Nous avons le plaisir d'accueillir, dans le cadre d'une audition conjointe entre la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances, MM. David Valence, Bruno Cavagné et Pierre-Alain Roche, respectivement président, vice-président et rapporteur général du Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
Le COI a été institué de manière pérenne par l'article 3 de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation pour les mobilités (LOM), avec pour mission de conseiller le Gouvernement sur la programmation des investissements en matière de mobilité. Il a succédé à la commission « Mobilité 21 », instituée dès 2013, et fait suite au COI de « première génération » de 2018, dont le rapport avait inspiré les travaux sur la LOM. Depuis 2019, le COI a remis trois rapports : le premier, en 2021, sur la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire ; un « bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités » en mars 2022, qui dresse le bilan du premier quinquennat d'Emmanuel Macron en matière de politique de transports ; enfin, le rapport qui nous réunit aujourd'hui qui s'intitule « Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition ».
Ce rapport examine trois stratégies d'investissement possibles à horizon 2042 en matière de transports et ce, dans une optique de transition écologique du secteur.
Avant toute chose, pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de votre rapport et de votre méthodologie ?
Vous avez élaboré trois scénarios de programmation différents, du moins ambitieux au plus ambitieux. Un premier scénario dit de « cadrage budgétaire », se place dans la continuité de la trajectoire financière de la LOM ; vous indiquez d'emblée qu'il ne répond pas aux objectifs affichés par le Gouvernement ; nous en sommes d'accord. Dès lors, vous avez construit deux autres scénarios plus ambitieux que la LOM : un scénario de « planification écologique » et un scénario de « priorité aux infrastructures », donnant des marges de manoeuvre supplémentaires pour de nouveaux projets.
Nous souhaiterions particulièrement vous entendre sur ces deux derniers scénarios, afin d'en saisir les tenants et aboutissants.
À la lumière de vos conclusions, le Gouvernement devra bientôt rendre ses arbitrages et les traduire au niveau législatif. Avez-vous eu des informations concernant le véhicule législatif qui sera privilégié et son calendrier ? Le Gouvernement hésiterait entre une nouvelle loi d'orientation des mobilités et le simple ajout d'un volet « transports » dans la future loi de programmation sur l'énergie et le climat... La première option nous semblerait la plus efficace pour porter une politique de transports claire et ambitieuse.
Permettez-moi également de vous interroger sur les annonces faites par la Première ministre, en marge de la remise de ce rapport, s'agissant du plan d'investissement dans les infrastructures ferroviaires qui devrait être doté de 100 milliards d'euros d'ici 2040. Le Gouvernement a laissé planer un certain flou sur les modalités de financement, en se contentant d'indiquer que la route et le secteur aérien seraient mis à contribution. Avez-vous des précisions ? Quels leviers de financements vous semblent les plus pertinents ?
Enfin, je souhaite évoquer le chantier de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, un méga-projet d'infrastructures qui s'inscrit dans le cadre du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) et que notre commission suit avec attention. Alors que le calendrier actuel prévoit un achèvement des travaux d'ici 2030, en vue d'une mise en service pour 2032, le Gouvernement n'a toujours pas rendu sa décision sur les voies d'accès du tunnel. Votre rapport peut surprendre : votre scénario de « planification écologique » prévoit que « les études des nouvelles lignes et tunnels d'accès seraient reportés au quinquennat 2028-2032, pour un engagement des travaux nécessaires pour la période 2038-2042 » ; il préconise aussi d'accélérer la modernisation de la ligne ferroviaire existante reliant Dijon à Modane. Est-ce à comprendre que vous préconisez, d'ici à 2045, d'utiliser cette ligne comme seule voie d'accès au tunnel ? Ce serait une « douche froide » pour les nombreux acteurs qui plaident en faveur d'un scénario à « grand gabarit », plus favorable au fret et plus cohérent avec les choix déjà actés par nos voisins italiens. De plus, un tel scénario conduirait à dépasser largement l'échéance de 2028 marquant l'expiration de la déclaration d'utilité publique (DUP) de la partie française... Qu'en pensez-vous ? Ce glissement de calendrier ne risque-t-il pas de mettre à mal ce projet déjà bien engagé ?