Intervention de Saïd Ahamada

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 février 2023 : 1ère réunion
Continuité territoriale entre l'hexagone et l'outre-mer — Audition de Mm. Maël Disa président saïd ahamada directeur général et Mme Florence Svetecz secrétaire générale de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité ladom

Saïd Ahamada, directeur général de l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM) :

Je propose de reprendre le fil sur les plafonds de ressources. Il est vrai que le plafond est bas. Nous avons engagé des actions, notamment avec la DGFIP. Nous souhaitons avoir la connaissance du nombre de personnes qui pourraient potentiellement s'adresser à LADOM, sur chacun des territoires. À Mayotte, par exemple, où le niveau de richesse est relativement bas par rapport aux autres territoires ultramarins, et encore davantage par rapport à l'Hexagone, il se trouve plus de personnes potentiellement éligibles que sur d'autres territoires d'outre-mer. Il est important de commencer par bien savoir de quoi l'on parle et de connaître le public éligible, ce qui nous permettra de savoir de manière très objective si, rapporté à la population, nous avons un impact potentiel sur les territoires. Si 1 % de la population d'un territoire est éligible aux aides de LADOM, il faut que l'on se pose réellement la question du plafond de ressources. Dans ce cas, il est clairement trop bas, ce qui rejoint d'ailleurs ce que disait Madame la sénatrice Catherine Conconne sur le fait de territorialiser nos aides. Si à Mayotte une personne sur deux est concernée, alors il est possible d'affirmer que le plafond de ressources est au bon niveau. Tel est le premier niveau de réflexion.

Second niveau de réflexion, il est important de connaître notre « taux de couverture », même si cette expression n'est pas très heureuse. Il s'agit de déterminer sur le potentiel existant dans les territoires, combien de personnes s'adressent à LADOM. Celles qui ne s'adressent pas à nous peuvent ne pas avoir de projet ou ne pas nous connaître. En tout cas, en comparant les territoires, on peut déterminer par exemple que nous touchons une personne sur deux en Martinique, qu'une personne sur deux s'adresse à nous ou s'est adressée à nous pour des projets de mobilité, qu'ils aboutissent ou pas, tandis que nous ne touchons qu'une personne sur quatre, voire moins, dans d'autres territoires. Ces éléments constituent des indicateurs d'activité importants, pour savoir où faire porter l'effort et déterminer ce qui est adapté ou non. Jusqu'à présent, ce travail n'a pas été mené. L'engager nous permettra d'être plus proches des territoires et de leur réalité, de leur niveau de vie. Comme je le disais, nous sommes régis par le code des transports. Or, le code les transports permet justement d'appliquer des plafonds de ressources adaptés au niveau de vie des territoires. C'est donc une approche territorialisée que l'on peut porter ou que l'on va essayer de porter, pour proposer des solutions adaptées, dans la mesure où les territoires sont très différents. Vous le savez aussi bien que moi : même s'il existe des points communs, il existe tout de même aussi de grosses différences, que nous devons être en capacité de prendre en compte.

De son côté, la démographie de certains territoires constitue un autre sujet d'importance, qui nous inquiète peut-être mais en tout cas nous interpelle tous. Nous devons tous travailler à une meilleure attractivité de certains territoires, que l'on parle des outre-mer mais aussi de certains territoires ruraux. Sur ce point, il est important d'opérer des distinctions et placer les responsabilités au bon niveau. Notre rôle - j'ai un peu insisté sur ce point et je me permets de le faire à nouveau - est de faire en sorte que le champ des possibles soit le même pour tous. Prenons l'exemple des étudiants. Cela signifie en creux qu'être né en Martinique ne doit pas devenir une « assignation à résidence ». On ne peut pas dire à un jeune Martiniquais ou un jeune Guadeloupéen que puisqu'il est né dans ce territoire, il doit absolument y revenir, tout comme on ne peut pas dire à un Breton qu'il doit revenir en Bretagne parce qu'il y est né, sous prétexte que le territoire se dépeuple. Il me semble que la promesse républicaine ne peut pas être celle-là. Il se peut que je me trompe et que les orientations politiques prennent une autre orientation, mais à mon sens ce n'est pas la promesse républicaine.

En revanche, et c'est pour cette raison que je parlais de mobilité dans les deux sens, notre rôle doit aussi être d'accompagner celles et ceux qui veulent revenir ou qui veulent venir. Je pense que ce sujet peut concerner et doit concerner les ultramarins qui veulent revenir, mais aussi n'importe quel Français qui aurait un projet de vie dans ces territoires. À mon sens, cette mission n'est pas inscrite dans le code des transports. Nous n'avons pas le droit de le faire à l'heure actuelle. Il faut être tout à fait clair là-dessus, et c'est ce que je souhaite porter. Sans rien dévoiler, je crois pouvoir dire que le ministre est complètement ouvert à cela et qu'il souhaite que la mobilité se fasse dans les deux sens. Pour quelque raison que ce soit, et notamment pour servir les besoins du territoire, c'est un sujet qu'il a évoqué à chaque fois que je l'ai rencontré. Je fais ici le lien avec les métiers en tension. Nos partenariats, notamment avec les régions d'outre-mer, mais aussi avec quasiment toutes les régions hexagonales, nous permettent d'offrir aux populations ultramarines des formations dans les métiers en tension. C'est ce que nous allons essayer de mettre en avant et de promouvoir. Nous nous en acquittions jusqu'à présent tous azimuts, en fonction du besoin personnel, comme le disait Florence Svetecz, si une personne porte un projet individuel de formation dans ce domaine, si une aide lui donne la possibilité de le faire et si la formation n'existe pas sur le territoire ou sur la zone. En parallèle, il faut aussi qu'il soit possible d'actionner des dispositifs existants sur les métiers en tension, sur chaque territoire. Sur ce point, nous comptons sur les élus locaux et les régions pour nous indiquer quels sont les métiers en tension afin que nous puissions proposer cette offre. De même, et c'est là tout l'avantage de compter autant d'antennes en France hexagonale, il s'agit aussi d'informer sur les métiers en tension auxquels ils peuvent accéder en se formant, s'ils n'ont pas encore suivi de formation, ou pour avoir des chances d'obtenir un travail de manière plus sûre. Je rejoins complètement Madame la sénatrice Catherine Conconne sur le fait que ce retour doit être mieux accompagné.

Depuis que je suis en responsabilité, c'est-à-dire depuis quelques semaines et Florence Svetecz pourrait en témoigner, c'est ce que j'indique à tous les acteurs que je rencontre. Nous sommes complètement alignés sur cet aspect-là avec le ministre, donc j'ai bon espoir que nous y arrivions. Comme le disait Maël Disa, cela dépendra aussi des moyens que nous donnera la représentation nationale pour exercer ces nouvelles missions, que nous proposerons. Nous ferons aussi les économies nécessaires, sachant que de nouvelles missions supposent une nouvelle organisation. Nous avons la chance de compter déjà des antennes, mais cela nécessitera peut-être une nouvelle réorganisation. Nous analyserons aussi quelles seront les implications financières. Vous serez évidemment associés à ces choix stratégiques.

Pour répondre ensuite à votre question sur les talents je laisserai Florence Svetecz évoquer le volet financier - ce sont des démarches que nous menons déjà et que nous voulons développer. Sur ce point, le ministre a été très clair. Les talents concernés sont les acteurs culturels et les sportifs. Il faut qu'ils puissent être accompagnés, si tant est qu'ils connaissent les services de LADOM, ce dont je ne suis pas certain. Je n'ai pas encore fait le tour des outre-mer mais j'en connais certains pour d'autres raisons. Je ne suis pas certain que tous les habitants des outre-mer sachent que LADOM peut accompagner des acteurs du domaine culturel, des artistes ou des sportifs. Il faut développer cet axe. Un travail de communication doit être mené, ce qui rejoint d'ailleurs la question de l'accueil et de la communication de LADOM sur les territoires. J'ai fait état tout à l'heure d'une consolidation de nos acquis. C'est exactement cela. Pour devenir cet acteur de la mobilité sur les territoires, LADOM doit être vue et doit être connue, ce qui passe évidemment par de la communication, mais aussi par un accueil de qualité et un accueil téléphonique de qualité. Je laisserai là aussi Florence Svetecz nous dire ce qui a déjà été fait, notamment en matière d'outils informatiques. J'étais d'ailleurs hier en démonstration, pour améliorer cet accueil. Je rejoins complètement la réflexion qui a été formulée. Certaines personnes peuvent naturellement passer par des supports dématérialisés, et nous ferons en sorte que ce soit optimal, tandis que d'autres personnes, plus nombreuses dans notre public que dans d'autres publics qui s'adressent à des administrations, n'ont pas cette capacité d'emprunter la voie dématérialisée. C'est bien pour les aider que nous disposons d'antennes sur le territoire. Sinon, nous n'aurions même pas vocation à être présents physiquement sur les départements ou les régions d'outre-mer ou de l'Hexagone. Cet accompagnement doit encore être amélioré et j'aurai l'occasion d'en discuter, pour nous adapter en fonction des environnements locaux et pour faire en sorte que l'accueil soit le meilleur possible.

Pour autant, et je vois le sénateur Thani Mohamed Soilihi devant moi, au regard de l'écart entre Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne, l'accueil ne peut pas être le même partout. Il est donc important d'adapter nos dispositifs d'accueil au public et à l'environnement local. Sur ce point, je pourrai réellement vous apporter une réponse définitive, ce qui figurera d'ailleurs dans le projet 2024, lorsque j'aurai fait le tour des territoires, avant la mi-2023, pour être opérationnel le plus vite possible. C'est l'une de mes priorités. Je propose à présent que Florence Svetecz évoque le sujet des talents.

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