Mayotte est presque l'exemple le plus emblématique de la cherté des billets, avec à la fois un territoire parmi les plus pauvres de France et un prix du billet qui est parmi les plus élevés, et je fais l'impasse sur les COM où - vous avez raison, Madame la sénatrice - on atteint des sommets. À l'échelle de Mayotte, il est vrai que les prix sont totalement exorbitants. Nous avons tous en tête des situations de familles qui souhaitent voyager, ce qui coûte entre 10 000 et 15 000 euros. C'est énorme. Alors qu'il est question de continuité territoriale, c'est une problématique qui constitue une atteinte à la République. C'est un vrai sujet, accentué par la période d'inflation actuelle, mais qui se posait déjà avant dans l'océan Indien ou dans certains territoires particuliers. Ces enjeux sont collectivement devant nous, pour parvenir à assurer la continuité territoriale. Est-ce que l'exemple corse pourra nous aider à aller plus vite et plus loin ? Je ne sais pas. En tout cas, je pense qu'il est plus que temps d'investiguer dans ce domaine.
Au sein de LADOM, pour ce qui est de nos compétences et de notre capacité à agir, nous utiliserons évidemment tous les leviers possibles, même si cela est tout de même assez compliqué quand il n'y a pas de concurrence. C'est pour cette raison que j'indiquais précédemment que si nous lancions un marché, ce serait assez problématique sur certains territoires. Une compagnie d'aviation en situation de monopole ne répond tout simplement pas quand vous lancez un marché. Le marché est alors infructueux et la compagnie continue à appliquer ses prix. Nous menons un travail commun avec le président, avec le ministre et avec les compagnies, étant entendu que des contraintes se posent aussi aux compagnies. Vous connaissez ces contraintes aussi bien que moi, notamment financières. Certaines sont en très grandes difficultés. Il faut l'avoir à l'esprit. Lorsque l'on veut travailler directement avec les compagnies se pose aussi la question des agences de voyages et de leur place dans le dispositif, dans la mesure où nous sommes un gros compte. Tout un pan d'activités pourrait aller vers les compagnies et ne plus passer par les agences, alors qu'il existe de l'emploi local. C'est un sujet complexe, auquel il faut s'atteler. Nous sommes complètement mobilisés sur la question et vous pouvez compter sur nous pour vous amener les éléments nécessaires. En tout cas, c'est une question qui me heurte et me touche car elle relève à mon sens de la cohésion nationale.
S'agissant de la coordination mise en place avec les dispositifs existants, vous avez évoqué le SMA. Il se trouve qu'ils sont localisés au ministère des outre-mer, comme nous. La coopération est donc pleine et entière. J'ai échangé avec le général du commandement du SMA très récemment. C'est un très beau dispositif, que vous connaissez bien mieux que moi. Dès qu'un projet de mobilité émerge sur les territoires, le lien se fait naturellement. En Guadeloupe, nous sommes accolés aux locaux du SMA.
Sans entrer dans le détail des collaborations existantes sur tel ou tel territoire, vous avez très bien évoqué l'importance qu'une personne suive le bénéficiaire, du début jusqu'à la fin. C'est une question lancinante, que l'on rencontre dans les services publics de l'emploi ou dans le domaine de la santé : comment faire en sorte qu'il n'y ait pas de perte, dès lors qu'un besoin est exprimé ? En Martinique, par exemple, un dispositif de collaboration entre les différents organismes a été mis en place, avec une fiche de liaison. Lorsqu'un jeune ou un moins jeune s'adresse à l'un des organismes, la fiche est envoyée à l'organisme qui le reçoit en plus, puis la personne est appelée et prise par la main, en quelque sorte, pour éviter les pertes de projet ou les limiter, car il y en a toujours. Il est important d'instaurer cette démarche sur tous les territoires, notamment pour nos publics. J'appelle de mes voeux cette collaboration avec tous les partenaires possibles et imaginables qui travaillent sur la question de la mobilité. Je souhaite que LADOM soit sur les territoires la porte d'entrée de la mobilité. Dès qu'on pense mobilité, il faut qu'on pense LADOM et ce sera la mission que je confierai à LADOM si cette stratégie est validée, pour que les conseillers en insertion professionnelle (CIP) accompagnent les porteurs de projet, du début à la fin, qu'ils bénéficient ou non d'une aide de LADOM. À mon sens, je pense que beaucoup de personnes s'adresseront à nous sans bénéficier de dispositifs de LADOM, notamment si nous travaillons dans l'Hexagone avec cette question du retour.
Même si nous sortons quelque peu du cadre, se pose aussi la question soulevée par Madame la sénatrice Catherine Conconne sur l'attractivité du territoire. Si l'on ouvrait cette possibilité du retour, nous pourrions déterminer dès la première année pourquoi certains territoires sont plus demandés que d'autres, que ce soit la Martinique, la Guyane, La Réunion, etc. Il est clair que certains territoires feront le plein et que d'autres le feront moins. À mon sens, cela nous poussera collectivement à bâtir pour chacun de ces territoires une stratégie pour améliorer l'attractivité de certaines îles. Pourquoi est-ce que La Réunion ne perd pas de population, alors que d'autres territoires en perdent ? C'est une question à laquelle il va falloir répondre collectivement. Comme Maël Disa le disait, LADOM peut porter beaucoup de responsabilités. Je pense que nous avons notre part de responsabilité dans ce qui se passe dans ces territoires, dans ce qui fonctionne bien et peut-être aussi dans ce qui fonctionne moins bien, mais sur la question de l'appauvrissement humain de ces territoires, je pense honnêtement que ce n'est pas du côté de LADOM qu'il faut regarder.
Sur ce point, j'appelle aussi de mes voeux ce travail collaboratif, sur chacun de ces territoires, pour travailler sur les métiers en tension, sur l'attractivité, sur les besoins des personnes qui veulent s'implanter, sur la présence d'écoles de qualité, sur la qualité du réseau Internet, fibré ou non, etc. C'est nécessaire pour pouvoir télétravailler depuis la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane, alors que l'entreprise se trouve à Paris. Nous avons tous connu des exemples pendant le confinement de personnes qui sont allées très loin pour télétravailler, pourquoi pas dans nos îles ? Comme il y en a eu moins dans nos îles, posons-nous collectivement la question, pour déterminer pourquoi ces territoires n'ont pas fait le plein de télétravailleurs, notamment chez les plus jeunes. C'est un travail qu'il faut mener ensemble. Vous pouvez compter sur nous pour reconnaître la nécessité, à mon sens, que dès qu'une personne s'adresse à LADOM ou porte un projet de mobilité, il faut qu'on s'en occupe. Nous ne nous positionnons pas ici sur une prestation sociale qui n'est pas versée et qui peut être rattrapée le mois d'après. Quand un jeune ou un moins jeune renonce à un projet de vie, c'est toute une vie qui part de côté et qui ne prend pas le chemin qu'elle devrait prendre. C'est là que je ressens le plus de responsabilités, de faire en sorte qu'on ne perde aucun bénéficiaire potentiel qui s'adresse à nous. Il faut que LADOM soit connue, que ceux qui doivent s'adresser à LADOM le fassent et que nous remplissions notre mission d'accompagnement, du début à la fin. C'est là que se situe notre mission, pas ailleurs.