Intervention de Bernard Murat

Réunion du 7 septembre 2006 à 10h00
Eau et milieux aquatiques — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Il y a lieu également de s'inquiéter pour le statut des canaux, fossés, lacs, qui peut devenir problématique en fonction des choix qui seront faits pour la détermination des critères conduisant, ou non, au statut d'« eaux closes ». Certains imaginent le pire : seuls les cours d'eau resteraient des « eaux libres ».

Dès lors, s'il n'est bien entendu pas question pour moi de remettre en cause le fruit d'un travail qui a abouti à cette modification, permettez-moi, madame la ministre, au nom de nombreux maires ruraux, de vous demander de bien vouloir nous préciser le contenu du projet de décret qui est prévu et qui doit prendre en compte la variété des situations existantes, notamment en zone de montagne. De ce décret dépendra, en grande partie, la portée pratique de la modification adoptée. Cela permettra certainement de faire taire les inquiétudes des élus, de rassurer les pêcheurs et de calmer les esprits des différents protagonistes de ce dossier qui s'échauffent sérieusement, comme j'ai pu le constater cet été dans mon département de la Corrèze.

En second lieu, madame la ministre, je me dois d'aborder les problèmes liés à la qualité de l'eau et de rappeler à cette tribune combien l'eau, support incontournable du développement durable de nos territoires, est un enjeu vital pour nous tous, pour aujourd'hui et pour demain.

Le constat est sévère : à l'intensité des prélèvements s'est ajoutée la dégradation de la qualité de l'eau, notamment celle des eaux souterraines qui se détériore nettement sous l'effet de pollutions diffuses dues aux nitrates et autres pesticides. Et cette dégradation est d'autant plus grave que les eaux souterraines sont difficilement renouvelables et que la restauration de leur qualité nécessite au moins plusieurs années.

Quant à la qualité des eaux de surface, elle est, elle aussi, dégradée. Selon l'Institut français de l'environnement, 80 % des prélèvements effectués en eaux de surface révèlent la présence de produits phytosanitaires, et ces pollutions affectent autant les écosystèmes aquatiques que la santé des Français.

Il faut bien le dire, la pression sur les ressources hydriques est souvent d'origine agricole. Engrais, produits phytosanitaires - herbicides et pesticides -, déjections animales qui accompagnent les élevages intensifs, accumulations de métaux provenant des compléments alimentaires des animaux d'élevages : telles sont les causes des différentes formes de pollution agricole. Et parce que ces causes sont parfaitement identifiées depuis quelques années, les agriculteurs ne nous ont pas attendus pour se préoccuper des problèmes de la qualité de l'eau. Ils en sont d'ailleurs les premiers acteurs, pour en être les premières victimes.

Nul ne conteste que l'agriculture moderne ait une responsabilité dans la pollution de l'eau. Mais il faut reconnaître les efforts réalisés afin de mettre en place une agriculture plus respectueuse de l'environnement : application de la « directive nitrate », opération « Ferti-Mieux », application du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, réglementation sur les produits phytosanitaires, conditionnalité des aides. Et pourtant, sur ce dossier, les agriculteurs sont encore trop souvent montrés du doigt et endossent le rôle de l'accusé.

Je sais, madame la ministre, combien vous êtes consciente des efforts réalisés. Vous l'avez dit, « il convient de sortir du climat actuel de défiance ; nous devons aller de l'avant, considérer la maîtrise des pollutions comme un enjeu stratégique du développement durable ». Je crois que nous ne pourrons atteindre cet objectif qu'en conjuguant nos efforts, qu'en responsabilisant les acteurs de ce dossier, mais avec équité, pragmatisme, et surtout, madame la ministre, en totale osmose avec les maires et les élus ruraux. Les intérêts des agriculteurs et des écologistes se rejoignent dès lors que l'environnement devient un enjeu et un atout.

Permettez à un élu du département des « milles sources » de préciser qu'il est simple de pousser des cris d'orfraie en accusant, en réclamant de réduire l'utilisation des engrais, des pesticides et fongicides en agriculture, mais que cela a une dimension économique : en effet, ces réductions entraînent automatiquement une baisse de rendement et donc une augmentation des prix pour les consommateurs.

C'est donc à l'ensemble de la société - je dirai même à l'État -, qui demande depuis plus d'un siècle aux agriculteurs de la nourrir à moindre de coût, de prendre en charge sa part d'efforts et de se réconcilier sur ce dossier, car il n'y a ni coupable ni victime. Cela permettra de « passer d'une écologie de division à une écologie de conjugaison », comme l'a dit récemment un ministre.

Pour en revenir au texte, je tiens à évoquer les dispositions relatives à la redevance pour pollution de l'eau appliquée aux élevages, dispositif radicalement différent de celui qui existe. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, il apparaissait judicieux de mettre fin au système actuel fondé sur la déclaration d'activité polluante, déclaration complexe, coûteuse et source d'innombrables contrôles tatillons très mal supportés par les agriculteurs. Cette dernière est désormais assise sur le nombre des UGB - unité gros bétail - présentes sur les exploitations. Le nouveau système permettra d'alléger les coûts et de réduire les tracasseries administratives. C'est un point positif et je tenais à le souligner.

Pour autant, je me suis permis de vous alerter, monsieur le rapporteur, sur les inquiétudes des éleveurs corréziens quant à la mise en place de ce nouveau mécanisme, qui ne prend peut-être pas suffisamment en compte les particularismes des territoires de montagne et ceux de l'élevage extensif. À cet égard, je tiens à vous rappeler leur attachement au critère de chargement et de seuil de perception.

Vous proposerez, au cours de la discussion, d'abaisser le seuil de perception à 90 UGB et d'instituer une franchise de perception de la redevance pour les quarante premières UGB détenues. Il s'agit là d'une amélioration pour les petites exploitations.

Reste que le vrai critère à prendre en compte est celui du taux de chargement à l'hectare qui a été fixé à 1, 4 UGB par hectare. Peut-être un taux de 1, 6 UGB serait-il susceptible de mieux prendre en compte les spécificités de l'élevage extensif pratiqué en montagne, sur des prairies très souvent naturelles qui ne nécessitent pas ou peu l'utilisation d'engrais. Jusqu'à présent, les discussions qui ont eu lieu autour de cette redevance l'ont toujours été dans un esprit de conciliation : je ne peux que formuler le souhait que toutes les hypothèses raisonnables suggérées, notamment celles de l'amendement dont je suis l'un des signataires, puissent être analysées avec précision.

Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi d'aborder le troisième point de mon propos, qui me tient particulièrement à coeur. De nombreux maires corréziens m'ont en effet interpellé sur l'importance des charges nouvelles qui résultent de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Le coût moyen des analyses pour les petites communes rurales, à partir de 500 habitants, risque d'être multiplié par six, coût exorbitant au regard de la modestie de leur budget, donc de leurs ressources.

J'ai abordé ce dossier à plusieurs reprises, et mon collègue Georges Mouly en a fait de même. Réduction de la fréquence des analyses, limitation de leur contenu, modernisation des contrôles, regroupement des points de captages, mise en place des périmètres de protection de ces points, information des maires, qui n'ont pas forcément connaissance des contrôles, mais qui sont tenus pour responsables lorsque les contrôles sont effectués chez les particuliers : telles sont les perspectives de réduction de coûts à long terme qui nous sont offertes.

C'est aujourd'hui que nos communes rurales, déjà fragilisées, espèrent des réponses concrètes. J'ai donc pris l'initiative de déposer un amendement tendant à insérer le coût de ces analyses dans la section investissement des budgets communaux, et ce afin qu'il puisse ouvrir droit aux attributions du fonds de compensation pour la TVA.

Je connais par avance les arguments qui me seront opposés, mais j'espère sincèrement que vous tiendrez compte de l'esprit de cet amendement - validé par mes collègues maires corréziens directement concernés - de sorte qu'à l'issue de l'examen de ce texte, une vraie solution soit trouvée ou, tout du moins, ébauchée, afin de répondre aux attentes des élus ruraux. En effet, je le répète, rien ne pourra se faire dans nos campagnes sans une participation responsable de ces derniers à la mise en oeuvre de ce texte sur l'eau et les milieux aquatiques, texte qui restera à mes yeux une des lois phares de cette législature, ce qui est tout à votre honneur, madame la ministre.

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