Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 7 septembre 2006 à 10h00
Eau et milieux aquatiques — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous engageons aujourd'hui la seconde lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, avec l'espoir que ce texte sera adopté définitivement avant la fin de l'année, compte tenu de l'importance qu'il revêt, notamment pour les agences de l'eau et les collectivités qui doivent préparer l'avenir.

Il faut d'abord que la navette parlementaire s'achève rapidement, en raison, comme chacun le sait, du retard pris par notre pays s'agissant de la transposition des directives européennes, comme l'a bien expliqué notre collègue Fabienne Keller dans son rapport intitulé Les enjeux budgétaires liés au droit communautaire de l'environnement, qui précise les sanctions et les pénalités que nous devrions subir, a fortiori si nous tardons encore à nous mettre en règle.

Dans l'état actuel du projet de loi, de nombreuses questions méritent encore débat, eu égard aux enjeux, aux conflits et à la situation actuelle concernant les problèmes de l'eau. En effet, de nombreuses voix s'élèvent pour souligner une nouvelle fois les limites de ce texte, limites largement commentées par beaucoup d'acteurs de la protection de l'environnement. À titre d'exemple, je citerai les associations regroupées dans le réseau France Nature Environnement ou les pêcheurs.

Les élus locaux ne sont pas plus satisfaits des orientations qui se dessinent au vu des deux lectures d'ores et déjà effectuées. Je pense en particulier au risque de voir les services publics installés depuis quelques années mis en danger par le texte. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Par ailleurs, les problèmes liés à l'eau, en particulier les sécheresses et les inondations, s'accentuent dans notre pays. Les enquêtes, les rapports parlementaires, que personne ne conteste, montrent combien la situation est préoccupante. En outre, l'objectif de parvenir à un bon état des eaux en 2015 figure dans une directive-cadre. Tout cela dessine le paysage dans lequel s'inscrit notre travail.

Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques prétend proposer une démarche destinée à permettre ce « bon état » des eaux, à travers des mesures multiples traitant de nombreux sujets relatifs à la qualité de l'eau, à la gestion de la ressource et à la gouvernance, au sein de laquelle, bien sûr, on peut inclure les financements.

Au fond, la question que nous devons nous poser est la suivante : ce projet de loi permet-il de répondre à ces objectifs ? Permet-il de résoudre les difficultés qui se posent aux uns et aux autres ? Ne nous y trompons pas : c'est un sujet très vaste et très complexe, mais ce n'est pas un sujet technique ni même une question de gestion. En réalité, ce texte est éminemment politique.

C'est la raison pour laquelle je parle très peu, dans mon intervention générale, des questions techniques que nous aurons l'occasion d'aborder lorsque nous défendrons les amendements.

Ce texte, je le disais, est éminemment politique. Certes, loin de moi l'idée d'affirmer qu'il ne résout aucune question ; il permet d'avancer sur de nombreux points. Mais si nous regardons les choses d'un peu plus près, que constatons-nous ?

Tout d'abord, nous retrouvons dans ce projet, comme dans tous les textes de loi examinés depuis un certain temps, les mêmes orientations et tous les objectifs fondamentaux du Gouvernement.

Plus précisément, tout en veillant à la transposition des directives afin d'éviter les pénalités, ce texte assure le désengagement de l'État en transférant la mise en oeuvre de la loi vers les collectivités locales et les agences de l'eau.

Il reporte la dépense sur le consommateur - payeur, ce qui permet de réduire la dette publique et donc de satisfaire aux critères du pacte de stabilité.

Il applique aussi la règle de la concurrence en ouvrant davantage les portes des services de l'eau et de l'assainissement au privé.

Cette marchandisation va de pair avec une grande sollicitude - je le dis de manière courtoise - pour les acteurs économiques impliqués dans le domaine de l'eau, qu'il s'agisse des producteurs d'énergie hydroélectrique ou des prestataires de service.

Enfin, ce texte n'applique le principe pollueur - payeur que de manière totalement inéquitable, en faisant payer la pollution de façon disproportionnée aux particuliers, refusant de poser le problème de la pollution de l'eau à la source et donc d'impliquer davantage le milieu agricole.

Nous ne pouvons d'ailleurs que regretter que ce projet de loi soit marqué par la pression de certains intérêts, notamment au travers tant des amendements qui ont pu être adoptés que de ceux qui sont présentés à l'occasion de cette nouvelle lecture.

Après nous être demandé quels étaient les objectifs sous-jacents du texte, interrogeons-nous sur la méthode employée.

Force est de constater qu'elle est marquée par une démarche curative et non préventive. Je ne retiendrai que deux exemples.

À la question des pointes de consommation en énergie, nous répondons par un développement de la production hydroélectrique. À ce propos, on aura beau chercher ici et là à rajouter quelques kilowattheures à la production, je ne suis pas du tout persuadée que nous réglerons la question énergétique en rompant la continuité de nos fleuves et de nos rivières pour les découper en « petits morceaux ». À force d'y implanter des microcentrales, ils ne ressemblent plus à rien ! Je crois qu'il serait temps d'en revenir à une gestion beaucoup plus équilibrée et globale de nos fleuves et de nos rivières.

À la pollution des eaux, il est répondu par des normes toujours plus contraignantes et des techniques de dépollution toujours plus sophistiquées et coûteuses, renforçant ainsi l'emprise des entreprises privées et le coût des traitements pour obtenir une eau dépolluée. Au fond, on choisit de produire de l'eau purifiée plutôt que de fournir une eau pure à la source.

Je souhaiterais maintenant parler de l'eau en termes de responsabilité.

Le Gouvernement est garant devant l'Union européenne de la mise en application des directives, particulièrement de la directive-cadre. Il est par ailleurs responsable de la sécurité des citoyens et de leur santé. Mais il est aussi responsable de la politique de la France - celle qu'il met en oeuvre pour les Français - en Europe et dans le monde. Il a donc le devoir de défendre le droit à l'eau pour tous de manière solidaire et équitable.

Les agriculteurs, eux, sont au coeur de la question de l'eau. Nous ne pouvons pas atteindre le bon état écologique des eaux sans une implication forte du milieu agricole.

Les agriculteurs sont les premiers utilisateurs, à la fois de la ressource et des produits polluants. Je n'ai pas dit - vous le noterez au passage - que les agriculteurs sont des pollueurs. J'ai dit qu'ils sont les premiers utilisateurs des polluants, ce qui mérite tout de même d'être souligné. Les mesures environnementales de la PAC, si elles sont positives et constituent un premier pas, ne suffisent pas à résoudre la question.

Mais faut-il incriminer les seuls agriculteurs, alors que la politique agricole commune favorise, de fait, l'intensification des productions et la monoculture ? Comment s'y retrouver dans ces conditions ?

Les agriculteurs ne peuvent pas décréter seuls de remettre en cause notre système de production et de consommation.

Dans une économie de marché mondialisée, la course au rendement et la productivité sont malheureusement la règle.

En tout état de cause, et pour conclure, je veux seulement indiquer que rien ne peut se faire sans les agriculteurs et encore moins contre eux.

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