Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 24 juin 2009 à 14h30
Évaluation du crédit impôt recherche — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les chercheurs le savent, l’exigence d’évaluation est au cœur de toute démarche scientifique. Elle est aussi la raison d’être de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont je salue le premier vice-président, M. le professeur Jean-Claude Etienne. Pour le législateur, elle est la condition indispensable d’une bonne allocation des ressources publiques. Évaluer et piloter les dispositifs tels que le crédit d’impôt recherche : cette nécessité est au cœur de la révolution budgétaire introduite par la LOLF en 2001 ; c’est l’une des conditions du passage d’une logique de moyens à une logique de performance.

L’évaluation d’un crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises est évidemment moins facile à mener que l’évaluation d’une politique qui mobilise des acteurs publics. Nous pouvons le constater, le financement de la recherche scientifique à l’université et dans les organismes fait l’objet d’une évaluation bien plus régulière que celle qui est prévue pour un dispositif comme le crédit d’impôt recherche. Cette seconde évaluation est pourtant tout aussi essentielle que la première.

Parce qu’elle est jalonnée d’aménagements plus ou moins importants, l’histoire du crédit d’impôt recherche, depuis sa création en 1983, illustre l’importance de ce travail d’évaluation.

Souvenons-nous que, à son origine, ce dispositif était uniquement fondé sur l’augmentation des dépenses de recherche supportées par les entreprises. Après avoir évalué son efficacité, le législateur a considérablement amélioré son effet de levier en 2004, par l’introduction d’une part en volume égale à 5 % des dépenses de recherche. Cet aménagement améliorant effectivement le dispositif, la part en volume a été portée à 10 % en 2006.

À l’époque, la Cour des comptes avait déjà indiqué que la forte augmentation du coût budgétaire qui résultait de la création d’une part en volume devait conduire à développer davantage les moyens d’évaluation des effets réels de cette dépense fiscale. Dans son rapport annuel de février 2007, elle avait critiqué le crédit d’impôt recherche, déplorant notamment la complexité du dispositif et son manque de lisibilité.

En réponse à ces observations, le législateur a profondément réformé le dispositif dans la loi de finances pour 2008. Ainsi, depuis le 1er janvier 2008, le crédit d’impôt recherche a été considérablement simplifié et augmenté. Cela a été dit, la suppression de la part en accroissement et le déplafonnement du crédit d’impôt ont permis une montée en charge très importante du dispositif.

Aujourd’hui, le crédit d’impôt recherche offre donc une incitation simple et massive, qui permet un remboursement rapide des dépenses de recherche, notamment dans le cadre du plan de relance.

De surcroît, lorsque l’entreprise s’adresse à un laboratoire universitaire pour sa recherche, elle voit doubler son incitation fiscale.

Depuis sa refonte, cette incitation est véritablement devenue l’un des piliers de la politique française en faveur de l’innovation.

L’enjeu est important : en incitant et en aidant les entreprises à innover, le crédit d’impôt recherche constitue l’un des instruments qui doit permettre de combler une lacune dont souffre l’économie française, à savoir le manque de PME capables d’exporter et de se positionner sur les marchés émergents. Nous savons que la question primordiale n’est pas, en France, le nombre de PME, mais bien leur capacité à innover, à grandir et à se développer. Trop rares sont celles qui atteignent aujourd’hui le seuil critique qui permet d’exporter, contrairement aux PME allemandes.

Aider également les grandes entreprises, y compris les multinationales, ne fait pas obstacle à cet objectif : en incitant les grandes entreprises à faire appel aux PME, on contribue aussi à la croissance de ces dernières. On sait qu’il ne peut y avoir d’innovation sans marché. En ce sens, il est indispensable que les grandes entreprises deviennent des clients réguliers des PME et qu’elles les initient à cette culture de la recherche-développement.

À cet égard, l’effet du crédit d’impôt recherche doit être évalué : il faut mesurer, non seulement sa capacité à rapprocher le monde de la recherche et celui des entreprises, mais aussi son aptitude à aider les PME, comme les grandes entreprises, à développer des produits innovants. Cela est cohérent avec l’esprit des pôles de compétitivité, mais il convient d’aller encore plus loin, en facilitant l’entrée des jeunes docteurs dans l’entreprise.

Très logiquement, avec sa montée en puissance, le coût budgétaire du crédit d’impôt recherche a considérablement augmenté, la loi de finances pour 2009 prévoyant une forte augmentation de cette dépense fiscale. La créance du crédit d’impôt recherche est ainsi passée de 1, 6 milliard d’euros en 2006 à 3, 5 milliards d’euros en 2008, et devrait s’élever à environ 4 milliards d’euros en 2009.

Il appartient évidemment au Gouvernement de veiller à l’efficacité des politiques qu’il a la responsabilité de mettre en œuvre. C’est ce qu’il a fait en septembre 2008, en remettant un rapport au Parlement sur le crédit d’impôt recherche, en application de l’article 34 de la loi de programme pour la recherche.

Mais l’évaluation des politiques publiques et le contrôle de l’action du Gouvernement constituent également des missions de toute première importance du Parlement. La révision constitutionnelle de juillet 2008 a donné une valeur constitutionnelle à cette responsabilité du législateur. Avant cela, dès 2001, la loi organique relative aux lois de finances renforçait ce rôle du Parlement. La LOLF prévoit en effet à son article 57 que les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.

À ce titre, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget de la recherche, je conduis, depuis quelques semaines, un rapport d’évaluation et de contrôle, qui porte, précisément, sur le crédit d’impôt recherche. L’objet de cette mission est de mesurer son utilisation, son effet de levier et sa capacité à rapprocher l’entreprise du monde de la recherche, en dressant une véritable typologie des entreprises bénéficiaires, de la PME à la multinationale implantée sur notre territoire.

En allant sur le terrain, à la rencontre des acteurs publics et privés, des entrepreneurs et des chercheurs, cette mission rendra compte de l’incitation à l’innovation du crédit d’impôt recherche sur les PME et les entreprises de taille intermédiaire, ainsi que de son effet sur l’attractivité du territoire auprès des grandes entreprises, notamment multinationales.

Ce rapport d’évaluation budgétaire fera l’objet d’une première communication dès septembre 2009. Afin de pouvoir mesurer efficacement l’ensemble des effets de la réforme du crédit d’impôt recherche de 2008 sur une période significative, l’évaluation se poursuivra jusqu’à fin 2009 et aboutira à un rapport qui sera remis à la commission des finances au début de l’année 2010.

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