Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réalisation des objectifs européens en matière de recherche nous impose, au-delà de la recherche publique, d’intensifier les efforts de recherche et développement des entreprises.
Le Président de la République prétend placer la recherche et l’enseignement supérieur au premier rang de ses priorités. Je m’en réjouis sincèrement, mais nous avons besoin de preuves concrètes.
Parmi les mesures fiscales destinées à inciter toutes les entreprises à augmenter leurs dépenses en recherche et développement, le crédit d’impôt recherche occupe une place prépondérante et croissante. Il serait l’instrument fondamental permettant, à terme, un renouveau de la politique industrielle et d’innovation de la France.
Si, depuis sa création en 1990, pour les PME innovantes, ce crédit d’impôt est toujours destiné à inciter les entreprises à développer leurs activités de recherche, il a connu depuis lors d’importantes évolutions.
La dernière réforme en date remonte à l’année dernière. L’objectif alors affiché était que le crédit d’impôt recherche atteigne, à partir de 2009, un coût évalué entre 2, 7 milliards et 3, 1 milliards d’euros, et jusqu’à 4 milliards en 2012.
Jusque-là, le crédit d’impôt était attribué en fonction de l’accroissement des dépenses de recherche et développement des entreprises. Cela devait officiellement les inciter à faire plus de recherche.
Désormais, il est fait non plus référence à l’accroissement des dépenses de recherche et développement, mais seulement à l’ensemble des dépenses, qu’elles soient nouvelles ou non, en augmentation ou en diminution, pour une défiscalisation de 30 %.
Je m’interroge, dès lors, sur l’augmentation avérée de l’activité de recherche et développement que vient désormais récompenser ce crédit d’impôt…
De plus, le plafond de cette défiscalisation a été considérablement augmenté : elle peut désormais s’appliquer jusqu’à une dépense de 100 millions d’euros par entreprise ; au delà, une déduction forfaitaire s’applique. Cela a eu pour effet de tripler le crédit d’impôt recherche, mais plutôt au bénéfice des grandes entreprises, qui ont profité de l’aubaine, et non au bénéfice des PME les plus jeunes, les plus innovantes, en somme celles qui auraient le plus mérité de bénéficier de ce dispositif incitatif.
Madame la ministre, le Gouvernement se vante régulièrement de la réussite de ce nouveau dispositif en termes de capacité d’innovation nationale, de renforcement de la compétitivité des entreprises et même de l’impact formidable qu’il aurait eu sur l’attractivité du territoire français pour les activités de recherche et développement.
Mais, jusqu’à ce jour, ces congratulations ne sont basées sur aucune étude réellement sérieuse. Malgré l’existence d’un consensus sur l’efficacité d’un crédit d’impôt recherche comme moyen d’intervention publique pour inciter les entreprises à accroître leurs dépenses dans ce domaine, le réel impact du dispositif existant, qui a pour conséquence une diminution non négligeable des recettes fiscales de l’impôt sur les sociétés, doit être précisé.
Vous nous avez promis, lors des discussions budgétaires de cet automne, un rapport d’évaluation sur le sujet avant la fin de l’année 2009. Mais le débat que nous avons aujourd’hui dans le cadre du pouvoir de contrôle du Parlement, sur l’initiative de notre collègue Ivan Renar, nous permet de dresser un bilan de la situation dès aujourd’hui, après plus d’un an d’application du nouveau dispositif.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a réalisé, en 2008, une étude auprès de 8 000 entreprises, par le biais des directeurs généraux, des directions opérationnelles et des responsables de la recherche et développement. Ils ont répondu par questionnaire auto-administré envoyé par courriel…
Les résultats de ce « sondage géant » tendraient à prouver que la réforme de 2008 va inciter 83 % des entreprises qui n’utilisaient pas le dispositif à y recourir. Par conséquent, 66 % des entreprises auraient renforcé leurs dépenses de recherche et développement grâce au crédit d’impôt recherche.
Nous en serions plus que ravis, mais je m’interroge franchement sur le sérieux, la fiabilité et l’utilité scientifique de ces résultats. Comment peut-on se fier au résultat d’un tel sondage pour évaluer les réelles conséquences de la réforme d’une mesure fiscale aussi primordiale pour l’avenir de notre politique en matière de recherche ?
De telles évaluations, comme toutes celles qui concernent des dépenses fiscales, sont très difficiles à mener puis à analyser ; c’est indéniable.
Ainsi, l’évaluation de l’augmentation de l’attractivité de notre territoire due à cette incitation fiscale n’est pas chose aisée. La Cour des comptes l’a elle-même souligné.
Quand et comment le Gouvernement envisage-t-il de nous présenter une réelle évaluation de l’impact de cette mesure fiscale dans sa version issue de la réforme de 2008 ? Celle-ci est de plus en plus coûteuse pour l’État et ne semble profiter, à première vue, qu’aux plus grandes entreprises, et ce au détriment des PME en phase de démarrage ou de celles dont les dépenses de recherche augmentent fortement.