Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 7 septembre 2006 à 15h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, tous les orateurs ont souligné l'impérieuse nécessité de répondre aux dangers qui nous guettent dans le domaine de l'eau.

Des différences de taille subsistent entre nous, mais je ne désespère pas qu'un consensus puisse être trouvé s'agissant de la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique commune dans le domaine de l'eau.

Cette directive a au moins le mérite d'exister. Surtout, elle rappelle que « l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel ».

Atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 est évidemment un objectif louable, auquel je souscris pleinement, mais on ne peut se résoudre à limiter le débat sur l'eau à ce seul aspect : il faut également traiter les aspects économiques et politiques.

Dès lors, s'il est légitime de respecter les prescriptions de cette directive, nous devons aller bien au-delà et adopter une ligne politique claire sur la gestion même de la ressource. M. le rapporteur nous y conduit par son travail, et je tiens à l'en remercier.

Notre pays a la chance de disposer d'une capacité de stockage globalement correcte, ou susceptible de l'être, grâce à la réserve constituée par notre potentiel « montagne », mais cette situation ne doit pas nous faire oublier les difficultés auxquelles nous avons à faire face. Voilà en effet de nombreuses années que le sud de la France connaît régulièrement des épisodes d'inondation et de sécheresse.

Pour faire justice des raccourcis sur ce sujet, je tiens à préciser que les agriculteurs, y compris les producteurs de maïs, ne sont pas seuls responsables de la sécheresse. C'est bel et bien le manque de pluie qui est en cause ! En effet, les paysans irriguent non pas pour le plaisir mais parce que leurs cultures ont besoin d'eau à une période bien précise. Cette réalité exige que l'on se dote d'ambitieux dispositifs de gestion quantitative des eaux par la création de ressources nouvelles, par l'étalement de l'utilisation, mais aussi, sans doute, que l'on oriente notre agriculture vers des productions moins consommatrices d'eau. Les paysans sont d'ailleurs de plus en plus sensibles à ce problème puisque les assolements en maïs diminuent désormais régulièrement.

Nombre de barrages et de lacs collinaires jouent un rôle important pour l'écologie, l'économie locale et la pêche.

Économiser, partager, créer : ce sont en fait les trois actions autour desquelles s'articulent nombre de nos plans de gestion des étiages, les PGE.

Aussi, l'amendement que nous présenterons, madame la ministre, sur l'article 13 bis est à mon sens tout à fait opportun, car il y a aujourd'hui obligation de créer de nouvelles ressources d'eau.

Les questions du bon état écologique des cours d'eau et de la préservation de la ressource ne peuvent donc être dissociées de celles de la gestion quantitative et de la création de ressources nouvelles.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'affirmation selon laquelle les paysans sont les seuls responsables de la pollution et des fortes concentrations de nitrates constatées dans nos rivières. Quel est donc le rôle des industriels ? Quel est celui des commissaires de Bruxelles ?

C'est tout de même bien la politique agricole commune qui, à force d'encourager la baisse des prix agricoles, est parvenue à mettre sous tutelle l'agriculture afin de mieux la dominer et de l'enfermer dans une logique productiviste, celle-ci servant bien plus les intérêts des grands groupes financiers que ceux des agriculteurs.

Pour autant, on ne peut pas nier l'existence de cette pollution, dont le monde agricole doit assumer une part de responsabilité, mais une part seulement. Cela doit le conduire à participer, avec d'autres, au financement des dépenses d'assainissement qu'entraîne la pollution des nappes et des cours d'eau due à l'utilisation, trop parfois massive, des intrants.

De la même façon, le financement de la politique de l'eau ne saurait relever de la seule redevance pour pollution.

Le débat est bien celui de l'accès de chacun à l'eau.

L'eau n'est pas une simple marchandise mais « un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel ».

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je souhaite mettre l'accent sur le fait que, parce qu'elle est une ressource rare et vitale, l'eau est un bien public de l'humanité. Sa gestion ne peut donc être que collective et démocratique.

Quelle possibilité offre-t-on aujourd'hui aux élus de maîtriser la gestion et la distribution de l'eau ? Quelles politiques publiques leur proposons-nous ?

Nous n'avons pas à inventer un mode de gouvernance radicalement nouveau : les lois de 1964 et de 1992 ont laissé à la disposition des acteurs de la politique de l'eau, avec les agences de l'eau, les comités de bassin et les schémas d'aménagement des eaux, des outils fortement ancrés dans chaque bassin hydrographique. Il est indispensable que les élus y soient majoritaires, et cette majorité doit, à mes yeux, être reprécisée.

La maîtrise publique que nous appelons de nos voeux ne pourra être effective que si elle se manifeste dans tous les maillons de la chaîne, depuis le prélèvement de la ressource jusqu'au service public de l'assainissement.

Dans son dernier rapport public particulier dédié à l'eau, publié en décembre 2003, la Cour des comptes soulignait déjà : « Les chambres régionales et territoriales des comptes ont constaté que les outils dont disposent les collectivités territoriales pour contrôler la gestion de leurs services d'eau et d'assainissement n'étaient pas suffisamment développés. Pourtant, le renforcement de ces outils permettrait aux collectivités territoriales de pouvoir exiger de l'exploitant les informations nécessaires à l'appréciation de la qualité du service. »

Enfin, les associations de consommateurs dénoncent aussi, de manière courageuse, les profits exorbitants réalisés parfois par ces firmes sur le dos des usagers, avec des conséquences graves sur la crédibilité d'élus locaux.

La maîtrise publique est nécessaire pour mieux gérer cette ressource rare et précieuse qu'est l'eau. Elle exige, au préalable, une transparence à toute épreuve, un contrôle étroit et permanent des collectivités élues et enfin, évidemment, une meilleure implication des usagers de l'eau, quels qu'ils soient ; je pense notamment aux consommateurs, aux pêcheurs, aux organisations agricoles et industrielles. C'est aussi par le dialogue que l'on avancera et que l'on préviendra de nombreux conflits d'usage.

Eau et assainissement demandent donc plus de transparence, mais surtout une gestion partagée et mutualisée : l'eau est le bien de tous. C'est pourquoi plusieurs démarches sont à maintenir, ou à rétablir après l'examen du texte à l'Assemblée nationale : plus de démocratie dans la lecture des prix de l'eau ; une taxe départementale assurant, à travers les politiques des conseils généraux, dans un souci de péréquation et de solidarité territoriale, un soutien précieux à l'alimentation d'un fonds départemental ; la remise en place des services publics d'assainissement non collectif - SPANC -, correspondant à un service mutualisé, au service de tous et notamment des petites communes, puisque cette mesure a été retirée à l'Assemblée nationale sous la pression de grands groupes.

Puissions-nous un jour, comme l'a dit notre collègue François Fortassin, voir la création d'un ministère de l'eau, tant cette question est fondamentale pour la vie demain ! Nos amendements, madame la ministre, iront dans ce sens.

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