Il ne s'agit pas de renoncer aux interdépendances et aux échanges mais il faut redéfinir la manière dont on fait fonctionner les échanges. Aujourd'hui, les imbrications sont pensées uniquement sur le plan économique. Or, la recherche du prix le plus bas ne doit plus être le critère unique de nos choix. Il convient de remettre du politique dans l'économique, en définissant quelques priorités à l'échelle de la France et de l'Europe. Il faut ainsi définir quels sont les partenaires stratégiques que l'on souhaite avoir. Le débat sur la manière dont l'Europe va se définir dans la prochaine décennie entre les États-Unis et la Chine est à cet égard très important. Il s'agit aussi pour nous de savoir si l'on souhaite dépendre d'infrastructures américaines ou chinoises ou si l'on veut des infrastructures européennes. Bref, il convient de dire quelles dépendances nous acceptons.
Concernant l'agriculture, la France avait une balance excédentaire qui devient désormais déficitaire. On a renoncé à voir l'agriculture comme profondément stratégique, sans que cela ait été débattu. Or, il convient de discuter collectivement de la ligne de partage entre les secteurs qui peuvent être laissés à une concurrence internationale peu régulée et les secteurs stratégiques où nous devons développer des politiques de long terme. Les outils à notre disposition sont très nombreux. Par exemple, les labels comme les appellations d'origine protégée (AOP) fonctionnent bien et sont assez efficaces pour protéger un territoire, mais ils sont attaqués à chaque traité de libre-échange. Pendant longtemps, on avait une vision du monde dans laquelle la situation par défaut devait être le libre-échange sans limite, et les labels devaient être l'exception, toujours un peu suspecte. Il convient de changer de perspective et de commencer à réfléchir sur le libre-échange en se demandant ce qui est stratégique pour un territoire et doit être protégé.