Intervention de Nelly Olin

Réunion du 7 septembre 2006 à 10h00
Eau et milieux aquatiques — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associe en mon nom et en celui du Gouvernement aux condoléances qui viennent d'être exprimées. Ayant siégé à leurs côtés, j'ai moi aussi pu apprécier les qualités de vos collègues disparus et je tiens à assurer leurs familles de notre soutien et de notre profonde sympathie.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un honneur et une grande satisfaction de vous présenter ce projet de loi, que je sais très attendu et qui a fait l'objet d'une large concertation.

Je veux d'ores et déjà saluer le travail de votre Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale qui ont amélioré, en première lecture, le projet initial du Gouvernement.

Permettez-moi de remercier chaleureusement Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, Pierre Hérisson, vice-président, Bruno Sido, rapporteur de ce projet de loi, pour l'importance du travail qu'ils ont accompli et la concertation qu'ils ont menée en associant à ces travaux le groupe d'étude sur l'eau, sans oublier Fabienne Keller et Pierre Jarlier, rapporteurs pour avis en première lecture.

Notre responsabilité aujourd'hui est de mener à bien ce projet de loi.

Celui-ci s'intègre plus largement dans l'action conduite par le Gouvernement pour relever les grands défis environnementaux du XXIe siècle, tels que les relations santé-environnement ou encore le changement climatique, dont l'impact se fait directement sentir dans le domaine de l'eau.

Les deux dernières canicules, la répétition des périodes de sécheresse ou encore les fortes inondations tant en France qu'à l'étranger montrent combien les modifications du climat ont des conséquences qui touchent directement notre vie quotidienne.

Pourtant ce ne sont que les prémices d'évolutions plus significatives dont les conséquences écologiques, économiques, sociales et sanitaires pourraient être extrêmement graves.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement conduit une action de fond pour prévenir le réchauffement climatique.

Comme vous le savez, la France respecte d'ores et déjà les objectifs fixés par le protocole de Kyoto, mais nous souhaitons aller plus loin en divisant par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.

Les énergies renouvelables se développent à un rythme sans précédent.

Plusieurs mesures fiscales ont été mises en place pour réduire nos émissions de CO2, dans les transports comme dans le logement.

Les mesures destinées à accroître l'isolation et l'utilisation d'énergies renouvelables dans l'habitat rencontrent un très grand succès auprès de nos concitoyens.

Mais l'eau est aussi appelée à contribuer à l'amélioration de nos pratiques de transport. Ainsi, le projet de réalisation du canal Seine-Nord-Europe franchira une nouvelle étape avec le lancement de l'enquête publique à l'automne.

Le « merroutage », complément du ferroutage, avance lui aussi avec la création, par les ministres des transports français et espagnols, le 26 juillet 2006, d'une commission intergouvernementale pour l'ouverture d'une autoroute de la mer entre l'Espagne et le territoire français.

Cependant, les résultats de ces actions sur les plans national et international quels qu'ils soient ne pourront qu'atténuer le réchauffement.

Aussi devons-nous sans attendre nous adapter aux évolutions prévisibles, par exemple en trouvant des solutions pour mieux gérer les sécheresses et les inondations.

Le projet de loi que vous allez examiner y contribue directement, en permettant de donner une assise législative à plusieurs mesures prévues dans le plan de gestion de la rareté de l'eau que j'ai lancé en octobre 2005, ainsi que dans le plan de relance de lutte contre les inondations que j'ai annoncé le 12 juillet dernier.

Ce projet de loi vient également achever un travail très important de réforme de la politique de l'eau accompli par le Gouvernement depuis 2002 et dont les résultats sont concrets.

Je citerai quelques exemples.

La loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages de 2003 nous a permis de mettre en place un dispositif complet de prévision des inondations, de lancer une quarantaine de plans d'actions par bassin versant pour la prévention des inondations et d'accroître l'information des nouveaux acquéreurs et locataires de logements.

La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 a créé les offices de l'eau dans les départements d'outre-mer qui ne bénéficiaient pas jusque-là du dispositif des agences de l'eau.

La loi portant transposition de la directive-cadre sur l'eau de 2003 nous permet aujourd'hui de respecter parfaitement le calendrier de mise en oeuvre de cette directive.

La loi d'orientation relative à la politique de santé publique de 2004 a simplifié les procédures de création de périmètres de captage permettant ainsi de doubler le rythme de leur mise en place.

La loi relative au développement des territoires ruraux de 2005 renforce la protection des zones humides.

Enfin, la réforme de la police de l'eau est achevée avec la mise en place dans les départements d'un service unique de police de l'eau, au lieu de cinq ou six services comme cela était le cas jusqu'à présent.

Au-delà de ces avancées sectorielles, le présent texte a pour objet d'adapter nos outils afin d'atteindre les objectifs fixés collectivement dans le cadre de la politique européenne de l'eau.

Nous avons trop souvent tendance à vivre ces engagements, auxquels les gouvernements successifs ont librement souscrit, comme une contrainte.

Il convient au contraire de les assumer pleinement comme des outils indispensables pour éviter un « dumping » environnemental.

Les questions environnementales doivent être abordées à des échelles appropriées : seule une action internationale nous permet de travailler sur le changement climatique, seule une Europe forte nous permettra de peser sur ces sujets dans le concert des nations.

C'est pourquoi la France, sous l'impulsion du Président de la République, milite aux côtés de l'Union européenne pour la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement.

Nous le savons tous, la France est comptable devant la Commission européenne de la bonne mise en oeuvre des directives européennes, et c'est un objectif prioritaire que le Gouvernement s'est assigné.

À ce propos, la loi relative à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire, promulguée le 27 octobre 2005, a permis de résorber tout le retard de transposition des directives environnementales.

Le nombre de contentieux européens en matière d'eau a été réduit de moitié en un an. Nous pouvons nous féliciter du classement du contentieux relatif à la qualité de l'eau potable distribuée en Bretagne.

Ce travail nous permet de reconquérir une image positive auprès de la Commission européenne en matière d'environnement.

Il doit également nous encourager à faire porter nos efforts sur les affaires en cours, certaines d'entre elles exposant la France à des sanctions financières lourdes et à brève échéance.

C'est le cas par exemple de l'assainissement puisque nous accusons un retard de huit ans dans la mise en oeuvre de la directive relative aux eaux résiduaires urbaines.

C'est aussi un risque très fort en ce qui concerne le respect de la norme de 50 milligrammes de nitrates par litre dans les eaux des rivières destinées à la production d'eau potable.

C'est dans cet esprit que le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques nous permettra de renforcer nos outils pour mieux préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques, de faciliter la tâche des élus notamment ruraux, dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, d'améliorer la gouvernance de la politique de l'eau avec notamment le renforcement du dispositif des agences de l'eau en donnant une assise constitutionnelle aux redevances qu'elles prélèvent.

L'Assemblée nationale a confirmé globalement les orientations du projet du Gouvernement que vous aviez vous-même approuvées et complétées.

Dans le domaine de la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, l'équilibre entre la nécessité de valoriser sur le plan énergétique les ressources hydrauliques au nom de la lutte contre l'effet de serre et de maintenir les continuités écologiques n'a pas été remis en cause, ce dont je me félicite.

L'amélioration de la signalisation des ouvrages hydrauliques à l'attention des engins nautiques non motorisés et la facilitation de l'accès des berges des cours d'eau domaniaux aux marcheurs me paraissent de bonnes choses. Les députés ont d'ailleurs souhaité qu'une plus grande place soit donnée dans le projet de loi aux activités nautiques non motorisées.

La ratification de l'ordonnance de simplification administrative du 18 juillet 2005, qui n'avait pu être opérée lors de la première lecture au Sénat, a été introduite dans le texte.

Celle-ci répond au souci constant des élus et de tous les acteurs de l'eau de simplifier nos procédures pour les rendre plus rapides et plus efficaces.

Je serai amenée à vous proposer un amendement complémentaire pour instaurer la transaction pénale prévue par cette ordonnance, mais sur des bases juridiques insuffisantes.

Des précisions ont été apportées sur la délimitation des eaux libres et des eaux closes, inspirées des conclusions du groupe de travail présidé par Mme Hélène Vestur, conseiller d'État.

J'espère que ces propositions, qui seront précisées par décret afin de garantir un juste équilibre entre les eaux libres et les eaux closes, apaiseront les tensions entre les pêcheurs et les propriétaires d'étangs.

Plusieurs mesures concernent plus spécifiquement le milieu marin et complètent de manière fort opportune le projet de loi dans le domaine de la protection des eaux littorales.

Vous aviez d'ailleurs donné l'exemple en commençant la transposition législative de la directive européenne sur les baignades alors que celle-ci n'était pas encore totalement adoptée.

Ainsi, les sanctions concernant la pollution par les eaux de ballast ont été alourdies et les bateaux de plaisance devront à l'avenir être équipés pour récupérer leurs eaux noires.

La possibilité de confisquer des navires en infraction en matière de pêche a été introduite et les sanctions pour délit de pêche dans les terres australes ont été renforcées.

Enfin, l'application de la directive « Habitats » en milieu marin a été précisée.

En matière de gestion quantitative, sujet ô combien d'actualité après la sécheresse de cet été, l'Assemblée nationale a adopté des amendements permettant la mise en oeuvre du plan de gestion de la rareté de l'eau adopté en Conseil des ministres le 26 octobre dernier, dont la mise en oeuvre est déjà bien avancée.

Dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement domestique, les députés ont choisi de supprimer la possibilité de créer une taxe communale sur les eaux de ruissellement. Je prends acte du fait que la commission n'a pas reconduit cette disposition.

Le volet concernant l'assainissement non collectif est certainement un de ceux qui aura fait l'objet du plus important travail de vos assemblées. Le Sénat en première lecture, puis l'Assemblée nationale, ont sensiblement amélioré la proposition initiale du Gouvernement, et je souscris très largement aux amendements adoptés par la commission.

En effet, il est indispensable de ne pas pénaliser les collectivités qui ont mis en place, comme le préconisait la loi, un service public d'assainissement non collectif.

Deux crédits d'impôt au profit des particuliers pour la réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou la récupération d'eau de pluie ont été créés. L'encouragement fiscal de mesures innovantes en matière environnementale est une excellente chose.

Je proposerai donc un amendement pour aligner le crédit d'impôt visant la récupération d'eau sur le dispositif général des allégements fiscaux à visée environnementale.

En revanche, les travaux obligatoires de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectifs ne sauraient être aidés par ce type d'allégement qui constituerait alors un effet d'aubaine.

D'autres dispositifs d'accompagnement financier, par exemple avec les agences de l'eau, existent.

Enfin, les députés ont choisi de supprimer le plafonnement de la part fixe dans la facturation de l'eau que vous aviez adopté à l'unanimité. Pour ma part, je regrette cette orientation, car le mécanisme de plafonnement permettrait de respecter les contraintes de gestion des communes, particulièrement touristiques, tout en évitant des situations où la part fixe est excessive.

En matière de gouvernance de l'eau, le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement proposé par le Sénat a été supprimé par l'Assemblée nationale. Je ne peux que rappeler, à cet égard, la position constante du Gouvernement de s'en remettre à la sagesse du Parlement.

L'Assemblée nationale a voté le retour à la répartition actuelle dans la composition des comités de bassin. Les députés ont montré leur attachement à la parité entre les deux collèges des élus et des usagers et je vous engage à suivre cette voie, comme votre commission vous le proposera.

Le plafond des dépenses des agences de l'eau pour leurs programmes d'intervention pendant la période 2006-2012 a été porté de 12 milliards à 14 milliards d'euros.

Les crédits destinés à assurer la solidarité envers les communes rurales ont été relevés de 950 millions d'euros à 1 milliard d'euros sur la période 2006-2013, ce qui permettra à ces dernières de bénéficier d'un niveau d'aide nettement supérieur à celui qui a été apporté par l'ancien fonds national d'adduction d'eau.

Le Gouvernement est néanmoins plus réservé sur l'augmentation de 2 milliards d'euros du plafond de dépenses des futurs programmes d'intervention des agences de l'eau, dont l'importance ne lui paraît pas justifiée au regard des premières esquisses de programme produites par les agences de l'eau.

J'ai relevé que votre commission proposait le retour au montant de 12 milliards d'euros initialement proposé par le Gouvernement.

Concernant enfin les redevances des agences de l'eau, une simplification importante de la redevance de pollution sur les élevages a été introduite, en prenant comme assiette le nombre d'unités de gros bétail tout en tenant compte d'un seuil de charge à l'hectare. Depuis, un intergroupe parlementaire, animé conjointement par Bruno Sido et André Flajolet, a affiné ces propositions. Je tiens à saluer le travail ainsi accompli et les propositions équilibrées retenues par votre commission.

Dès lors que le niveau global de participation de cette redevance au financement des agences de l'eau n'est pas remis en cause, la simplification prévue va dans le bon sens. Elle réduit la charge administrative et les coûts afférents à la collecte de cette redevance, que ce soit pour les agriculteurs ou les agences de l'eau.

L'alignement des taux plafond pour la redevance pour prélèvements d'eau des eaux de refroidissement sur ceux des autres usages économiques qui a été voté par l'Assemblée nationale me paraît, en revanche, excessif au regard des volumes importants d'eau en jeu, et l'amendement adopté par votre commission à ce sujet me semble, là aussi, aller dans le bon sens.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a proposé des mesures visant à donner aux maires les moyens de mieux maîtriser le stationnement de bateaux-résidences.

Outre ceux que j'ai déjà cités, je proposerai d'autres amendements gouvernementaux au cours de la discussion, le plus important d'entre eux étant sans doute celui qui permettra d'utiliser davantage les ressources du fonds Barnier sur les risques, afin de financer les travaux de prévention contre les crues.

Il est logique que les assurances participent, par le biais de ce fonds qu'elles alimentent, au financement d'actions visant à réduire les risques qu'elles dédommagent.

Ces crédits permettront de financer de nouveaux plans d'aménagement et de prévention des inondations, au-delà des quarante-trois plans déjà engagés depuis 2003, comme je l'avais dit le 12 juillet dernier s'agissant du plan de relance.

Je proposerai également un amendement tendant à intégrer clairement le droit d'accès à l'eau dans la loi. Cette mesure complétera le dispositif existant pour les impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004, au titre du fonds de solidarité pour le logement, ainsi que pour l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale s'agissant des personnes en situation de précarité, prévue par la loi portant engagement national pour le logement, promulguée en juillet dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en supprimant les cautions et autres dépôts de garantie qui devront être remboursés aux particuliers, le présent texte apportera également une amélioration sensible. Nous disposerons ainsi d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.

Il s'agit également d'inciter d'autres pays à reconnaître l'accès à l'eau dans leur droit interne et de donner un sens encore plus fort et concret à l'engagement de la France sur ce thème lors des récents sommets internationaux sur l'eau à Mexico et à Stockholm.

Je proposerai également de renforcer les mesures destinées à assurer la traçabilité de l'utilisation des pesticides.

Comme vous le savez, la pollution des cours d'eau et des nappes par ces produits est généralisée, comme en témoigne encore le dernier rapport de l'Institut français de l'environnement.

Le 28 juin dernier, j'ai présenté en conseil des ministres un plan interministériel de lutte contre les pollutions par les pesticides associant les ministères de l'agriculture et de la santé ainsi que celui qui est chargé de la consommation.

Ce plan s'inscrit dans le cadre du plan national santé-environnement pour la période 2004-2008. Pour la première fois, un objectif chiffré de réduction de l'utilisation des pesticides a été fixé. Il s'agit de diminuer en trois ans de 50 % l'usage des produits les plus toxiques.

Par ailleurs, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, le Gouvernement institue bien une redevance sur les produits phytosanitaires d'un montant de 40 millions d'euros par an environ.

La création d'une classe spécifique de redevance pour ces produits, avec le relèvement significatif des taux voté par le Sénat en première lecture, est un élément important pour atteindre cet objectif. Les amendements qui vous seront proposés permettront de suivre les résultats obtenus.

Enfin, il est nécessaire de modifier les dates d'entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi, compte tenu du retard pris pour son examen.

Ainsi, je vous proposerai de reporter au 1er janvier 2008 la mise en oeuvre de la réforme des redevances pour permettre la mise au point concertée des textes d'application et l'adaptation des différents acteurs aux nouvelles dispositions.

Néanmoins, les autres dispositions organisationnelles pourront être prises sans délai, concernant notamment les comités de bassin, les agences de l'eau ou encore l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques.

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