Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 7 septembre 2006 à 15h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après huit années d'hésitation et dix-huit mois de travail, cette loi sur l'eau n'est pas devenue un long fleuve tranquille ; elle a fait des vagues, elle a même été source de turbulences, et je voudrais remercier notre rapporteur, Bruno Sido, de son travail d'apaisement.

Car si tout le monde s'accorde à dire que l'eau est devenue un bien précieux, une valeur patrimoniale, des divergences fortes existent entre les différents utilisateurs : les particuliers, les pêcheurs, les industriels, les agriculteurs et les collectivités locales.

L'objectif de cette loi ne doit pas être de focaliser les esprits, de condamner certains utilisateurs, notamment les agriculteurs et les industriels, trop souvent considérés comme la source de tous les maux. Car nous sommes tous des consommateurs et des pollueurs en puissance. Alors, de grâce, cessons de nous donner les uns les autres des leçons ! L'objectif est bien de concilier les usages des uns et des autres et non des uns contre les autres.

Comment faire en sorte de mieux gérer les ressources d'eau en quantité et en qualité ?

Pour ce qui est de la quantité, tout d'abord, il faut avant tout donner les bonnes informations sur la rareté de l'eau, faire le lit de cette idée selon laquelle c'est la surconsommation d'eau qui provoquerait la sécheresse.

Il faut savoir que, sur vingt-cinq ans, la pluviométrie reste stable dans notre pays. Autrement dit, ce n'est pas l'irrigation ou la surconsommation d'eau qui cause la sécheresse, mais bien la sécheresse qui cause la surconsommation.

Parallèlement, il nous faut tenir compte aujourd'hui de l'augmentation de l'effet de serre, qui est la cause du changement climatique, avec des périodes sèches et chaudes plus longues et des périodes de pluie plus courtes et plus intenses.

Cependant, même si les quantités de pluie restent identiques, force est de constater que l'eau ruisselle et s'écoule plus rapidement vers les rivières, vers la mer, et que les nappes phréatiques se rechargent par conséquent moins facilement.

Pour illustrer mon propos et relativiser la situation, je voudrais vous citer quelques chiffres concernant le département du Cher.

Selon des enquêtes, il y tombe chaque année de 600 à 650 millimètres d'eau, soit 4, 5 milliards de mètres cubes d'eau de pluie, dont 2, 5 milliards s'évaporent, sont consommés par l'homme et par la végétation ou pénètrent dans le sol, et 2 milliards s'écoulent dans les rivières. Sur ces 4, 5 milliards de mètres cubes d'eau de pluie, seuls 230 millions sont consommés, soit 5 %.

En réalité, ce chiffre se décompose en 180 millions de mètres cubes d'eau potable, dont 30 millions retournent dans le sol à cause des fuites importantes des réseaux existants, tandis que 50 millions de mètres cubes font l'objet d'une utilisation industrielle ou servent à l'irrigation ; la comparaison de ces deux derniers chiffres me paraît d'ailleurs instructive.

Ces données démontrent en tout cas que les consommations d'eau restent dérisoires par rapport à la pluviométrie, que la consommation industrielle et agricole est stable par rapport à la consommation humaine et aux pertes d'eau dans nos réseaux.

Aujourd'hui plus qu'hier, pour éviter les conflits d'usage, il est urgent de constituer des réserves de substitution, des chargements artificiels de nappes, comme au Pecq, dans les Yvelines, commune administrée par notre collègue Alain Gournac, et de donner aux collectivités les moyens de revoir le réseau d'eau potable, où il arrive que plus de 25 % de l'eau traitée se perde dans des fuites.

Nous devons poser le problème de façon pragmatique et technique, car le dogmatisme n'apporte pas de solutions concrètes.

D'ici à 2030, si nous ne faisons rien, comme le préconisent certains, nous aurons beau faire des économies d'eau, interdire l'irrigation, faire payer des redevances plus lourdes, assurément, nous aurons malgré tout des problèmes d'alimentation, parce que le changement climatique ne va pas s'inverser du jour au lendemain.

De tout temps, les Égyptiens, les Romains, puis les moines au Moyen Âge dans nos campagnes, ont su prendre des mesures pour retenir l'eau dans des réserves, en vue de satisfaire les besoins humains et, déjà, les besoins économiques.

Aujourd'hui, de nombreux pays ont compris les enjeux et ont réalisé des réserves de substitution, que ce soit en Espagne, aux États-Unis et même à Cuba.

Gérer, c'est prévoir. La loi doit prendre en considération ces principes, pour que soient maîtrisées en même temps une qualité et une distribution adaptées aux besoins saisonniers des uns et des autres.

Dans notre pays, permettez-moi de citer en exemple le département de Charente-Maritime. Notre collègue Michel Doublet, président d'un important syndicat d'eau, m'a reçu dans son département : il a été l'un des pionniers dans ce domaine en créant des réserves de substitution importantes, permettant de satisfaire les besoins des consommateurs, des pêcheurs, des industriels, des agriculteurs et, récemment, des ostréiculteurs, en lâchant 400 000 mètres cubes dans les marais afin d'adoucir l'eau devenue trop salée pour l'ostréiculture.

Voilà un bel exemple de gestion partagée de la ressource en eau en termes de quantité et de qualité !

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