Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette question de notre collègue Ivan Renar me semble la bienvenue.
On ne saurait parler du crédit d’impôt recherche sans le replacer dans son contexte. Lors de sa création, en 1983, je me souviens d’avoir discuté avec Hubert Curien de ce dispositif qui devait donner un élan considérable à nos entreprises, même si sa version définitive n’était pas aussi audacieuse que sa première mouture. À l’instar du Président de la République, il faut bien reconnaître qu’en France la valorisation des transferts de technologie de la recherche vers les entreprises n’a donné que des résultats médiocres. Il est donc salutaire pour le développement de nos entreprises que vous puissiez, madame la ministre, donner une nouvelle dimension à ce dispositif.
Dans son intervention du 22 janvier dernier, à l’occasion du lancement de la réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d’innovation, le Président de la République rappelait que nous avions, faute d’avoir suffisamment agi dans ce domaine, privé le monde entrepreneurial, et singulièrement le tissu des PME-PMI, de centaines de milliers d’emplois.
En France, les PME-PMI représentent 63 % de l’emploi salarié et non salarié, contre 87 % en Allemagne, soit une différence de 24 %. Au jeu des sept erreurs, quand on compare nos deux pays, on s’aperçoit notamment qu’il existe une grande différence en matière de défiscalisation des investissements réalisés dans la recherche. Il n’est donc pas étonnant que vous ayez, madame la ministre, engagé une action pour rattraper notre retard en la matière et, ainsi, placer nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, en meilleure situation dans le jeu concurrentiel. La solution s’imposait d’elle-même, même s’il faudra, bien évidemment, dans un second temps, s’attacher à en apprécier les résultats.
Les PME-PMI françaises, souvent plus petites que leurs voisines d’outre-Rhin, développent plus rarement une stratégie d’investissement dans la recherche et l’innovation. Notre collègue Christian Gaudin vient de le rappeler, lui qui mène une action très poussée au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et qui, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, a entrepris un audit de ce crédit d’impôt recherche.
D’une manière générale, la part du secteur privé dans le financement de la recherche est aujourd’hui beaucoup plus faible chez nous qu’en Grande Bretagne, en Allemagne ou aux Pays-Bas, pour ne citer que ces pays. L’action que vous menez, madame la ministre, devrait donner, dans les mois et les années qui viennent, un nouveau souffle à la recherche privée en France, ainsi qu’une nouvelle dimension culturelle dans les entreprises.
Bon nombre de petites entreprises, accaparées par la gestion quotidienne, ne peuvent donner à la recherche et à l’innovation la place qui devrait leur revenir, et qui permettrait d’assurer un meilleur développement de l’outil entrepreneurial.
Naturellement, les accompagnements matériels et financiers ne sont pas suffisants. Mais c’est le carburant qui permet de faire avancer la voiture, c’est l’occasion – et non pas l’aubaine – qui incite les responsables de nos entreprises, y compris des plus petites d’entre elles, à accentuer leur développement. Il s’agit d’encourager l’ambition de production innovante chez toute entreprise qui souhaite être performante dans un jeu concurrentiel souvent très serré.
C’est dire tout l’intérêt de la question posée par notre collègue Ivan Renar. Ce dernier, certainement bien informé – à moins qu’il n’ait été l’heureux lecteur d’une boule de cristal ! –, avait sans doute deviné votre maintien au Gouvernement lorsqu’il avait, voilà deux semaines, lors d’une réunion de la commission des affaires culturelles, salué votre pugnacité à remodeler les paysages universitaires et de la recherche de notre pays…
Le crédit d’impôt recherche fait partie intégrante de ce remodelage. Il n’est pas une coquetterie de défiscalisation venant se greffer sur la restructuration du monde de l’enseignement supérieur, de son corollaire, la recherche, et de son prolongement, le développement de l’innovation, lequel permet de renouveler la production économique.
Comme Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a tenu à le souligner, ce dispositif s’adresse aussi bien aux grandes entreprises qu’aux PME. Je comprends que certains puissent s’inquiéter : ce dispositif doit bénéficier autant aux « petits » qu’aux « gros ». Il ne faut pas se contenter « d’arroser le mouillé » ! Mais, en souhaitant que ce dispositif soit « singulièrement » dirigé vers les PME et les PMI, le Président de la République a, me semble-t-il, tracé une feuille de route claire.
Surtout, le crédit d’impôt recherche n’est pas une fin en soi ; c’est d’abord l’expression, au niveau de chaque cellule de production, de l’idée qu’il convient d’aider la recherche pour que l’on puisse innover plus facilement et vendre mieux ce que l’on produit.
Les grandes entreprises savent le faire, en finançant des travaux de recherches bien ciblés et en passant des partenariats avec des structures de recherche plus souvent publiques que privées. Pour une PME, en revanche, c’est beaucoup plus compliqué ! Ce dispositif peut les accompagner dans cette démarche.
Je garde en mémoire comment, avec votre collègue Luc Chatel, nous avons été, au niveau local, des acteurs décisifs d’un tel accompagnement. Dans le Nogentais, on fabriquait des bistouris, des ciseaux et des couteaux de très bonne qualité… Le problème, c’est qu’ils ne se vendaient plus, parce qu’on utilisait dans nos salles d’opération des bistouris fabriqués au Japon ou en Chine, qui coûtaient moins cher. Nous avons décidé d’aider ces petites entreprises qui périclitaient, à condition qu’elles acceptent de changer leur thématique de production. Le jour où nous avons proposé à leurs dirigeants de fabriquer des prothèses totales de hanches ou de genoux, nous avons tout d’abord pu mesurer leur déconvenue. Ils se demandaient de quoi nous nous mêlions… Mais, aujourd’hui, depuis qu’il a été couplé avec un centre d’innovation spécialisé dans les traitements de surface, ce bassin industriel renaît de ses cendres.
Bien sûr, au début, les responsables d’entreprise ont été réticents, mais, dès lors qu’on les a informés qu’ils allaient pouvoir percevoir des aides et bénéficier d’une assistance, ils ont prêté l’oreille. Grâce à cela, les Japonais, et même quelques Chinois, sans doute les plus aisés, portent des prothèses de hanche ou de genou qui sont fabriquées à Nogent, en Haute-Marne !
Cet exemple démontre bien qu’il est fondamental de ne pas négliger cette approche. Le crédit d’impôt recherche a cette vertu première d’accompagner les entreprises dans leur développement. Comme l’a fort opportunément remarqué notre collègue Ivan Renar, non seulement les PME-PMI ne doivent pas être oubliées, mais encore elles méritent sans doute d’en bénéficier prioritairement.
En Allemagne, dont le réseau des PME-PMI est bien plus développé qu’il ne l’est chez nous, le crédit d’impôt recherche est moins avantageux. Néanmoins, il s’accompagne d’un mécanisme d’assistance matérielle des centres de recherche, qui aident les PME-PMI, lesquelles ne sont pas plus malignes que les nôtres, en leur permettant d’accéder à différentes technologies.
S’agissant de notre enseignement supérieur, il serait sans doute possible de tirer profit de l’autonomie des universités pour prendre en compte de façon plus singulière les centres de recherche qui élaborent notamment avec les PME-PMI des contrats de recherche appliquée, dont la finalité est d’aider ces dernières à innover dans leur production.
Enfin, en matière d’emploi, l’acte de recrutement est toujours un pari : plus l’entreprise est petite, plus le pari est risqué. Grâce au mécanisme du crédit d’impôt, une entreprise embauchant pour la première fois un jeune docteur pourra inclure deux fois le salaire de celui-ci, pendant deux ans, dans le calcul de ses dépenses de recherche.
On connaît l’inhibition des petites entreprises face à l’embauche d’un docteur. Elles n’y sont pas habituées. C’est pourquoi il me paraît très important, sur un plan tant psychologique que culturel, de les accompagner dans cette démarche.
Le crédit d’impôt recherche répond à plusieurs objectifs.