Un dernier mot sur les plateformes, les auto-entrepreneurs et les entreprises individuelles. Il y a là une faille dans notre droit. Il n'est pas acceptable que des personnes en situation irrégulière puissent créer une entreprise individuelle ou se constituer en autoentrepreneurs. Ces personnes peuvent facilement arguer devant le juge, pour contester une OQTF, que l'État ne pouvait pas ignorer leur situation irrégulière puisqu'il perçoit des cotisations sociales ou des impôts sur le revenu avec le prélèvement à la source. Il convient donc de tarir ce flux de personnes en situation irrégulière, mais qui exercent une activité économique régulière.
Beaucoup de ces autoentrepreneurs sont des travailleurs des plateformes. Lorsque la plateforme découvre qu'une personne est en situation irrégulière, elle doit procéder à une déconnexion. Mais souvent les personnes exercent sur les plateformes par le biais d'alias. Nous avons signé des chartes sociales avec les plateformes pour que la déconnexion fasse l'objet d'un préavis et d'un accompagnement. Il n'en demeure pas moins que ces personnes sont en situation irrégulière et que leur situation doit être examinée à cette aune. Nous ne pouvons plus laisser perdurer la possibilité pour des personnes qui n'ont pas de raison d'être sur le territoire de créer des entreprises.
Sur le fondement de la circulaire « Valls », 7 000 admissions exceptionnelles au séjour en raison d'une activité économique sont prononcées chaque année, dans des situations qui peuvent recouper en partie celles visées par article 3 ; mais dans 22 000 ou 23 000 cas, il s'agit d'admissions exceptionnelles au séjour pour des motifs familiaux. Les deux dispositifs ne sont donc pas antagonistes. La moitié des 7 000 régularisations en raison d'une activité économique concernent l'Île-de-France. Il nous semble préférable que les régularisations des travailleurs en situation irrégulière ayant une activité régulière sur le territoire dépendent de critères fixés par le législateur plutôt que d'une appréciation discrétionnaire des préfectures.
On peut considérer en effet que beaucoup de métiers sont en tension. Beaucoup de fédérations s'inquiètent d'ailleurs de savoir si leur filière figurera dans la liste. Mais ce n'est pas le Gouvernement qui décidera si tel ou tel métier est en tension. Nous nous appuierons sur les statistiques et la définition d'un niveau de tension. Cette liste des métiers en tension existe, elle a été créée par la loi voilà plusieurs années, elle est publiée régulièrement et nous allons lancer le processus d'actualisation, en nous appuyant sur les comités régionaux pour l'emploi et la formation professionnelle (Crefop) et sur l'appareil statistique du ministère. On tient compte à la fois des difficultés de recrutement et de la présence, parfois très forte, d'étrangers non communautaires sans lesquels la filière serait incapable de fonctionner. J'ai évoqué les demandes des fédérations professionnelles. Les trois principaux syndicats - la CFDT, la CGT, et Force Ouvrière - souhaitent que les étrangers qui travaillent bénéficient d'une régularisation de plein droit. Ce n'est pas la voie que nous avons retenue, car nous préférons fixer des critères, mais nous avons une volonté partagée de faciliter les parcours de régularisation.
Peut-on dire que les métiers seraient moins en tension si les salaires augmentaient ? Je note que la filière de l'hôtellerie et de la restauration demeure l'une des plus en tension, en dépit d'une revalorisation des salaires minimaux conventionnels de 16 % grâce à la négociation entre les partenaires sociaux. Doit-on craindre que ces régularisations n'entraînent la constitution d'une trappe à bas salaire ? Il me semble que c'est justement l'inverse : c'est le fait d'être en situation irrégulière qui rend les personnes vulnérables face aux employeurs. Je pourrais vous citer des cas de salariés en situation irrégulière, employés à temps partiel, mais qui travaillent beaucoup plus dans les faits et sont contraints d'accepter cette situation. En renforçant la sécurité juridique des salariés, et des employeurs, qui sont souvent de bonne foi, on garantit l'application des niveaux de rémunération conventionnels et du salaire minimum.