Je suis plus pessimiste que vous. Le libre-échange s'est développé au 19e siècle, à un moment où les pays européens étaient en guerre constante les uns contre les autres et où les transports se développaient grâce aux machines à vapeur. S'est alors déployée une pensée politique et économique qui considérait le commerce comme une garantie pour la paix grâce aux échanges et à l'interdépendance économique. Cela a été un rêve pendant un siècle. Mais on n'a pas réussi à trouver un régulateur, même si on a mis en place des instances : la SDN puis l'ONU, l'OMC, l'OCDE. Lorsqu'on négocie des accords commerciaux, on vient avec sa liste de courses nationale, pas avec l'idée de défendre un intérêt collectif. On a tous cru que le monde pouvait être uni grâce aux échanges et grâce à une plus grande satisfaction des consommateurs.
Mais depuis quelques décennies, la souveraineté ou encore l'indépendance constituent des aspirations, notamment en France. Mais la France est trop faible pour être seule et doit s'en remettre à l'Europe, alors que la Chine ou les États-Unis se suffisent à eux-mêmes. On est ainsi passé de la mondialisation à l'affirmation nationale puis à l'affirmation de bloc avec probablement une mondialisation de blocs. En tout état de cause, quel que soit le système (mondialisation, affirmation nationale ou affirmation de bloc), notre souci est l'incapacité à avoir un régulateur : l'OMC est trop faible et l'ONU également.
On parlait il y a 20 ou 30 ans d'indépendance. Désormais on parle de souveraineté, ce qui constitue une évolution inquiétante du vocabulaire. La remise en cause de la mondialisation est normale dans le contexte actuel, mais on ne peut pas tout produire tout seul, ou alors à des coûts tels que cela sera inacceptable. Donc il faut trouver des moyens de retrouver une indépendance dans des domaines stratégiques, tout en évitant de recréer des affrontements. A-t-on la capacité de mettre en place un régulateur ?