, l'article 3 est d'autant plus étrange que vous créez un titre de séjour métiers en tension qui sera opposable. Si une personne se trouve en situation d'irrégularité et estime pouvoir bénéficier des dispositions de cet article, elle pourra donc saisir le juge administratif pour sa demande de régularisation. Nous allons ainsi faire du juge administratif - alors que c'est le préfet avec la circulaire « Valls » - le juge de cette régulation économique, alors qu'il n'est pas vraiment outillé pour cela.
En résumé, que l'on soit favorable à la régularisation, que l'on craigne « l'appel d'air » ou la « trappe à bas salaire », l'article 3 ne donne pas satisfaction. Cette disposition me paraît donc perfectible. Quelles sont vos propositions pour tenir compte de ces différents points de vue ?