Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m'apparaît particulièrement important, comme à vous tous, que la discussion des articles du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques s'ouvre sur ces quatre amendements qui traitent du droit à l'eau, droit important s'il en est.
Je tiens à rappeler qu'en tant que président du groupe d'études sur l'eau, je représentais le Sénat au sein de la délégation française participant au IVe Forum mondial de l'eau, et je vous remercie encore, madame la ministre, d'avoir eu le souci d'associer ainsi la représentation nationale.
Lors du Forum de Mexico, la question du droit à l'eau, c'est-à-dire de l'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous, faisait partie des thèmes prioritaires défendus par le partenariat français pour l'eau et il a été reconnu comme fondamental par la majorité des pays participants au Forum.
Je tiens à dire à ce sujet qu'il n'y a rien de tel que d'aller sur place. J'ai pu constater comme vous, madame la ministre, que les jeunes, même les moins fortunés, ne buvaient que de l'eau minérale, car l'eau en bouteille est, là-bas, la seule eau potable ; il n'est pas question de boire l'eau du robinet.
Tout le monde s'accorde désormais sur la définition du droit à l'eau, à savoir « le droit pour toute personne, quel que soit son niveau économique, de disposer d'une quantité minimale d'eau de bonne qualité, qui soit suffisante pour la vie et la santé ».
Le droit à l'eau fait ainsi partie intégrante des droits de l'homme et du droit à la santé. Il s'agit d'un bien social car, comme l'air, il est indispensable à la survie de tout homme. C'est pourquoi l'article L. 210-1 du code de l'environnement, article fondateur de notre politique de l'eau, affirme que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation ».
Bien social, l'eau est également un bien économique de grande valeur, et chacun reconnaît qu'elle ne saurait être gratuite, car elle ne peut être gaspillée.
Mais cette approche économique ne s'apparente pas à une vision commerciale, car l'eau est tout sauf une simple marchandise qui pourrait être régulée par les seules forces du marché, puisqu'elle est essentielle à la vie humaine.
Cette conception du droit à l'eau justifie pleinement que les pouvoirs publics se saisissent de cette question. Cette mobilisation est effective à tous les niveaux, et tout particulièrement à celui des collectivités territoriales.
Le Forum de Mexico, mais également d'autres instances ou réunions internationales oeuvrent, sur le plan mondial, en vue d'améliorer la situation qui est encore dramatique pour près d'un milliard d'êtres humains qui n'ont toujours pas accès à l'eau potable, et la France est partie prenante à ce combat. À titre d'exemple, la récente loi Oudin-Santini, en autorisant les collectivités territoriales et les agences de l'eau à consacrer 1 % de leurs ressources à la coopération internationale dans le domaine de l'eau, traduit cet engagement et il faut s'en féliciter.
J'en arrive maintenant à l'avis de la commission sur les amendements n° 172, 278 rectifié, 450 et 508, qui tendent tous quatre à inscrire dans la loi un accès à l'eau pour tous.
Tout en souscrivant à la philosophie qui les sous-tend, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 278 rectifié de Mme Evelyne Didier et 450 de M. Jean Desessard.
Le premier, qui décrit très bien les conséquences de ce droit à l'eau pour les services publics de distribution d'eau et d'assainissement, est, nous semble-t-il, trop détaillé et s'ajoute aux dispositifs déjà existants en droit français depuis l'adoption de la loi de 1992 relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle, de la loi d'orientation de 1998 relative à la lutte contre les exclusions et, tout récemment, de la loi portant engagement national pour le logement.
L'affirmation contenue dans l'amendement n° 450 est généreuse dans son principe, mais elle n'est pas réaliste - je pense en particulier à la gratuité du premier mètre cube d'eau - et elle doit être écartée.
Les amendements n° 172 et 508 définissent le droit à l'eau comme l'accès à l'eau potable à des conditions économiquement supportables.
La préférence de la commission va à l'amendement n° 508 du Gouvernement, qui codifie ce droit dans l'article L. 210-1 du code de l'environnement. Il s'agit, en effet, d'une affirmation de portée générale, qui va désormais encadrer tous les dispositifs de mise en oeuvre de ce droit existant et à venir. Il est important qu'elle figure dans cet article qui, je le répète, fonde la politique de l'eau en France.
Néanmoins, et malgré l'accord de la commission sur le contenu de cet amendement, celle-ci s'est interrogée sur sa recevabilité compte tenu de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel s'agissant de la recevabilité des amendements en deuxième lecture.
C'est pour cette raison, et uniquement pour celle-là, madame la ministre, que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 508.
Monsieur Le Grand, nous étions ensemble à Mexico, et je tiens à témoigner ici de votre engagement, en tant que président du Cercle français de l'eau, pendant ces quelques jours. Je tenais à vous en remercier personnellement.
Cela étant dit, monsieur Le Grand, la commission vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 172, mais vous avez d'ores et déjà indiqué votre intention de le faire.