Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 7 septembre 2006 à 10h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

L'eau est un bien public mondial d'intérêt vital pour la santé publique, comme nous avons pu le voir à Mexico, madame la ministre, lors du quatrième forum mondial de l'eau, auquel nous avons participé ensemble au sein d'une délégation française très présente autour d'un ministre très impliqué.

Cependant, l'eau est aussi une ressource naturelle écologiquement fragile et peu renouvelable. Même dans notre beau pays, la France, pays tempéré, la sécheresse récurrente de ces dernières années a mis en évidence la crise de la ressource, le caractère fini et contingenté de celle-ci, et les nécessaires efforts à mettre en oeuvre pour réapprendre l'usage rationnel de l'eau.

À cet appel au partage des responsabilités, chacun a répondu, avec sa sensibilité, ce matin encore, comme en première lecture. Beaucoup de grandes villes, de Paris à Mulhouse, dont je suis maire, mettent en oeuvre, toutes sensibilités politiques confondues, des politiques économes et solidaires qui peu à peu portent leurs fruits.

Il faut, je crois, profiter de l'examen de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques pour amplifier, comme nombre d'entre nous l'ont souhaité, le dialogue avec les agriculteurs et les industriels, revoir les pratiques d'irrigation, encourager le recyclage et le stockage et organiser les interconnexions de réseaux.

Certes, le Gouvernement a lancé cet été, sur votre initiative, madame la ministre, une grande campagne à travers les médias pour demander aux Français de préserver la ressource. Cela est bien, toutefois les ménages consomment moins de 10 % de la ressource, et on ne peut affirmer que le principe pollueur-payeur s'applique comme il conviendrait à l'heure actuelle.

Cela étant, ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, nécessaire et attendu, monsieur le rapporteur, doit aussi insister sur une autre crise latente, celle de la ressource disponible, de la qualité de l'eau souterraine et de surface.

À l'heure où le rapport de l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, montre que près de 80 % des eaux de source sont contaminées par des résidus chimiques, à l'heure où l'on sait que les résidus de l'atrazine, pesticide heureusement désormais interdit, vont polluer pendant vingt ans encore les nappes profondes, que dit le projet de loi ? Trop peu de choses, finalement, les quelques propositions initiales en la matière ayant été « rabotées », il faut le dire, à l'Assemblée nationale. Le seront-elles davantage encore ici, ou inverserons-nous la tendance ? Ce sera l'un des éléments de notre débat.

Pourtant, c'est d'un problème de santé publique qu'il s'agit. Sans faire de purisme concernant la qualité de l'eau, on ne peut que constater, quand on vit comme moi dans une région comme l'Alsace, où la nappe phréatique est durablement et gravement polluée par les nitrates, que la question est très grave.

En effet, ces nitrates interdisent la consommation d'eau aux femmes enceintes et aux nourrissons dans les zones rurales, comme par exemple en Seine-et-Marne, où l'eau n'est plus potable dans la moitié du département.

Il s'agit aussi d'un problème environnemental, la multiplication d'algues vertes dans la Manche ou l'Atlantique devant nous rappeler que l'océan n'est pas notre égout naturel.

Il s'agit, enfin, d'un problème économique. Il n'est plus possible de transférer uniquement à l'aval et aux collectivités urbaines ou rurales le coût exorbitant de la dépollution et du traitement des eaux, pour rendre celles-ci potables, puis pour les traiter avant rejet en rivière. Ainsi, en Île-de-France, les traitements contre les nitrates de l'usine d'Achères coûteront près de 1 milliard d'euros, ce qui renchérira le prix de l'eau pour 5 millions de consommateurs. Les eaux de source, même en montagne, doivent aujourd'hui faire l'objet d'investissements lourds, et cela faute de politique de prévention efficace en amont, faute de courage politique - ce de longue date - et faute d'attention portée aux ménages les plus démunis en bout de chaîne.

Un problème social apparaît dans nos villes, mais aussi dans nos campagnes. Les charges d'énergie et d'eau pèsent de plus en plus lourdement dans les budgets des familles modestes, et les fonds sociaux transférés aux collectivités prennent de plus en plus le relais des impayés. Face à ce problème aigu, les villes doivent organiser leur service public de l'eau pour mettre en place des politiques sociales innovantes et solidaires.

C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement visant à donner aux communes la possibilité d'instaurer des tarifs différenciés pour aider les ménages en difficulté et surtout d'offrir un service minimum de l'eau dont les premiers mètres cubes vitaux seraient dispensés à bas prix.

Nous soutiendrons aussi l'inscription dans le droit français d'un véritable « droit à l'eau ». Par cela, il faut entendre non pas un droit à la ressource, le Gouvernement n'ayant pas retenu cette proposition lors du débat à l'Assemblée, mais bien un droit d'accès au service public de distribution d'eau potable pour tous, qui vaudra qu'il y ait régie, comme dans mon département, ou gestion déléguée.

Je ne peux oublier, madame la ministre, la portée des propos que vous avez tenus à Mexico en mars dernier et qui allaient dans ce sens. Ils avaient fortement touché l'ensemble des délégations, en particulier celles des pays du Sud, dramatiquement concernés par ces questions.

Je voudrais dire encore un mot sur les fonds départementaux. Il faut les envisager comme une possibilité et non pas comme une obligation, les collectivités locales s'administrant librement. Ces fonds sont destinés à accompagner les communes. Pourquoi ne pas envisager un partenariat entre les départements et les EPCI qui permettrait une gestion de ces fonds par la structure intercommunale ad hoc ?

Pour conclure, comme d'autres avant moi, je réaffirmerai la nécessité de saisir l'opportunité qui nous est donnée encore aujourd'hui, en cette deuxième lecture, de faire de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques un texte qui tienne réellement compte des enjeux et de l'intérêt général.

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