Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé M. le rapporteur, depuis la première lecture au Sénat du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, près de dix-huit mois se sont écoulés, au cours desquels le dérèglement climatique s'est intensifié sur la planète : des sécheresses longues suivies de pluies torrentielles et de crues dévastatrices sont observées partout. L'ouest de l'Inde vient d'en faire l'expérience, avec un million et demi de paysans déplacés et des dizaines de milliers de morts. Nous savons que ces catastrophes sont la conséquence de l'effet de serre.
L'étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques réalisée par mon collègue socialiste Claude Saunier et moi-même et adoptée à l'unanimité - vous en avez parlé, madame la ministre- démontre qu'il y a urgence. Les apports de la science et de la technologie et une volonté politique forte et tenace permettront éventuellement de dépasser la crise, grâce à une transition énergétique massive. Le plan Climat, que vous avez évoqué, madame la ministre, est certainement la seule réponse possible pour éviter « d'aller dans le mur ».
Dans moins de quinze ans, en effet, des milliards de personnes crèveront de soif ; elles décideront d'émigrer là où se trouvera encore de l'eau. Par conséquent, pour tous les pays dont le climat est plus tempéré que le climat saharien ou subsaharien, un grave problème se pose ; je pense en particulier au sud de l'Europe, à l'Afrique du Nord, à la Turquie ou au Moyen-Orient.
La transition énergétique est une priorité. Nous avons besoin d'une volonté politique forte pour diminuer la quantité de gaz à effet de serre, capter et séquestrer ces émissions. Dans cette optique, il faut développer les énergies alternatives, dont le nucléaire et l'hydroélectricité sont les plus importantes. Une telle situation explique l'importance de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
Oui, la transition énergétique est une priorité pour la planète. En France, nous pouvons en être les moteurs, suivis dans cette voie par les autres pays européens, afin de faire en sorte que les pays émergents, en particulier la Chine et l'Inde, nous emboîtent le pas.
Malgré ces efforts, on ne pourra éviter que de nombreux cours d'eau encore pérennes en France ne ressemblent à ceux d'Europe du Sud : débit d'eau visible presque nul, où ne résistent en période sèche que quelques flaques dans lesquelles ne peuvent vivre qu'anguilles et silures.
Il faut donc intensifier - c'est fondamental - les grands programmes permettant de réguler et de stocker les eaux. À cet égard, je me réjouis qu'existent, depuis un peu plus de deux ans, des accords régionaux entre les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, et les DIREN, les directions régionales de l'environnement. Les essais de coopération effectués ont été extraordinairement positifs, grâce à une mobilisation des cadres qu'il faut souligner, notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où plus de cent quarante projets communs ont été menés à la satisfaction générale.
Sur la Côte d'Azur, ces projets sont particulièrement importants, puisque l'arrivée de l'électricité ne dépend que d'une seule ligne, la ligne Boutre-Carros. Le Conseil d'État a décidé d'annuler le projet de doublement de cette ligne. Nous avons donc un besoin urgent de disposer d'autres sources d'énergie pour ne pas bloquer l'économie de notre département.
Ce besoin urgent doit se traduire au sein d'un grand programme, lequel concernera deux domaines, à savoir les microcentrales et les aménagements hydroélectriques, dont le nombre devra être massivement augmenté. Sur l'initiative de l'ancien sénateur Jean-François Pintat, trop tôt disparu, et d'EDF, un inventaire des sites de nos fleuves et rivières pouvant être équipés de microcentrales hydroélectriques a mis en évidence plus de 8 000 sites pouvant produire de 0, 5 mégawatt à 5 mégawatts, ce qui représente un potentiel de l'ordre de 16 000 mégawatts, soit environ 10 centrales nucléaires de 1 600 mégawatts. C'est loin d'être négligeable !
Dans les Alpes-Maritimes, mon cher Charles Ginésy, un certain nombre de projets sont en cours. Des sociétés privées sont même prêtes à les financer avec de l'argent suisse. Ces aménagements sont possibles sur les cours d'eau - Var, Tinée, Vésubie, Estéron.
La plupart de ces microcentrales peuvent être équipées en liaison avec les collectivités locales, qui sont en général tout à fait demandeuses. Pour une grande part, elles peuvent être financées par le capital privé, compte tenu des obligations d'achat pour quinze ans imposées à EDF. Il s'agit par conséquents de projets rentables. Il n'est donc pas besoin de faire appel aux finances publiques pour les réaliser.
L'intérêt national est grand : non seulement les microcentrales permettent d'économiser des millions de tonnes équivalent pétrole, mais aussi leur mise en place est décentralisée. Les exploitations de centrales au fil de l'eau permettront de répondre aux pointes de consommation en un temps record, plus rapidement que les centrales à gaz les plus modernes. C'est d'autant plus important que cela permet de diminuer le nombre de centrales ne fonctionnant que quelques jours par an aux heures de pointe.
Les réseaux de microcentrales permettent aussi de transformer l'énergie électrique en énergie potentielle, comme c'est déjà d'usage courant pour certains grands barrages hydroélectriques. Par ailleurs, sur le plan social, la construction de milliers de microcentrales développera l'emploi de façon massive dans divers domaines - bâtiment, bureaux d'études, industries électriques et leur maintenance -, et ce de façon très décentralisée, auprès de chaque fleuve et affluent concerné.
Toutes ces structures devront être pilotées par les organismes compétents, en liaison étroite avec les collectivités locales, qui savent que les microcentrales ou les barrages ont des effets bénéfiques, aussi bien en matière d'emploi qu'en matière de rentrées fiscales.
Dans ce contexte, les aménagements visant à réguler dans le temps les écoulements sont une priorité absolue, du point de vue tant économique qu'humain et écologique. Il est en effet évident que nous devons prendre exemple sur ce qui a été fait, après la crue de 1910, pour le bassin de Paris. Ces problèmes sont de plus en plus aigus, même pour Paris d'ailleurs, en raison de l'urbanisation, qui augmente la surface minéralisée des sols et favorise les écoulements, ce qui renforce encore les effets du dérèglement climatique et rend les crues plus dévastatrices.
Il y a donc toute une série de travaux qu'il faut prévoir d'urgence. Les nouvelles structures retenues par le projet de loi devront, me semble-t-il, s'y consacrer en priorité. J'ai déposé un amendement visant à énoncer ces priorités dans le code de l'environnement. J'espère que vous voudrez bien l'adopter, mes chers collègues.