« Eau et bois, c'est tout un ; qui dit l'un dit l'autre ; ce sont deux membres d'un seul et même corps. On est cependant forcé de convenir que la prédominance appartient aux forêts ; car elles sont la cause ; l'eau n'en est que la conséquence. En effet, un sol boisé, rempli de sources, vient-il à être mis à nu, peu à peu celles-ci s'affaiblissent, puis elles disparaissent. Que si, au contraire, on se met à boiser une contrée précédemment desséchée et aride, bientôt les rosées deviennent plus abondantes, de petites sources se montrent et, avec le temps, leur volume augmente. Aussi a-t-on depuis longtemps reconnu ce principe, et réuni ces deux choses sous la dénomination générale des eaux et forêts. »
Ces quelques phrases, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je les ai tirées du livre les Arbres et la Civilisation, publié en 1868 par Élie-Abel Carrière, horticulteur et botaniste français né en 1818, également auteur de l'Arbre généalogique du groupe pêcher, de l'Étude générale du genre pommier, entre autres ouvrages. Si Élie-Abel Carrière a peu écrit sur la forêt, l'hommage qu'il rend au rôle de celle-ci dans la gestion de l'eau me paraissait mériter d'être cité au moment où nous réétudions ce projet de loi sur l'eau.
C'est dire combien ce texte est important pour la forêt et les forestiers, qui souhaitent que leur point de vue soit pris en compte.
En effet, les forestiers, publics ou privés, au nom desquels je m'exprime ici, voudraient que leur rôle soit mieux reconnu par la loi et que celle-ci permette une amplification du service environnemental assuré par la forêt et la gestion forestière en faveur de l'eau.
Malheureusement, nous avons en quelque sorte « raté » la première lecture devant notre Haute Assemblée. Nos propositions ont été plus ou moins prises en compte lors de la première lecture à l'Assemblée nationale : certaines n'ont pas été retenues, d'autres l'ont été, mais trop peu.
Pour que les rôles de la forêt au bénéfice de l'eau soient mieux reconnus par la loi, au nom de l'association nationale France Forêts, quelques collègues et moi-même avons déposé quatre amendements.
Le premier, à l'article 14 quater, est le plus novateur et c'est aussi celui qui, peut-être, nous créera le plus de difficultés : il vise à ce que, lorsqu'un captage est créé en forêt - qu'elle soit publique, résultat que nous avons obtenu devant l'Assemblée nationale, ou privée -, la voie conventionnelle soit préférée à celle de l'expropriation afin d'assurer la préservation et l'amélioration de la qualité de l'eau.
Le deuxième amendement, à l'article 32, ouvre la possibilité de conventions entre propriétaires forestiers et gestionnaires de la ressource en eau pour développer une gestion forestière axée sur le service environnemental rendu par la forêt.
Les deux derniers amendements, à l'article 36, tendent à confirmer les rôles joués par la forêt en faveur de la qualité de l'eau et dans la prévention des crues.
J'ai conscience, madame la ministre, que mon intervention dans ce débat est assez marginale, puisque le projet de loi porte sur l'eau et trop peu sur la forêt. Je tenais néanmoins à intervenir dans cette discussion générale, fût-ce à la fin, pour donner ce petit accent « vert ».