Je partage l'avis qui a été exprimé à l'instant sur le nucléaire. Je pense en effet que l'acte délégué sur la taxonomie est un compromis politique qui n'est absolument pas favorable à la France. Pour y inclure le nucléaire, il a fallu faire des concessions aux Allemands, et les dates limites de 2040-2045 sont préjudiciables à la relance du nucléaire en Europe.
Quant au financement, je pense qu'il faut aujourd'hui s'orienter vers les trois solutions qui, à l'échelle mondiale, semblent retenir l'attention : le système Hinkley Point du contrat pour différence, qui a beaucoup de vertus, le système de la base d'actifs régulés de Sizewell, qui permet notamment une rémunération de l'opérateur au fil de la construction, et le système des PPA. Les Japonais semblent intéressés par un projet de centrale nucléaire qui serait financé par ce biais, avec des appels au financement, les financeurs profitant de droits de tirage sur la production nucléaire. Je rappelle que c'est le système qui a été mis en place à Fessenheim, où une compagnie allemande et une compagnie suisse détenaient des droits de tirage et ont participé au financement.
Tout cela est un problème de partage du risque. Le partage des risques n'est pas le même entre l'opérateur, l'État, donc le contribuable, et le consommateur. Chaque système a ses vertus et ses inconvénients.
Concernant l'hydraulique, je rappelle qu'au moment de la commission Champsaur, il était prévu de parler non de l'ARENH, mais de l'accès régulé à la base (ARB). Il était envisagé non seulement que le nucléaire de base soit soumis à ce système de rétrocession aux concurrents, mais également l'hydraulique de base. Le Gouvernement a mis à ce moment-là les concessions hydrauliques aux enchères. C'est pourquoi l'ARB est devenu l'ARENH.
Fort heureusement, les concessions n'ont pas été vendues. La Commission européenne a d'ailleurs utilisé ce prétexte pour empêcher un décret d'application de la loi de 2010 concernant la révision périodique prévue. Il ne faut surtout pas mettre ces concessions en vente, car elles constituent un atout important. L'hydraulique est un cas un peu particulier, parce qu'il est multiusage. C'est un atout pour la France. Je rappelle qu'en 1960, la moitié de la production d'électricité française était d'origine hydraulique. Aujourd'hui, elle n'est que de 12 % parce que la consommation a fortement grimpé entre-temps, mais c'est une pépite nationale qu'il faut absolument conserver.
Pour ce qui est du stockage de l'électricité, on veut absolument mettre des couleurs sur l'hydrogène - jaune pour le nucléaire, pour montrer qu'il n'est pas tout à fait vert. Pourquoi pas ? J'observe que les écologistes allemands sont prêts à recourir à de l'hydrogène produit à partir du nucléaire, ce qui est plutôt un bon signal envoyé à la communauté internationale et européenne.
Je pense, en effet, qu'il y a beaucoup à faire du côté de l'hydrogène en matière de stockage. On peut utiliser l'hydrogène comme combustible, par le biais de l'électrolyse de l'eau, et repasser ensuite à la production d'électricité. Il est vrai qu'aujourd'hui, avec les technologies disponibles et les coûts actuels, le rendement global est de l'ordre de 30 %. On fonde des espoirs sur des systèmes beaucoup plus performants pour demain. Il faut étudier ce qui peut être fait.
Concernant la planification et le marché, la question n'est pas tant de savoir si c'est le plan ou l'État ou bien le plan ou le marché. Ce sont les deux, le problème étant la frontière. On peut avoir un service public avec des contraintes de marché. Le rapport de Simon Nora de 1967 estimait qu'il convenait de pratiquer une tarification sur la base de la vérité des prix pour les services publics, en particulier l'électricité, et la généraliser à l'ensemble des services publics. Cela se défend tout à fait. La consommation d'électricité est identifiable. On sait qui consomme. Ce n'est pas comme les biens collectifs purs qui correspondent aux fonctions régaliennes de l'État. Il est tout à fait légitime que le consommateur paye. Certes, il faut aider ceux qui sont en situation de précarité énergétique, mais le marché a un rôle à jouer. Le marché est incitatif. Le rôle du marché est de supprimer les rentes indues et d'inciter à l'innovation. Ce sont ses deux grands mérites. Il faut en profiter.
Un État performant peut, sur le long terme, faire les bons choix. S'il n'est pas performant, il peut aussi faire de mauvais choix. L'avantage du marché, c'est que la sanction tombe à un moment ou un autre. De ce point de vue, c'est une bonne chose.