Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à examiner aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, après un intervalle de quelque dix-huit mois depuis son examen en première lecture par le Sénat en avril 2005.
En effet, l'Assemblée nationale n'a examiné ce texte qu'à la fin du mois de mai 2006. Sans bouleverser l'économie générale du dispositif, elle a néanmoins apporté beaucoup de corrections techniques et proposé des modifications de fond sur des sujets importants comme l'assainissement non collectif et la redevance élevage. Elle a, en outre, supprimé des dispositifs adoptés par le Sénat, comme le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, puis adopté un grand nombre d'amendements tendant à insérer des articles additionnels sur des sujets aussi divers que la distinction entre eaux « libres » et eaux « closes », le renforcement des mesures concernant la pollution par les eaux de ballast et les eaux noires des bateaux de plaisance, ou encore l'application de la directive « Habitats naturels » en mer.
Au total, initialement composé de cinquante articles, le projet de loi en compte désormais cent dix, dont cent trois restent en discussion et qui sont structurés autour de six titres.
Très brièvement, je souhaite tout d'abord rappeler les principales dispositions que le Sénat avait adoptées en première lecture.
S'agissant des dispositions relatives à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, j'évoquerai celles qui permettent de mieux concilier la protection de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques et le nécessaire développement des énergies renouvelables, au premier rang desquelles se place l'énergie hydroélectrique, avec une production de 14 %, et l'adoption, en conséquence, de plusieurs amendements relatifs à la variation du débit, au classement des cours d'eau ou encore à la définition du débit minimal.
Le Sénat avait introduit plusieurs précisions sur les obligations relatives à l'entretien des cours d'eau pour les propriétaires riverains, la protection des zones de frayère et la lutte contre les pollutions diffuses, en favorisant la mise en place des bonnes pratiques agricoles dans des zones d'érosion des sols.
En ce qui concerne les articles relatifs à l'alimentation en eau et à l'assainissement, le Sénat avait précisé les règles d'intervention du fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole de boues urbaines et industrielles.
S'agissant des dispositions relatives à l'assainissement, il avait rendu obligatoire la production d'un diagnostic certifiant l'existence d'un dispositif d'assainissement pour toute vente d'immeuble à usage d'habitation et autorisé pendant les quatre premières années le financement du service public de l'assainissement non collectif par le budget général de la commune ou du groupement compétent. En outre, il autorisait les communes à réaliser, à la demande du propriétaire et contre remboursement, les travaux de mise aux normes, et ce afin d'encourager les opérations groupées et l'obtention de subventions.
Le Sénat avait également renforcé les obligations du délégataire d'un service d'eau et d'assainissement, adopté le principe de l'encadrement de la part fixe de la facture d'eau, et renforcé les mesures obligeant à la déclaration des dispositifs de prélèvements d'eau en dehors du réseau de distribution et le comptage de cette eau prélevée.
À propos des règles de gouvernance et de planification, le Sénat avait tout d'abord autorisé les départements à créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, doté d'une ressource spécifique prélevée à travers une contribution additionnelle sur le prix de l'eau.
Concernant la composition des comités de bassin des agences de l'eau, le Sénat avait souhaité renforcer le poids des collectivités territoriales en portant à 50 % le nombre des sièges revenant au premier collège.
Le Sénat avait également privilégié la contractualisation entre les agences de l'eau et les départements, s'agissant de la répartition des fonds affectés au mécanisme de solidarité envers les communes rurales, et fixé le montant minimal de ce mécanisme à 150 millions d'euros par an de 2007 à 2012.
En ce qui concerne la partie consacrée à l'organisation de la pêche en eau douce, le Sénat avait confirmé la création de l'ONEMA et adopté des propositions permettant de mieux prendre en compte les intérêts des pêcheurs aux engins et aux filets.
Comme je l'ai indiqué en introduction, sans bouleverser l'économie générale du projet de loi, l'Assemblée nationale a cependant apporté beaucoup de modifications et adopté plusieurs dispositions nouvelles.
S'agissant du titre Ier du projet de loi consacré à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, les députés ont tout d'abord élargi aux « marcheurs » le bénéfice de la servitude de marchepied dont bénéficient aujourd'hui les seuls pêcheurs le long des cours d'eau domaniaux.
Concernant le volet hydroélectrique du projet de loi, l'Assemblée nationale a conservé en grande partie les orientations que le Sénat avait retenues en première lecture, mais elle a supprimé l'article 4 bis qu'il avait introduit et qui donnait au préfet l'obligation de déterminer la liste des cours d'eau le long desquels il est nécessaire d'implanter des bandes enherbées, en application des critères d'écoconditionnalité de la politique agricole commune.
S'agissant du volet eau et assainissement ainsi que des dispositions relatives aux substances chimiques de traitement, les députés ont introduit un article 17 bis visant à réglementer la vente, la mise à disposition, l'application et la mise sur le marché de produits biocides, afin de tirer les conséquences de la crise du chikungunya, ainsi qu'un article 18 bis tendant à interdire la publicité de nature à banaliser les pesticides.
Les députés ont également apporté d'importantes modifications aux articles 22 et 26, qui prévoient les obligations des propriétaires et des collectivités en matière d'assainissement non collectif, en privilégiant un système « à la carte ». Le contrôle des installations relève de la seule commune, mais celle-ci ne peut fixer de calendrier pour la réalisation du diagnostic sur les travaux de mise aux normes qui l'accompagne. Les députés ont également restreint l'obligation de diagnostic en cas de vente d'immeuble aux seules installations d'assainissement non collectif.
Sur l'assainissement d'une façon générale, l'Assemblée nationale a introduit deux crédits d'impôt pour la réhabilitation des installations d'assainissement non collectif et pour la mise en place de systèmes de récupération et de traitement des eaux de pluie. Elle a par ailleurs supprimé la taxe sur les eaux pluviales, estimant son assiette trop complexe.
S'agissant de la tarification des services d'eau et d'assainissement, les députés ont supprimé l'encadrement de la « partie fixe » que nous avions introduit en première lecture.
L'Assemblée nationale a ensuite consacré un titre spécifique à la préservation du domaine public fluvial pour apporter des réponses pratiques au phénomène des « bateaux ventouses » stationnant sans autorisation le long des cours d'eaux.
Ce dispositif, qui a été présenté par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, établit une procédure d'abandon et de déchéance des droits du propriétaire, soumet à l'accord du maire les autorisations de stationnement de bateaux supérieures à un mois et prévoit une indemnité d'occupation majorée pour les stationnements sans autorisation.
S'agissant des règles de planification et de gouvernance, l'Assemblée nationale a tout d'abord supprimé le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, considérant que ce mécanisme renchérissait le prix de l'eau et que la reconnaissance des compétences du département en matière d'alimentation en eau potable et d'assainissement faisait double emploi avec les actions des agences de l'eau et induisait une confusion fâcheuse des responsabilités.
En ce qui concerne la composition des comités de bassin, l'Assemblée nationale a fixé la répartition des trois collèges - collectivités territoriales, usagers et professionnels, État - respectivement à 40 %, 40 % et 20 % et elle a porté le montant maximum des dépenses des agences de l'eau sur les années 2009 à 2012, de 12 milliards à 14 milliards d'euros, en évoquant les obligations de la directive-cadre sur l'eau.
S'agissant des redevances elles-mêmes, l'Assemblée nationale, après des discussions très longues, a adopté un mécanisme permettant de simplifier très judicieusement le mode de calcul de la redevance pollution des élevages et prenant en compte le taux de chargement des UGB, les unités de gros bétail, à l'hectare.
En ce qui concerne la partie « pêche », les députés ont introduit un important article 42 A modifiant le critère de qualification des eaux libres et des eaux closes, en s'appuyant sur le rapport Mme Hélène Vestur, conseiller d'État : au critère de l'écoulement de l'eau est substitué celui du passage du poisson.
Afin de préparer l'examen de ce projet de loi dans les meilleures conditions d'information possibles, les auditions avec le ministère de l'écologie et du développement durable et les professionnels concernés ont été organisées dans le cadre du groupe d'études sur l'eau. Par ailleurs, dans le but de faciliter l'adoption du texte avant la fin de l'année, j'ai eu plusieurs réunions de travail avec le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale. Mon objectif était de mettre au point le plus grand nombre de rédactions susceptibles de recueillir son accord dès la deuxième lecture.
Je n'évoquerai ici que les amendements de fond les plus importants que la commission des affaires économiques a adoptés le 12 juillet dernier.
Sur le titre Ier du projet de loi, il s'agira de rétablir une disposition, supprimée par l'Assemblée nationale, concernant la modification des autorisations hydrauliques et d'insérer un article additionnel regroupant toutes les modifications apportées dans le présent texte à la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. Dans le même esprit de rationalisation du projet de loi, un des amendements aura pour objet de regrouper toutes les adaptations prévues par le texte pour les dispositions qui concernent la gestion équilibrée de la ressource en eau.
Dans le titre II, s'agissant plus précisément des articles 22 et 26 concernant l'assainissement non collectif, la commission vous proposera une réécriture globale clarifiant le système instauré par les députés, sans remettre en cause les services publics d'assainissement non collectifs, les SPANC, qui ont déjà été mis en place. Ainsi, les étapes du contrôle et du diagnostic, actuellement dissociées dans le texte, seront regroupées en une seule compétence que la commune pourra décider d'exercer dans les conditions qu'elle fixera, notamment s'agissant du calendrier de réalisation des diagnostics. En tout état de cause, la mise aux normes des installations devra être effectuée au plus tard en 2015.
Sur la tarification des services de l'eau, la commission a rétabli le plafonnement de la partie fixe, ce qui apparaît comme une mesure d'équité et de justice sociale. La définition par voie réglementaire des modalités du plafonnement permettra de tenir compte des situations particulières.
En ce qui concerne les mesures prises à l'encontre des « bateaux ventouses », dans le titre II bis, la commission a adopté un mécanisme permettant de délimiter des zones dans lesquelles le stationnement sera autorisé et soumettant toute modification ou création de zonage à l'accord préalable de la commune concernée.
S'agissant de la gouvernance dans le domaine de l'eau, qui est traitée au titre III, il vous sera proposé de rétablir l'article relatif au fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, compte tenu de l'engagement très fort des départements dans le domaine de l'eau qu'il convient de consacrer.
À propos de la nature des redevances, dont nous avons débattu en première lecture, je vous proposerai une rédaction mettant clairement en évidence qu'il s'agit d'une fiscalité spécifique découlant de la mise en oeuvre de la charte de l'environnement.
S'agissant de la redevance pollution sur les élevages, la rédaction qui vous sera proposée précise le mécanisme adopté par l'Assemblée nationale, confirmant ainsi notre volonté de simplifier son mode de recouvrement sans en alourdir le montant.
Enfin, pour ce qui est de la partie pêche, je vous proposerai un amendement permettant le transfert à titre gratuit des droits et biens entre la Fédération nationale de la pêche et de la protection des milieux aquatiques, nouvellement créée, et l'Union nationale de la pêche en France, qui existe déjà.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à insister une fois encore sur la nécessité d'achever dans les meilleurs délais l'examen de ce projet de loi.
Il s'agit de conforter le rôle clé des agences de l'eau, alors même que la mise en oeuvre de la directive-cadre communautaire sur l'eau nous impose un calendrier très serré, assorti d'obligations de résultat majeures nécessitant la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Il est donc essentiel que le IXe programme des agences de l'eau puisse démarrer en janvier 2007 sur des bases législatives connues et arrêtées.
Répondant à ces préoccupations, le projet de loi est inscrit au Sénat en tête de l'ordre du jour de la session extraordinaire, mais nous avons à examiner quasiment 500 amendements au total. Il importe d'achever cet examen dans les limites qui nous sont imparties, en utilisant judicieusement toutes les séances décidées par la conférence des présidents : chaque minute est précieuse !
Je rappelle également que nous sommes en deuxième lecture et que la commission, en examinant les amendements extérieurs, entend prendre en compte la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel et ne pas ouvrir de débat sur des sujets non abordés en première lecture.
Nous sommes, en tant que parlementaires, placés devant nos responsabilités !