Intervention de Nelly Olin

Réunion du 7 septembre 2006 à 15h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de répondre à chacun d'entre vous.

Monsieur Ambroise Dupont, vous avez évoqué l'enjeu de l'assainissement non collectif en milieu rural. Le texte du projet de loi apporte de nombreuses améliorations qui permettront aux élus d'offrir un service complet à leurs concitoyens et de ne pas se limiter ainsi au seuil de contrôle, ce qui est souvent mal perçu par la population et ne répond pas forcément à ses besoins.

Je tiens à souligner que le dispositif qui vous est proposé actuellement sera amélioré par les amendements de votre rapporteur tendant à ce que les communes puissent décider si elles assurent elles-mêmes les modalités de contrôle de l'assainissement non collectif, soit directement par leur service d'assainissement non collectif, soit en recourant à des sociétés privées.

Je tiens donc, monsieur le sénateur, à rassurer les élus sur ce point, qui a fait l'objet de nombreuses interventions.

M. Laffitte a fort justement insisté sur le défi majeur du xxie siècle : le changement climatique. Je rappelle que le Gouvernement conduit une action de fond sur ce thème.

La France respecte ses engagements au titre du protocole de Kyoto depuis 2002. Mais nous savons que nous devons aller au-delà et, je l'ai dit ce matin, nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Pour y parvenir, le Gouvernement a mis en place des incitations fiscales pour développer les énergies renouvelables : chauffe-eau solaires ou isolation des bâtiments. Ces aides rencontrent un très grand succès auprès de nos concitoyens. Les énergies renouvelables se développent à un rythme sans précédent ; le parc éolien a été multiplié par cinq en trois ans, par exemple.

Pour autant, il ne serait pas raisonnable de transformer nos rivières en une succession de microcentrales dont l'impact cumulé sur nos cours d'eau serait très néfaste, pour un bénéfice énergétique réduit, et qui ne correspondrait pas non plus à nos besoins en période de pointe. Nous préférons, au contraire, permettre de mieux utiliser l'énergie hydroélectrique à partir des ouvrages existants afin de minimiser l'impact sur le milieu.

Madame Didier, vous signalez à juste titre l'importance du respect de nos engagements européens. Je tiens à préciser que, depuis l'automne dernier, la France est totalement à jour des transpositions de directives européennes en matière d'environnement. En un an, nous avons aussi réduit de moitié les contentieux européens et les retards accumulés avant 2002. J'espère donc, madame la sénatrice, vous rassurer sur ce point très important : la France reconquiert sa crédibilité au niveau européen.

S'agissant des services publics, et particulièrement de celui de l'assainissement non collectif, les précisions que je viens de donner sur ce sujet devraient vous rassurer. Il ne s'agit nullement de remettre en cause les services publics existants, mais d'offrir plus de possibilités aux communes dans l'exercice de leurs responsabilités. On ne saurait donc parler de « marchandisation ». De plus, la loi prévoit plusieurs mesures qui renforcent la transparence dans le domaine des services publics de l'eau et de l'assainissement.

M. Biwer a raison de considérer qu'il convient de simplifier le dispositif des redevances et de l'harmoniser entre bassins. C'est un des objectifs majeurs de ce projet de loi.

Le transfert du FNDAE aux agences de l'eau a permis de relancer les investissements en milieu rural dont le rythme commençait à s'essouffler. Le projet de loi prévoit au moins 1 milliard d'euros pour ces aides spécifiques qui viennent, j'y insiste, en supplément des aides traditionnelles des agences. C'est le double des fonds alloués auparavant par le FNDAE, ce qui est loin d'être négligeable. Cependant, il me paraît difficile d'aller jusqu'à 1, 5 milliard d'euros.

S'agissant du dispositif des avances remboursables consenties par les agences, il est apprécié par nombre de ses bénéficiaires, et je ne pense pas qu'il faille le supprimer. En revanche, il conviendrait de l'encadrer plus strictement, car il nécessite de lever plus d'argent public. Cela fait partie des objectifs à prendre en compte dans la préparation des neuvièmes programmes des agences de l'eau.

Enfin, M. Biwer a évoqué la question du coût du contrôle de la qualité de l'eau potable. Il ne me semble pas possible de subordonner la fréquence de ces contrôles sanitaires à des considérations économiques.

En effet, le jour où nous serons confrontés à un vrai problème sanitaire, tout le monde montrera l'État du doigt alors qu'il ne sera pas nécessairement le responsable, ou bien on dira que les services ont failli à leur contrôle. C'est pourquoi nous devons, me semble-t-il, être extrêmement prudents sur ce point.

Monsieur Raoult, vous contestez, même si c'est en termes très aimables, le fait que ce projet de loi soit ambitieux. Permettez-moi de m'en étonner ! Qu'il s'agisse d'irrigation, de lutte contre les pollutions diffuses ou encore d'amélioration des services de l'eau et d'assainissement, ce texte tend à nous fournir, notons-le tout de même, de vrais outils nouveaux ! Je tiens d'ailleurs à saluer la contribution du Parlement.

Je citerai, notamment, la création d'un taux majoré de redevance pour les pesticides les plus toxiques par rapport à l'actuelle taxe générale sur les activités polluantes, la possibilité d'organiser la gestion de l'eau d'irrigation par quota ou encore la possibilité d'imposer dans les bassins versants des évolutions de pratiques agricoles pour lutter contre les pollutions diffuses.

D'autres mesures ont été mises en oeuvre : la protection contre les inondations, grâce à la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, la simplification des procédures d'établissement des périmètres de captage avec la loi de 2004 relative à la politique de santé publique, la protection des zones humides mise en place par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, avec, là encore, une exonération de la taxe sur le foncier non bâti.

Cela étant, monsieur le sénateur, un point nous rassemble : la volonté de voir cette loi promulguée. Nous mettons tout en oeuvre pour y parvenir. L'inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire de ce texte en est un signe tangible.

Enfin, je vous informe que le Premier ministre a accepté, à ma demande, de dégeler 10 millions d'euros du budget de mon ministère pour les verser au ministère de l'agriculture. Ainsi pourra se poursuivre cette année, et avant l'entrée en fonction du FEADER, fonds européen agricole pour le développement rural, prévue en 2007, la signature des contrats d'agriculture durable pour les sites Natura 2000 sur lesquels les documents d'objectifs sont approuvés.

Monsieur Murat, à l'instar de plusieurs de vos collègues, vous avez soulevé la question des eaux libres et des eaux closes.

En ce qui concerne la définition des eaux closes, comme vous, je pense que le rapport de Mme Vestur apporte des solutions. Il faut un dispositif adapté aux conditions particulières, notamment aux zones de montagne. C'est l'objet du décret que prépare le Gouvernement. J'en présenterai les grandes lignes quand nous aborderons l'article correspondant.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que cela n'aboutira pas à une quelconque « privatisation tous azimuts » des eaux. J'y veillerai tout spécialement dans le décret d'application qui sera rédigé en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Comme plusieurs de vos collègues, vous avez aussi évoqué le coût des analyses de l'eau potable. Ce coût est répercuté sur le prix de l'eau : il est donc assumé par le consommateur. Il n'est malheureusement pas possible d'assimiler les analyses à des investissements pour pouvoir bénéficier du fonds de compensation de la TVA.

Monsieur Fortassin, vous avez insisté, ainsi que de nombreux autres orateurs, sur la nécessité d'accroître la mobilisation des ressources en eau.

Je souscris à cet objectif dès lors qu'il ne remet pas en cause les équilibres fragiles des écosystèmes aquatiques et qu'il se fait dans des conditions économiques rationnelles. Je n'ignore pas le rôle important que joue le canal de la Neste dans le maintien des équilibres écologiques des rivières du Gers.

Nous devons utiliser simultanément tous les outils qui existent pour améliorer la gestion de la ressource en eau, tels que la gestion collective de l'eau, qui sera renforcée par ce texte, ou encore l'évolution des pratiques agricoles dans des secteurs qui connaissent des déséquilibres trop forts.

Je salue à ce titre les efforts qui ont été fournis par le monde agricole en 2004 et en 2005.

Vous estimez ce projet de loi trop écologiste ! Je ne veux pas y voir une critique, car l'écologie, dans mon esprit, n'est pas ennemie de l'économie. Au contraire, l'ambition du projet est de concilier et non d'opposer ces deux piliers du développement durable.

M. Jean Boyer a évoqué la prévention des inondations, soulevant ainsi une question importante dans le contexte de changement climatique que nous connaissons.

Les outils ont été renforcés par la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels. Cela explique que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui accorde moins de place à cette question.

Je présenterai un amendement visant à élargir le domaine d'intervention du « fonds Barnier » pour le financement de la prévention. Il tendra à renforcer nos programmes de prévention des inondations, comme je l'ai annoncé le 12 juillet dernier.

Je partage avec M. Bockel l'idée selon laquelle il est préférable de prévenir les pollutions et de réduire les investissements, qui renchériraient le prix de l'eau et pèseraient sur les budgets des familles... Il s'agit là, naturellement, de l'un des objectifs centraux de ce projet de loi.

Il convient aussi de savoir prendre en compte les situations de précarité de certains de nos concitoyens dans l'accès à l'eau, et je voudrais rappeler les avancées réalisées par le Gouvernement en ce domaine. Je citerai notamment la loi du 9 août 2004 qui tend à clarifier les dispositifs d'aides aux plus démunis avec l'intervention du fonds social au logement et la loi portant engagement national pour le logement, promulguée en juillet dernier, qui interdit les coupures d'eau en hiver.

Monsieur Le Grand, je souhaite tout d'abord vous dire à quel point j'apprécie le travail que vous accomplissez au sein du Cercle français de l'eau. En qualité de président de cet organisme, dont les travaux sont vraiment d'une grande utilité, vous l'animez avec un enthousiasme... communicatif.

Vous avez souhaité nous rappeler que le droit à l'accès à l'eau, malgré des actions concrètes comme celles que je viens de citer, ne bénéficie pas d'une reconnaissance formelle et vous proposez d'insérer dans le projet de loi une disposition tendant à le consacrer. Je salue cette démarche ainsi que votre esprit pionnier ! Je suis bien sûr favorable à cette avancée, sur laquelle le Gouvernement a lui-même déposé un amendement.

Madame Férat, je vous remercie particulièrement de votre intervention. Vous avez mis l'accent sur l'importance de la formation et la nécessité d'agir sur l'éducation de nos enfants. Cette orientation, que partage totalement mon ministère, est clairement affirmée à l'article 36 du projet de loi.

Je ne puis également qu'être sensible à la prise en compte des particularités de la viticulture champenoise, déjà largement intégrées dans le programme de l'agence de l'eau.

Enfin, concernant l'évaluation de la pollution brute des activités saisonnières, vous aurez noté que l'article 37 du projet de loi apporte des atténuations sensibles par rapport au système actuel, qui prend en considération le jour moyen d'activité maximale.

M. Pastor a soulevé, comme beaucoup d'autres intervenants, la question de l'assainissement non collectif, mais aussi celle de la création de ressources. J'ai évoqué ces points à plusieurs reprises et j'espère que les éléments que je viens de fournir répondront à ses interrogations.

L'examen des articles et des différents amendements nous permettra, s'il le souhaite, d'approfondir la discussion.

Monsieur Pointereau, vous avez largement évoqué la question de la gestion quantitative de la ressource en eau et du lien existant avec le changement climatique, comme le démontrent la sécheresse de cet été et celles des années précédentes.

Comme vous, je pense que le plus grand danger serait une position dogmatique ! Cette dernière ne permettrait pas de tirer avantage des différentes solutions que nous pouvons mettre en oeuvre.

Comme je l'ai dit précédemment, nous devons agir par bassins versants en combinant les différents outils disponibles. La création de ressources ne saurait faire l'objet d'un tabou, sans être pour autant la panacée. Tout est question d'équilibre et de bonne gestion. §

Permettez-moi néanmoins, monsieur le sénateur, de m'interroger sur le chiffre que vous avez cité concernant la part du budget des agences de l'eau consacrée à leurs frais de fonctionnement et d'étude. Si mes données sont exactes, elle est inférieure à 15% : nous sommes donc loin des 70% que vous avez évoqués. Il serait peut-être utile que vous procédiez à une vérification !

Monsieur Dubois, vous avez notamment évoqué le rôle de sentinelle que jouent les pécheurs. Je vous rejoins pleinement : les pêcheurs sont des observateurs irremplaçables. C'est pourquoi je ne serais pas défavorable à ce que les fédérations de pêche puissent mettre en place, dans certaines conditions, des agents de développement qui renforceraient la surveillance des milieux.

Vous avez également évoqué l'installation de compteurs d'eau dans tous les appartements HLM. C'est une idée séduisante ! Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a introduit, sur ma proposition, une disposition qui tend à prévoir la présence obligatoire de compteurs d'eau dans les logements collectifs neufs. En effet, nous ne pouvions pas, à nouveau, entamer une série de constructions sans prévoir cette installation a priori !

Évidemment, cela ne règle pas la question des immeubles locatifs anciens, que vous avez raison de soulever. Toutefois, pour le moment, il me paraît difficile de prévoir la même obligation dans les logements existants : dans certains immeubles, le coût serait prohibitif.

Pour autant, nous devrons progresser dans ce domaine afin que chacun paye l'eau qu'il consomme ; cela peut inciter à changer de comportement et à économiser.

Monsieur Texier, vous avez soulevé la question de la redevance-élevage.

Je tiens tout d'abord à rendre hommage à tous les parlementaires qui se sont mobilisés, sous l'autorité du rapporteur, pour réaliser un travail préparatoire à partir des avancées adoptées à l'Assemblée nationale. Simplicité et équité sont les maîtres mots qui ont guidé les débats.

S'agissant d'abord de simplicité, la référence à l'unité de gros bétail constitue un grand progrès et évitera une lourde paperasserie, souvent inutile et coûteuse pour les agriculteurs et les agences de l'eau.

Pour ce qui est de l'équité, vous avez su tenir compte de différents critères tels que la taille de l'exploitation, l'extensification de la production ou encore les bonnes pratiques d'alimentation du bétail.

Je serai particulièrement attentive à l'ensemble des propositions qui seront présentées, car chaque coefficient a des conséquences qui doivent être analysées précisément. Je souhaite que nous arrivions à une solution équilibrée, où personne ne doit être lésé.

Mme Dominique Voynet n'est plus là, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion